Pas plus le conseil municipal que le maire ne peuvent interdire par principe l’installation d’un cirque avec animaux sauvages… ce qui de toute manière relèvera très bientôt de l’histoire du droit

Le maire est, bien sur, compétent pour délivrer, ou non, des autorisations d’occupation domaniales. Le Conseil municipal est, de son côté, compétent pour en fixer les conditions et les tarifications, d’une manière plus générale.

Mais ni l’un (I) ni l’autre (II) ne sont compétents pour interdire par principe l’installation d’un cirque avec animaux sauvages… et cela relèvera bientôt de l’histoire du droit (III).

I. Ni le maire… 

 

Entre-t-il dans les attributions du maire, en droit, de décider, ou non, si un cirque peut s’installer sur le territoire communal dans son principe ? Peut-il par exemple prendre un arrêté d’interdiction d’installation de cirques avec animaux sauvages sur le territoire de la commune ?

NON avait répondu le TA de Clermond-Ferrand, car celui-ci pose que le maire empiète alors illégalement sur la police spéciale confiée aux autorités de l’État.

Or, le droit est subtil en matière de « concours de police » de cette nature:

  • CAS 1 : le juge admet que le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, intervienne parfois en cas de situation particulière même dans les domaines où l’Etat dispose d’un pouvoir de police spéciale (CE, S., 18 décembre 1959, Lutétia, n°36385 36428, publié au rec.) avec des combinaisons au final entre pouvoir de police générale du maire et pouvoirs de police spéciale qui restent bâtis par le juge régime par régime (pour deux exemples, voir CE, 5 juin 2019, n° 417305 et CE, 27 juillet 2015, 367484). Pour un exemple récent, voir :
  • Mais dans d’autres domaines, il n’est pas rare que le juge :
    • CAS 2 : refuse de tels usages de pouvoir de police générale au nom de l’existence d’une police spéciale, comme cela a été le cas, à titre d’illustration, en matière de compteurs Linky (CE, 11 juillet 2019, n° 426060), d’OGM (CE, 24 septembre 2012, n°342990) ou de police spéciale des communications électroniques (CE, Ass., 26 octobre 2011, n°326492, n°329904 et n° 341767 – 341768).

    • CAS 3 : ou à tout le moins ne l’admette que de manière très limitée en cas d’urgence comme ce fut le cas par exemple en matière d’édifices menaçant ruine (CE, 5 juin 2019, n° 417305) ou à titre complémentaire mais de manière très encadrée, limitée, comme pour l’état d’urgence sanitaire (CE, ord., 17 avril 2020, n°440057).

 

Il y a eu de nombreuses annulations d’arrêtés municipaux interdisant la présence de cirques. Voir :

… mais la plupart du temps, c’était parce que les mesures reposaient sur des souffrances animales non prouvées, non avérées (et en ce cas difficile de dire que l’arrêté de police est, comme il doit l’être en droit, proportionné au trouble à l’Ordre public qu’il s’agit d’obvier)… soit parce que l’interdiction était générale et absolue (ce qu’elle était en l’espèce aussi… ce qui rendait la censure à peu près inévitable de toute manière).

Cependant, et de manière un peu moins rabattue par de nombreuses jurisprudences, le TA s’est posé la question de savoir si nous sommes dans un domaine où il peut, ou non, y avoir concours de police, et donc par exemple où un maire pourrait tenter de « durcir » pour des raisons locales, un arrêté préfectoral par exemple.

La réponse du TA est donc NON (cas 1 donc pour reprendre la typologie ci-avant, dans la lignée des décisions TA Lille, 11 décembre 2020, n° 183486 et TA Lyon, 25 novembre 2020, n° 1908161, citées par le rapporteur public M. Ph. Chacot).

Source :

TA Clermont-ferrand, 8 juillet 2021, n°2001904

Voir les intéressantes conclusions du rapporteur public M. Ph. Chacot :

 

 

II. Ni le conseil municipal… 

 

Par son arrêt n°21DA00323, 21DA00324 du 8 décembre 2022, la cour administrative de Douai a en effet considéré qu’aucune disposition du CGCT ou du code de l’environnement ne donnait au conseil municipal d’Hénin-Beaumont le pouvoir de décider que ne seraient désormais plus délivrées d’autorisations d’installation d’un cirque détenant des animaux sauvages sur le territoire de la commune.

Le tribunal administratif de Lille puis la cour a cour avaient été saisis par la fédération des cirques de tradition et propriétaires d’animaux de spectacle et l’association de défense des cirques de famille qui avaient, en vain, saisi le maire d’une demande d’abrogation de la délibération du conseil municipal décidant que la commune renonçait à recevoir tout cirque détenant des animaux sauvages.

La CAA confirme en cela le jugement du tribunal administratif de Lille.

Source :

CAA de Douai, 8 décembre 2022, 21DA00323 et 21DA00324

 

 

III. Ni personne bientôt puisque de toute manière les cirques avec animaux sont à terme condamnés… 

 

 

Il est à rappeler que de toute manière, en France, les cirques avec animaux font leurs derniers tours de piste avant interdiction totale :

Cette évolution a été prévue par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes (NOR : AGRX2035381L) :

La loi a mis cela en musique avec :
  • une « commission nationale consultative pour la faune sauvage captive » (mais sans présence permanente des représentants du monde circassien).
  • interdiction (au 1/12/2023) « d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants des animaux appartenant aux espèces non domestiques ».
  • interdiction tout simplement de détenir de tels animaux dans les cirques itinérants au 1er décembre 2028 avec de possibles dérogations en cas d’absence de solution d’accueil de ces animaux. Avec des régimes d’enregistrement de ces animaux et d’autorisations d’ouverture très stricts.
  • fin des delphinariums (delphinaria) et autres détentions de cétacés en captivité, sauf exceptions, au 1er décembre 2026

A noter aussi, dans cette loi :

  • ce texte :
  • « Art. L. 214-10-1. – Les manèges à poneys, entendus comme attractions permettant, pour le divertissement du public, de chevaucher tout type d’équidé, via un dispositif rotatif d’attache fixe privant l’animal de liberté de mouvement, sont interdits. » ;
  • Restent les vrais chevaux des manèges .. ceux qui ne vivent pas :
  • La loi interdit aussi la détention « des ours et des loups » en vue de les présenter au public dans des spectacles itinérants.

 

VOIR AUSSI CETTE VIDÉO SUR CETTE LOI 2021-1539

Voir un survol du volet territorial de cette loi en 3 mn 21 :

https://youtu.be/dmwDXnMaLS0