Le rite abat l’animal sans estourbir : la commercialisation dudit abat peut-elle ensuite estourbir, en revanche, l’information donnée au consommateur ?
Réponse du Conseil d’Etat : l’abattage rituel, est autorisé pour satisfaire des religions, mais rien n’impose ensuite d’informer le consommateur de la présence de telles viandes. Sauf peut être si on invente une religion au titre de laquelle on n’aurait pas le droit de consommer un animal non estourbi ?
En droit européen, on savait déjà que l’abattage rituel sans étourdissement est possible, juridiquement, mais uniquement dans un abattoir agréé, et sans obtention du label bio. Voir :
- https://blog.landot-avocats.net/2018/05/31/abattage-rituel-sans-etourdissement-possible-mais-uniquement-dans-un-abattoir-agree/
- Source : CJUE, 29 mai 2018, Aff. C-426/16, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen VZW e.a. c/ Vlaams Gewest.
- Abattage rituel sans étourdissement : possible mais uniquement dans un abattoir agréé et sans obtention du label bio (décisions récentes de la CJUE et, surtout, du CE) ; voir CJUE, n° C-497/17, Arrêt de la Cour, Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) contre Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation e.a, 26 février 2019 puis voir Conseil d’État, 4 octobre 2019 , n° 423647
Les conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux sont aujourd’hui fixées par l’article R. 214-70 du Code rural et de la pêche maritime.
L’association OABA a demandé l’annulation de la décision de rejet de l’Etat tendant :
- d’une part, à l’adoption des mesures réglementaires assurant la traçabilité, à l’intention du consommateur final, des viandes issues d’abattages réalisés sans étourdissement
- et, d’autre part, à l’abrogation des notes de service mentionnées au point précédent en tant qu’elles ne prévoient pas cette traçabilité.
Ce recours a été rejeté par la Haute Assemblée.
Le Conseil d’Etat commence par poser qu’aucune règle (ni l’article 4 du règlement CE n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 ni le respect effectif de la liberté de religion garantie par les stipulations de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) n’impose cette « traçabilité, notamment par étiquetage, en vue de garantir à certains consommateurs finals qu’ils ne consomment pas des viandes ou des produits carnés issus d’abattages pratiqués sans étourdissement ».
On pourrait poser que si une religion impose cette absence d’étourdissement, on pourrait conduire à imposer une traçabilité pour assurer le respect de cette obligation religieuse. Mais l’inverse n’est pas vrai.
Il ne reste plus qu’à créer, mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, une religion où sans être vegan (sinon la question ne se pose carrément plus) on ne pourrait manger que des viandes étourdies avant abattage….
Rappelons hélas que dans la célèbre affaire du « pastafarisme » le juge européen a pu montrer qu’il était réticent à admettre comme étant une religion tout nouveau canular. Hélas. Voir :
Autre moyen de l’association OABA : le principe de laïcité.
Sur ce point, la requérante se fait tacler, mais cela plutôt à l’aune de son propre intérêt à agir :
« 6. En second lieu, l’association OABA, qui ne se prévaut d’aucune conviction religieuse reposant sur la prohibition de la consommation des viandes ou des produits carnés issus d’abattages pratiqués sans étourdissement, ne peut pas utilement invoquer le principe de laïcité pour demander l’annulation de la décision qu’elle attaque.»
On revient à mon propos précédent : il faut donc créer une religion.
Qui se lance ?
Source : Conseil d’État, 1er juillet 2022, n° 441260
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