Aux termes de l’article L. 2121-27-1 du CGCT, toute commune de 1 000 habitants ou plus (depuis 2020 ; avant ce seuil était fixé à 3 500 habitants) est tenue de réserver dans son bulletin d’information municipale, lorsqu’elle diffuse un tel bulletin, un espace d’expression réservé à l’opposition municipale.
Ce régime complexe (I) vient d’être clarifié par le Conseil d’Etat sur deux points :
- Les sites Internet d’information générale de la commune sont aussi concernés par l’application de ce régime (II)
- Et la pratique, très fréquente, consistant à prévoir aussi une tribune de la majorité dans le bulletin et autres supports n’est pas illégale (III).
I. Quelques rappels sur ce régime
…Avec un subtil équilibre des pouvoirs entre maire et conseil municipal :
et avec le droit en matière d’injure et de diffamation :
- Le maire doit s’assurer que l’opposition ne dérape pas dans le bulletin municipal, mais avec modération
- Tribune injurieuse ou diffamatoire dans le bulletin municipal : le CE affine sa jurisprudence (Voir notamment
La violation de ce régime entraine de nombreuses censures, y compris en référé liberté (voir par exemple TA de Montreuil, 28 juin 2017, n° 1705129 : Une nouvelle décision de Justice pour censurer les atteintes aux droits de l’opposition municipale ).
Voir aussi par exemple CAA Versailles, 18 octobre 2018, 17VE02810 ; TA Lille, 28 septembre 2021, n° 2005711 2008872 ; 8. Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 10 janvier 2019, n° 1601230. Intéressant sur les volumes réservés ou non aux oppositions et sur Internet : voir TA Lille, 28 septembre 2021, n° 2005711 2008872.
Il est constant que :
« toute mise à disposition du public de messages d’information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu’elle revêt, comme la diffusion d’un bulletin d’information générale »
Source : CAA Versailles, 17 avril 2009, Ville de Versailles c/ de Lesquen, req. 06VE00222, AJDA 2009. 1712 , concl. B. Jarreau ; JCP Adm. 2009. 2212, chron. A. Béal). Cette affaire inclut — pour schématiser — les sites Internet dans le champ de cette obligation, par exemple. Pour les TV, voir TA Lyon, 15 février 2004, Nardone, 0404876, AJDA 2007. 932.
Sont ainsi inclus les rapports annuels (CAA Versailles, 12 juillet 2006, Département de l’Essonne, 04VE0323), les bilans de mi-mandat (TA Nice, 6 août 2008, Martinenq c. Commune de La-Seyne-sur-Mer, BJCL 2008. 649 ; CAA Versailles 27 août 2009, Commune de Clamart, req. no 08VE01825, AJDA 2009. 2134) mais qui n’inclut pas les publications des actes adoptés, assortis des positions prises par les élus au cours de débats (CAA Marseille, 2 juin 2006, Commune de Pertuis, 04MA02045) ou — semble-t-il — les documents portant engagements de mandat (CE, 29 avril 2011, Commune de Valence, 348653).
FaceBook, Twitter et autres réseaux sociaux ont pu donner lieu à des jurisprudences nuancées, cela dit, voire contradictoires.
Voir quelques décisions en ce sens : TA Dijon, 29 septembre 2016, n° 1402816 ; TA Montreuil, 2 juin 2015, n°1407830 ; source parfois citée mais à tort selon nous voir CE, 20 mai 2005, n°274400 ; voir en sens contraire un étrange TA Montreuil, 29 juin 2017, n°s 1602417 et 1609194 ; puis retour à l’orthodoxie avec TA de Melun, 30 novembre 2017, n° 1605943 et 1605947, conclu. Mme S. Bruston ; TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, n° 1611384 et CAA Lyon, 3ème chambre – formation à 3, le 26 juin 2018, 16LY04102. Sur Twitter la décision TA Dijon, 29 septembre 2016, n° 1402816 ne manquera pas de faire débat. Voir en sens inverse TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, n° 1611384. Toutes ces décisions sont à lire dans notre article : Twitter et Facebook sont-ils des bulletins d’information générale donnant lieu à un droit d’expression pour les élus minoritaires ? [mise à jour au 21/12/2018] . A compléter avec CAA Marseille, 12 juin 2019, n° 18MA04529 – 18MA04530, d’une part, et avec TA Lyon, 16 septembre 2021, n°2100763, d’autre part (lien ici vers cette décision et son analyse sur l’Observatoire Smacl).
Une des difficultés récurrentes de ce régime porte sur
Un TA a pu estimer que cela ne s’appliquait pas aux journaux internes, ce qui s’avère fort discutable : TA Dijon, 29 septembre 2016, n° 1402816.
Autre point discutable : le point de savoir si on peut, dans le bulletin municipal, répondre par une note de la rédaction à une tribune de l’opposition ? Réponse NON… selon une CAA qui semble ouvrir la porte à une réponse par la majorité municipale (dans sa tribune et après coup) à la tribune de l’opposition municipale, mais pas via une note de la rédaction.
NDLR : cette interprétation, sans doute fondée sur le principe de neutralité, pourrait être débattue en droit.
Voici cet arrêt : CAA Douai, 20 octobre 2020, n° 19DA01986
II. Les sites Internet d’information générale de la commune sont aussi concernés par l’application de ce régime
Un point qui ne sera plus débattu est en revanche l’application de ce régime aux sites Internet.
La jurisprudence demeurait hésitante voire contradictoire à ce sujet (voir par exemple : CAA Paris, 23 janvier 2018, 16PA03582 ; CAA Lyon, 26 juin 2018, 16LY04102 ; TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, n° 1611384 ; TA Lille, 28 septembre 2021, n° 2005711 2008872 ; CAA Lyon, 21 juillet 2021, 18LY01627 ; CAA Marseille, 12 juin 2019, n° 18MA04529 – 18MA04530 ; CAA Paris, 23 janvier 2018, 16PA03582 ; TA Versailles, 10 octobre 2019, n° 1801322, 1801326…)
Le Conseil d’Etat a en effet clairement posé qu’il résulte de ce régime de l’article L. 2121-27-1 du CGCT qu’un espace doit être réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans toute publication comportant des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, y compris sur le site internet de la commune.
Source : Conseil d’État, 14 avril 2022, n° 451097, à mentionner aux tables du recueil Lebon
III. Et la pratique, très fréquente, consistant à prévoir aussi une tribune de la majorité dans le bulletin et autres supports n’est pas illégale
Par une autre décision du même jour, le Conseil d’Etat a également :
- rappelé que dans ce régime « l’espace réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication », ce qui donne lieu à un examen au cas par cas opéré par le juge
- posé, et c’est nouveau, que ce régime « n’a pas pour objet d’interdire qu’un espace soit attribué à l’expression des élus de la majorité, sous réserve que cette expression n’ait pas pour effet, notamment au regard de son étendue, de faire obstacle à l’expression des élus n’appartenant pas à la majorité.»
- posé en l’espèce que la réduction de moitié de l’espace dévolu à l’expression des élus n’appartenant pas à la majorité municipale et l’ouverture d’un espace aux élus qui en font partie prévus par une délibération d’un conseil municipal définissant les modalités d’application de l’article L. 2121-27-1 du CGCT et modifiant son règlement intérieur ne méconnaissent pas, à elles seules, cet article.
Source : Conseil d’État, 14 avril 2022, n° 448912, à mentionner aux tables du recueil Lebon
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