Un salarié de droit privé sera astreint strictement aux principes de neutralité et de laïcité et, même, à un devoir de réserve s’il oeuvre dans un service public et/ou est mis à disposition d’une personne publique

La Cour de cassation vient de rendre une décision importante en matière de principes de neutralité et de laïcité et de leur application aux salariés des structures de droit privé gérant un service public et/ou de ceux mis à la disposition d’une personne publique. 

Elle pose qu’un salarié de droit privé, employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes et mis à disposition d’une collectivité territoriale, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions, tant en sa qualité de salarié d’une personne de droit privé gérant un service public qu’en celle de salarié mis à disposition d’une collectivité publique.

Cette décision s’avère d’autant plus notable qu’elle porte sur des faits antérieurs à la loi «séparatisme » n° 2021-1109 du 24 août 2021 (respect des principes de la République ou RPR) qui a renforcé, depuis lors, les règles en ces domaines.

Un arrêt qui ne pourra qu’être confirmé lorsque seront à juger des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi. 

Sur cette loi, voir :

 

La Cour de cassation :

  • confirme que les principes de laïcité et de neutralité du service public, qui résultent de l’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958, sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé.
    Source : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 mars 2013, 12-11.690, Publié au bulletin
  • constate qu’en application des articles L. 5314-1 et L. 5314-2 du code du travail, les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d’association sont des personnes de droit privé gérant un service public.
  • pose que le salarié de droit privé mis à disposition d’une collectivité territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public (ce qu’elle déduit de la combinaison de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 — codifié depuis — et de l’article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008)
  • en déduit qu’un salarié de droit privé, employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes et mis à disposition d’une collectivité territoriale, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions, tant en sa qualité de salarié d’une personne de droit privé gérant un service public qu’en celle de salarié mis à disposition d’une collectivité publique.

La Cour de cassation censure donc un arrêt de cour d’appel qui avait jugé nul le licenciement d’un salarié car, selon cette cour donc, « discriminatoire pour avoir été prononcé au motif de l’expression par ce dernier de ses opinions politiques et convictions religieuses ».

L’intéressé, référent au sein d’une commune pour les missions d’insertion auprès d’un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, avait publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, fin novembre et début décembre 2015 (juste après les attentats de Novembre 2015 donc), des commentaires mentionnant :

  • « Je refuse de mettre le drapeau … Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu’il soit »
  • « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat »,

La Cour de cassation pose que le juge du fond aurait du dans un tel cas rechercher, comme il lui était demandé, si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d’insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune, notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels il exerçait ses fonctions, et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l’obligation de réserve du salarié en dehors de l’exercice de ses fonctions en tant qu’agent du service public de l’emploi mis à la disposition d’une collectivité territoriale, en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article L. 1133-1 du code du travail, tenant au manquement à son obligation de réserve.

 

Source :

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 octobre 2022, 21-12.370, Publié au bulletin