Quel est le sort réservé aux recours électoraux déposés en mars 2020, après la date limite de dépôt des protestations électorales pour le 1er tour… et avant que l’ordonnance du 25 mars 2020 ne rouvre ces délais de recours ? Réponse avec une décision du Conseil d’Etat rendue avant-hier.
Il y avait eu, au printemps confiné dernier, un débat sur le point de savoir si c’était le 23 ou le 25 mai qu’allait s’achever le délai de dépôt des recours en contentieux électoral (« protestations électorales ») contre les élections du 15 mars 2020.
Nous avions écrit sur le présent blog que cette échéance était au 25 mai, à 18 heures, et non au 23 mai. Voir :
… point qui fut ensuite confirmé par le juge administratif (CE, 29 juillet 2020, n° 440623). Voir :
Mais certains ont cru que c’était le 23 mai.
Pire : d’autres ont cru que l’on allait appliquer le délai usuel de 5 jours pour une telle requête électorale (que l’on appelle une « protestation électorale »)…
Avaient-ils tort ? OUI et NON.
Car le report de ces délais de recours électoraux ne sera connu qu’avec le 3° du II de l’article 15 d’une ordonnance du 25 mars 2020 et le 2° du I de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 et avec le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020.
Or, M. F… a déposé une protestation électorale le 23 mars 2020 contre l’élection du 15 mars… Date postérieur au délai normal de recours électoral (qui est de 5 jours)… mais antérieur à la date de l’ordonnance du 25 mars 2020.
Donc le 24 mars, avant l’ordonnance du 25 mars donc…
Alors même que, médiatiquement et par la loi promulguée le matin même, on savait que le délai serait reporté, à strictement parler, le juge du tribunal administratif saisi pouvait se penser fondé à rejeter le recours pour tardiveté, le 24 mars. Les 5 jours de délai de recours, en contentieux électoral, étaient passés et aucun texte exécutoire n’avait encore prolongé ou ressuscité ce délai.
Le 24 mars 2020m le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a donc rejeté comme tardive la protestation qu’il a formée contre ces opérations électorales, même s’il eût été concevable qu’il attendit quelques jours par prudence.
Mais au 30 avril… c’est-à-dire au jour où le requérant forme appel contre cette ordonnance de rejet pour tardiveté.. ladite forclusion était relevée, puisqu’entre temps les délais de recours avaient été rouverts jusqu’au 25 mai 2020.
Le juge a donc estimé que l’appel contre l’ordonnance était fondé puisque les délais avaient été rouverts.
Le Conseil d’Etat a donc annuler l’ordonnance attaquée rejetant comme tardive la protestation.
Allait-il renvoyer l’affaire au TA ? Certes non puisque les TA ont un délai pour statuer en électoral… à défaut l’affaire est renvoyée directement au Conseil d’Etat.
Or, au jour où le Conseil d’Etat statue sur l’appel porté devant lui, il est trop tard pour renvoyer l’affaire devant le TA ; l’affaire relève du Conseil d’Etat donc sur le fond.
Plus précisément le délai imparti au tribunal administratif par l’article 17 de l’ordonnance du 25 mars 2020, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l’organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires, pour statuer sur la protestation, est expiré.
Dès lors, il y a lieu pour le Conseil d’État de statuer immédiatement sur cette protestation.
Le Conseil d’Etat précise aussi, logiquement qu’aucun des griefs soulèves par le requérant dans sa requête présentée devant le Conseil d’Etat le 30 avril 2020 ne peut, dès lors que le délai de protestation n’était pas expiré à cette date, être écarté comme irrecevable au motif qu’il serait nouveau…. puisque des moyens nouveaux pouvaient être soulevés, donc, jusqu’au 25 mai à 18h.
Sources : voir aussi CE, 15 juillet 2020, M. , n° 440055 (voir Le Conseil d’Etat n’accepte que dans des cas exceptionnels que l’abstention vaille en elle-même altération de la sincérité du scrutin ) ; sur l’irrecevabilité des griefs soulevés pour la première fois en appel, voir CE, 28 janvier 1994, Bartolone, Elections cantonales des Lilas, n° 143531, rec. p. 41.
CE, 4 novembre 2020, n° 440355, à publier aux tables du recueil Lebon :