Lorsqu’une requête est manifestement irrecevable, elle peut être rejetée par une ordonnance prise directement par le Président de la formation de la juridiction saisie du dossier.
Tel est le sens de l’article R.222-1 du Code de justice administrative et plus précisément de son 4°, lequel prévoit :
“Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance :
4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser ou qu’elles n’ont pas été régularisées à l’expiration du délai imparti par une demande en ce sens”.
En matière de recours dirigé contre une autorisation d’urbanisme, cela permet-il de rejeter par ordonnance la requête lorsque la partie adverse a contesté utilement l’intérêt à agir du requérant dans son mémoire en défense ?
Le Conseil d’Etat vient d’encadrer strictement cette possibilité :
“Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application des dispositions de l’article R. 222-1 citées au point précédent sont celles dont l’irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu’à l’expiration du délai de recours, si ce délai est expiré, et celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l’informant des conséquences qu’emporte un défaut de régularisation comme l’exige l’article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré. En revanche, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre un rejet par ordonnance lorsque la juridiction s’est bornée à communiquer au requérant le mémoire par lequel une partie adverse a opposé à la requête une fin de non-recevoir tirée d’une irrecevabilité susceptible d’être encore régularisée, en lui indiquant le délai dans lequel il lui serait loisible de répondre, alors même qu’elle aurait fixé une date de clôture d’instruction. En pareil cas, la requête ne peut être rejetée pour cette irrecevabilité que par une décision prise après audience publique.
Pour rejeter comme manifestement irrecevable, par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. B… tendant à l’annulation du permis d’aménager délivré le 22 mars 2017, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a retenu, postérieurement à la clôture de l’instruction, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de ce que le demandeur ne justifiait pas d’un intérêt pour agir. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité le requérant à régulariser sa requête en apportant les précisions permettant d’en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme et sans l’avoir informé des conséquences qu’emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti comme l’exige l’article R. 612-1 du code de justice administrative, l’auteur de l’ordonnance attaquée a commis une erreur de droit.”
Si l’intérêt à agir de l’auteur d’un recours dirigé contre une autorisation d’urbanisme est contesté avec pertinence dans un mémoire en défense, la juridiction peut donc :
- soit inviter le requérant à régulariser son recours par la production des éléments montrant son intérêt à agir, en lui précisant que si cela n’est pas effectué dans le délai imparti, sa requête pourra être rejetée par ordonnance sans qu’aucune audience ne soit organisée : et dans ce cas, si la régularisation demandée n’est pas effectuée, une ordonnance constatant l’irrecevabilité de la requête pourra être prise,
- soit poursuivre la procédure selon un déroulement “classique”, à charge pour la formation de jugement de se prononcer sur la réalité de l’intérêt à agir du requérant à l’issue de l’instruction.
Mais la solution médiane consistant à rejeter la requête par ordonnance sans avoir invité le requérant à régulariser sa requête n’est pas possible.
Ref. : CE, 30 mars 2023, req., n° 453389. Pour lire l’arrêt, cliquer ici