Dans quel délai retirer une décision de réintégration d’un agent dont la révocation est annulée par un jugement lui-même annulé en appel ?

Dans quel délai une administration peut-elle retirer une décision de réintégration d’un agent dont la révocation a été annulée par un jugement de première instance infirmé en appel, et lorsque cet arrêt d’appel fait l’objet d’un pourvoi en cassation ?

C’est à cette question dont la complexité déroute légitimement les employeurs publics que, par un arrêt Département de la Seine-Saint-Denis, en date du 9 décembre 2022 (req. n°  451500), le Conseil d’État a répondu de manière claire :

– d’une part, l’autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai de quatre mois à compter de la notification à l’administration de la décision rendue en appel ;

– d’autre part, passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l’arrêt ayant confirmé la révocation de l’agent, l’autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l’annulation du premier jugement.

En l’espèce, par une décision du 26 avril 2017, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a infligé à M. A…, adjoint administratif territorial, la sanction disciplinaire de révocation à compter du 15 mai 2017.

L’exécution de cette sanction a d’abord été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 13 juillet 2017, qui a ordonné la réintégration provisoire de l’intéressé, puis la sanction a été annulée par un jugement du 22 janvier 2018, lequel a ordonné la réintégration de l’intéressé à compter du 15 mai 2017. Toutefois, le département de la Seine-Saint-Denis a fait appel de ce jugement et la cour administrative d’appel de Versailles l’a annulé par un arrêt du 4 décembre 2019. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, lequel est pendant devant le Conseil d’État (donc l’instruction suit son cours).

Entretemps, en exécution de l’ordonnance de suspension du juge des référés du 13 juillet 2017, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis avait, par une décision du 8 septembre 2017, réintégré, à titre provisoire, M. A…. Par une décision du 19 janvier 2021, la même autorité a retiré cette décision du 8 septembre 2017. M. A… a demandé au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du 19 janvier 2021. Par une ordonnance du 25 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande. Le département de la Seine-Saint-Denis s’est alors pourvu en cassation contre cette ordonnance.

Tout d’abord, par un considérant de principe, le Conseil d’État précise que : « en cas d’annulation, par une décision du juge d’appel, du jugement ayant prononcé l’annulation de la décision portant révocation d’un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l’autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l’administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l’arrêt ayant confirmé la révocation de l’agent, l’autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l’annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l’agent à présenter ses observations. »

Or, conclut le Conseil d’État, « il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 8 septembre 2017, réintégré à titre provisoire M. A… dans ses fonctions, en exécution de l’ordonnance du 13 juillet 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, avant de retirer cette décision par arrêté du 19 janvier 2021, à la suite de l’arrêt du 4 septembre 2019 de la cour administrative d’appel de Versailles, infirmant le jugement du 22 janvier 2018 du même tribunal qui avait annulé la décision de révocation. Ainsi qu’il a été dit au point 7, cette décision de réintégration ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement. Par suite, en retenant comme propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu’à la date du 19 janvier 2021 le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement retirer la décision de réintégration prise à la suite de la suspension de la décision du 26 avril 2017 portant révocation de M. A…, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n’a pas commis d’erreur de droit. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046720322?page=1&pageSize=10&query=451500&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat