Peut-on entièrement déléguer au privé la pause méridienne à l’école ? et le reste du périscolaire ?

Un de nos partenaires (l’excellent cabinet Citexia) vient d’échanger avec nous sur cette réponse des services de l’Etat à une question écrite parlementaire :

 

« La création d’un service de cantine scolaire n’étant pas obligatoire pour une commune, il n’existe pas de disposition législative confiant expressément à la commune la mission de surveillance des élèves lors de la pause méridienne. Toutefois, le Conseil d’État s’est prononcé défavorablement à l’accomplissement, par des personnes privées, de toute mission relative à la surveillance des élèves dans un avis rendu le 7 octobre 1986 (CE, 7 octobre 1986, avis n° 340 609). Ainsi, les communes peuvent confier la fourniture et la préparation des repas à des personnes privées à l’exclusion de l’activité de surveillance des élèves qui incombe exclusivement à la collectivité organisatrice du service. Un accueil de loisirs périscolaire défini à l’article R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF), soumis à l’obligation de déclaration auprès du préfet de département, peut être organisé durant le temps méridien. Il comprendra sur ce temps une restauration et des activités éducatives organisées. Si tel est le cas, les normes relatives aux taux d’encadrement et à la qualification des encadrants, prévues notamment aux articles R. 227-12 à 16 du CASF, s’appliqueront au temps de restauration. Néanmoins, la surveillance des enfants pendant le temps de restauration ne sera pas déléguée par la commune à l’organisateur de l’accueil de loisirs périscolaire, mais sera effectuée par du personnel municipal déclaré comme intervenant au sein de l’accueil de loisirs périscolaire déclaré. »
QE JOAN de M. Jean-Luc Fugit, réponse publiée au JO le : 09/07/2019 page : 6427

J’avais commencé un long courrier électronique et… je me suis dit que j’allais carrément en faire bénéficier les lecteurs de notre blog.

Précisons que c’est le juge (CE mais aussi cour de cassation), et non les seuls services de l’Etat, qui a estimé que l’on ne peut déléguer la surveillance de la pause méridienne même si une décision du tribunal des conflits pourrait être interprétée (mais avec de l’imagination… voir ce jugement ici) comme allant en sens inverse

voici un extrait d’un de mes ouvrages (« La commune et l’école » ;  Territorial éditions, la dernière édition ayant été mise à jour à deux mains),  à ce sujet:

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L’avis du CE était consultatif, pas juridictionnel, mais quand même (et il y a la décision de la cour de cassation…)

voici ledit avis

 

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Attention : selon nous, et pour schématiser un sujet en réalité relativement complexe, il ne s’agit pas d’interdire le recours aux acteurs privés. Mais il doit y avoir en pareil cas :

  • soit recours à des agents publics :
    • agents de la collectivité
    • ou agents de l’Etat — enseignants — en activité accessoire, comme souvent,
  • soit recours à des acteurs privés mais sous le contrôle réel, sur place, d’au moins un agent public en charge de ladite surveillance (à prévoir dans les contrats et dans la réalité quotidienne).

 

Mais au delà se pose la question de l’extension de ce régime hors pause méridienne, hors cantine restauration scolaire donc.

Le décalage entre les pratiques du matin et du soir, versus cette position du juge pour la pause méridienne, alors que peu d’éléments en droit ou en fait viennent justifier cette différence, va un jour finir par conduire à un hiatus… comme je l’écris depuis plus de 15 ans.

Selon moi, à ce propos, et à terme :

  1. • soit le temps de pause méridienne sera à terme détaché du scolaire auquel le rattachait le Conseil d’Etat de manière un peu étrange, dans son avis non contentieux de 1986. Ce serait logique. En pareil cas, le juge reverrait sa copie et permettrait une délégation pleine et entière en ce domaine (surveillances des enfants par un attributaire de marché public voire un délégataire de service public dans les cas où on arrive à sécuriser ce montage en droit : voir ici sur ce point). Ce serait un revirement, mais un revirement logique, le temps périscolaire étant bien plus détaché du scolaire, en droit, qu’en 1986.
  2. • soit le temps du périscolaire du matin et du soir est distingué du midi par le juge et en ce cas la délégation peut porter sur le matin, le soir, mais pas le midi. Cette solution correspond à la pratique et n’imposerait pas de revenir sur l’avis de 1986. Mais cette solution ne serait pas très cohérente. A tout le moins si l’on veut être prudent, faudrait-il alors ne pas déléguer au privé le service périscolaire qui est le plus proche du scolaire, dans son contenu, qui est l’aide aux devoirs…
  3. • soit le temps périscolaire en son entier passe sous l’obligation d’un contrôle par un agent public par extension de cette position du Conseil d’Etat en 1986, et ce serait un big bang par rapport aux contrats pratiqués à ce jour. Cette solution, peu cohérente, et qui en ce cas soulèverait des difficultés énormes pour le monde associatif, sur l’organisation du périscolaire en France, ne reposerait par surcroît sur peu de bases juridiques hors le besoin d’étendre cet avis non contentieux, peu motivé d’ailleurs en droit, de 1986. Cette hypothèse me semble peu probable, quoique bien évidemment nullement impossible.

A suivre…

 

 

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source iconographique : http://www.mairie-st-savin.fr/vie-quotidienne/a-tout-age/periscolaire/la-cantine

 

Voir aussi :