A la base, quand un service public est en cause, une collectivité territoriale peut :
- soit déléguer un service public (art. L. 1411-1 et suivants du CCGT) entre autres modes de concession (articles L. 1410-1 à L. 1410-3 de ce même code), et ce en tout (concession de service public par exemple) ou partie (affermage ou affermage concessif, par exemple)
- soit gérer directement ces services publics, ce qui passe par la création d’une régie autonome ou d’une régie personnalisée si on est en service public industriel et commercial (SPIC), à quelques dérogations près, de telles structures étant en revanche facultatives en service public administratif (SPA). Tout ceci étant régi, sans jeu de mots, par les articles L. 1412-1 et suivants du même code.
En réalité les choix possibles s’avèrent plus variés encore et en voici une présentation schématique déjà très simplifiée (manquent certains montages contractuels complexes, manquent les SEMOP, etc.) :
Reste que les formulations et l’architecture du CGCT conduisent à voir la gestion déléguée et la régie comme étant de véritables alternatives et non des solutions combinables entre elles.
Telle a d’ailleurs toujours été la position des services de l’Etat. Voir : QE, J.-L. Masson, n° 8748, JO Sénat (Q) 13 mars 2014, p. 712 (publiée avec la même réponse pour le même député au même JO avec également la référence 7795) ; QE M.-J. Zimmermann, n° 35318, JOAN (Q) 11 mars 2014…
Cette position de l’Etat et qui est ultra-dominante dans le petit monde qui est le mien depuis la fin des années 80 vient d’être battue en brèche d’une formulation lapidaire par la CAA de Lyon qui a posé en axiome que :
« 3. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu’elles sont responsables d’un service public, les collectivités publiques peuvent décider d’en assurer directement la gestion. Elles peuvent, à cette fin, le gérer en simple régie, ou encore, s’il s’agit de collectivités territoriales, dans le cadre d’une régie à laquelle elles ont conféré une autonomie financière et, le cas échéant, une personnalité juridique propre. Lorsqu’elle est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, la régie a le statut juridique d’un établissement public local et peut, dans le cadre de la compétence que lui a attribuée sa collectivité de rattachement, conclure des contrats publics et notamment des délégations de service public. »
S’il s’agit d’une régie personnalisée en charge d’un SPIC, s’appliquent les dispositions de l’article L. 1412-1 du CGCT, lequel commence ainsi :
« Les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes, pour l’exploitation directe d’un service public industriel et commercial relevant de leur compétence, constituent une régie soumise aux dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie, le cas échéant, après avoir recueilli l’avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l’article L. 1413-1. […]
Il s’agit donc de « l’exploitation directe » du SPIC. Ce qui exclut à priori toute gestion déléguée… sauf oxymore.
En SPA, la question pourrait être plus débattue puisque la formulation de l’article L. 1412-2 du CGCT parle alors du fait qu’il est loisible aux collectivités ou à leurs groupements d’ « individualiser »la gestion d’un service public administratif relevant de leur compétence via une telle régie personnalisée… ce qui laisse plus d’espace à diverses interprétation possibles.
Dans tous les cas, et quel que soit le niveau de collectivité concerné, il y a renvoi par les articles L. 1412-1 et suivants du CGCT… aux articles L. 2221-1 et suivants de ce même code… lesquels, pour les SPA comme pour les SPIC, traitent via ces régies de l’exploitation « directe » desdits SPIC ou, même, SPA.
Bref, vu ces formulations, ce nouvel arrêt de la CAA de Lyon nous semble d’une grande audace.
D’où l’ascenseur émotionnel suivant :
- 1 🤔 Quoi ? une régie personnalisée peut faire une DSP comme autorité délégante (et non pas comme simple AMO intégré pour la collectivité de rattachement comme à l’accoutumée) ?
- 2 😱 Oh mon Dieu ils ont osé ? Mais ont-ils affirmé cela d’un trait de plume irréfléchi ou cette concision cache-t-elle un raisonnement profond qui aurait la modestie d’être, par le juge, caché derrière une formulation à l’emporte-pièce ? Loin, fort loin, de mes capacités cognitives ?
- 3 🤷🏻♂️ Bon allez cela fera une ligne de défense si on a à plaider un jour en ce sens.
- 4 😹 Mais bon… Disons qu’il vaut mieux en rire et féliciter le confrère (Me B. Poujade, que je salue) qui a gagné cela.
Ajoutons que nous sommes en restauration collective, pour laquelle en sus il y a rarement acceptation de ce que nous sommes en DSP justement. Mais ceci est une autre histoire. Que voici :
- Restauration collective, notamment scolaire : comment sécuriser qu’on est bien en DSP ? (CAA de LYON, 4ème chambre – formation à 3, 20/09/2018, 15LY04042)
- gare aussi aux cas particuliers des restaurations annexes des musées et autres établissements culturels et sportifs qui ne seront pas toujours en eux-mêmes des fractions de services publics : Voir CAA Lyon, 24 juillet 2003, Département du Rhône, req. n° 99LY01503 et CAA de Paris, 10 juillet 2003, Sté Sogères c commune Yerres, req. n° 01PA02303 et 01PA02304. A contrario, l’activité de restauration rattachée au service public des bains de mer peut quant à elle être assimilée à un service public lorsqu’elle s’adresse aux usagers du service public des bains de mer et ne peut être exercée que sur la période de la saison balnéaire, raisonnement transposable à la restauration accessoire à un service public culturel (CAA de Marseille, 12 juin 2006, Société le Juanita, req. n° 04MA01638). Voir également dans ce sens TA Grenoble 28 janvier 2003, M. Furelaud, req. N°02-2779 et TA Nancy, 22 janvier 2002, Trogrlic, req. n° 00846. Voir notre article « Délégation du service de restauration : un mezzé juridique » in Lamy Collectivités locales, juillet 2007, p. 68.
- Voir aussi :
Voici cet arrêt, à savourer sans modération avec le plaisir que l’on a quand on découvre des cuisines inconnues dont l’exotisme défie nos habitudes :
CAA Lyon, 9 décembre 2021, n° 19LY04109
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.