Un agent dont l’employeur public n’a pas déclaré l’activité auprès de la caisse de retraite peut engager la responsabilité de celui-ci dans les 4 ans à compter de sa mise à la retraite.

Par un arrêt M. A… c/ ministre de l’agriculture et de l’alimentation en date du 23 avril 2021 (req. n° 20NT00781), la cour administrative d’appel de Nantes a considéré qu’un employeur public engage sa responsabilité pour faute à l’égard d’un agent public non titulaire, dès lors qu’il n’a pas satisfait à son obligation, dès la date de la prise de fonction de l’agent, d’assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale ainsi qu’à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) et de verser les cotisations correspondantes. Surtout, la cour précise que la créance dont se prévaut l’agent ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues mais à l’année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c’est-à-dire celle au cours de laquelle l’intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite.

En l’espèce, à compter du 26 juin 1972, alors qu’il exerçait comme vétérinaire libéral, M. A… a été titulaire d’un mandat sanitaire l’habilitant à remplir des missions de santé publique sous l’autorité des services de l’État, au sens de l’article L. 221-11 alors en vigueur du code rural. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations qui n’ont donné lieu à aucune cotisation aux régimes de retraites gérés par la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et par l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour la période allant du 26 juin 1972 au 31 décembre 1989 et qui, par suite, n’ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à la retraite.

M. A… a saisi l’administration, le 15 février 2013, d’une demande d’indemnisation à raison des préjudices qu’il a ainsi subis. L’administration a reconnu le principe de sa responsabilité et lui a communiqué une proposition d’indemnisation, le 11 juillet 2016, que l’intéressé a refusée le 4 août suivant. M. A… a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l’État à lui verser une provision de 231 967,17 euros au titre du préjudice représenté par le montant des arriérés de cotisations sociales et par le différentiel de pension non perçu.

Par une ordonnance rendue sous le n° 1601721 le 18 janvier 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné l’État à verser à M. A… une provision de 176 963,27 euros. A la suite de cette ordonnance, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a demandé au même tribunal, sur le fondement de l’article R. 541-4 du code de justice administrative, à titre principal, de rejeter la demande de M. A… en raison de la prescription de cette demande et, à titre subsidiaire, de fixer définitivement le montant de la créance de celui-ci à la somme de 156 655,89 euros. Par un jugement du 30 décembre 2019, dont M. A… relève appel, le tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande du ministre en retenant la prescription de sa créance opposée à M. A….

La cour administrative, sans remettre en cause le principe de la responsabilité de l’État, va rejeter la requête en appel de M. A… en considérant qu’une « créance telle que celle dont se prévaut M. A… ne se rattache pas à chaque année au titre de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont dues, non plus qu’à chaque année au cours de laquelle les pensions correspondantes auraient dû être versées, mais à l’année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c’est-à-dire celle au cours de laquelle l’intéressé cesse son activité et fait valoir ses droits à la retraite. Pour le bénéficiaire de plusieurs pensions de retraite, l’année prise en compte pour déterminer le point de départ du délai de la prescription est celle où l’intéressé a fait valoir ses droits à la retraite au titre de l’activité à laquelle sa créance de droits à pension se rattache, soit, en l’espèce, s’agissant de l’activité de mandat sanitaire des vétérinaires au service de l’État, au titre du régime général d’assurance vieillesse des salariés. »

Or, poursuit la cour, « il résulte de l’instruction que les droits à pension de retraite de M. A…, né en 1943, ont été liquidés, dans un premier temps, par la caisse de retraite du régime général de sécurité sociale à la date du 1er octobre 2008 au titre de ses activités salariées puis, dans un second temps, par la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires, composante de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, à compter du 1er octobre 2009, au titre de son activité libérale de vétérinaire. La nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d’un mandat sanitaire a été clairement établie, compte tenu notamment de la reconnaissance aux intéressés de la qualité d’agent public de l’État par des décisions du Conseil d’État statuant au contentieux des 12 juillet 1969 et 12 juin 1974, ayant donné lieu à diffusion et dont la teneur a été retranscrite les années suivantes dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. C’est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d’entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d’un mandat sanitaire ont été ” assimilées “, pour l’application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l’exercice d’une profession libérale. Or, il ne résulte pas de l’instruction que M. A… n’aurait pas été en mesure, à la date à laquelle il a fait liquider ses droits à pension de retraite pour son activité salariée, soit le 1er octobre 2008, de disposer d’indications suffisantes quant au caractère salarial des rémunérations qu’il avait perçues et à l’obligation de cotisation qui en découlait pour l’État jusqu’en 1989. C’est ainsi à cette date que son préjudice doit être regardé comme connu dans toute son étendue, dès lors que le décompte des droits dont il a eu connaissance, s’il intégrait ses droits à pension nés d’activités professionnelles exercées en qualité de salarié, n’incluait aucun droit au titre de ses activités salariées passées exercées dans le cadre de son mandat sanitaire pour l’État. La circonstance qu’il n’a liquidé sa pension au titre de son activité de vétérinaire auprès d’une caisse de retraite distincte propre à sa seule activité libérale que le 1er octobre 2009 est dès lors sans incidence à cet égard. Dans ces conditions, le délai de prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2009 et était expiré lorsque M. A… a saisi le directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire d’une réclamation préalable indemnitaire par un courrier du 15 février 2013 pour obtenir le paiement d’une somme en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait du défaut de versement par l’État des cotisations citées. «

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2021-04-23/20NT00781