Le financement des transports des malades ne cesse de donner lieu à des polémiques et des contentieux.
Voir :
- Intervention des SDIS à la demande des SAMU : pour 2020, le tarif national d’indemnisation est fixé à 124 €
- voir aussi :
Sur une partie de ces questions, un arrêt important avait été rendu par le Conseil d’Etat il y a un an (I). Or le TA d’Amiens vient, à ce sujet, de rendre une série de jugements intéressants et dans la même lignée (II).
I. Le mode d’emploi du Conseil d’Etat il y a un an, s’agissant des appels au « 15 »
S’agissant de l’appel au « 15 », au SAMU, pour les transports ensuite notamment en l’absence de VSL disponible, s’appliquent des financements spécifiques dont les règles ont été précisées par le Conseil d’Etat par un arrêt rendu le… 18 mars 2020, en plein confinement donc.
Avec une leçon générale : non le SDIS ne peut facturer plus, ou à côté, de ce qui est prévu par le texte.
Le Conseil d’Etat commence par retracer le contenu des dispositions ad hoc du Code de la santé publique (art. L. 6311-1 et suiv. de ce code puis art. R. 6311-1, R. 6311-2, D. 6124-12 et R. 6312-15 de ce même code).
Il en déduit que les services départementaux d’incendie et de secours « ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, au nombre desquelles figurent celles qui relèvent des secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l’évacuation de ces personnes. Les interventions ne relevant pas directement de l’exercice de leurs missions de service public effectuées par les services départementaux d’incendie et de secours peuvent donner lieu à une participation aux frais des personnes qui en sont bénéficiaires, dont ces services déterminent eux-mêmes les conditions. »
Ce n’est pas totalement nouveau. Mais, on le voit, cela dépasse la question du financement par les CHU et autres établissements publics de santé…
Dans le cas des appels au centre de réception et de régulation des appels, dit » centre 15 « , le Conseil d’Etat pose que les :
« les interventions ne relevant pas de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales qui sont effectuées par les services départementaux d’incendie et de secours à la demande du centre 15, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, sont décidées, sous sa responsabilité, par le médecin régulateur du service d’aide médicale urgente, qui les a estimées médicalement justifiées compte tenu des informations dont il disposait sur l’état du patient. Elles font l’objet d’une prise en charge financière par l’établissement de santé siège des services d’aide médicale d’urgence, dans des conditions fixées par une convention – distincte de celle que prévoit l’article D. 6124-12 du code de la santé publique en cas de mise à disposition de certains moyens – conclue entre le service départemental d’incendie et de secours et l’établissement de santé et selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale. »
Sur cette base, la Haute Assemblée valide la position de la CAA qui avait déduit de ces textes que :
- les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 1424-42 du CGCT doivent dans ces conditions être regardées comme régissant l’ensemble des conditions de prise en charge financière par les établissements de santé d’interventions effectuées par les SDIS à la demande du centre de réception et de régulation des appels lorsque ces interventions ne sont pas au nombre des missions de service public définies à l’article L. 1424-2 de ce code auxquelles ces établissements publics sont tenus de procéder et dont ils supportent la charge
- les SDIS ne peuvent donc demander, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 1424-42 du même code, une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération de leur seul conseil d’administration, aux établissements de santé, sièges des services d’aide médicale d’urgence.
BREF PAS DE FACTURATION POUR CES PRESTATIONS au delà de ce qui est prévu en droit :
Source : CE, 18 mars 2020, n° 425990
Nous avions alors commenté ici cet arrêt :
II. Les nouveaux jugements du TA d’Amiens
Les conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme avaient adopté des délibérations visant à facturer aux centres hospitaliers des trois départements les frais de transport des victimes d’accidents vers ces centres hospitaliers, dans le cadre des missions du SDIS d’appui à l’aide médicale d’urgence gérée par les services d’aide médicale urgente (SAMU) relevant de ces centres hospitaliers.
Le tribunal administratif d’Amiens a constaté l’illégalité de ces délibérations et des titres de perception émis par les SDIS à l’encontre des centres hospitaliers.
Le tribunal a relevé que le SDIS peut être amené à accomplir sa mission de secours d’urgence aux victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes sur demande du médecin régulateur du SAMU avec intervention conjointe de la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR), relevant comme les SAMU des centres hospitaliers.
Il a également rappelé l’étendue du pouvoir de décision du médecin régulateur en la matière, qui décide du mode de transport d’une victime vers un centre hospitalier qui peut être assuré par le SDIS ou par la SMUR.
Le tribunal a jugé que, lorsque le médecin régulateur du SAMU décide que le transport sera effectué par le SDIS, après médicalisation de la victime par la SMUR, cette décision n’a pas pour effet de retirer à la mission accomplie par le SDIS son caractère de secours d’urgence au sens de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), du fait que la mission était conjointe avec la SMUR.
Il a ainsi jugé que cette mission de transport des SDIS demeure, dans ce cadre, une prolongation de sa mission de service public telle que définie par le CGCT et que les frais qu’elle génère doivent être pris en charge par les budgets propres des SDIS.
Les centres hospitaliers ont donc demandé à bon droit l’annulation des titres de recettes procédant des délibérations par lesquelles les SDIS leur ont imposé une participation financière à ces dépenses de transports sanitaires.
Voir sur le site de ce tribunal :
Voir ces mêmes (et nombreux) jugements en pdf :