I. Un cadre juridique très strict encadre l’instruction à domicile (« dans la famille »), avec de considérables marges de manoeuvre laissées aux services de l’Etat. Sur ce terrain, les associations ont perdu d’importantes batailles contentieuses (mais pas toutes).
II. Ces associations viennent de perdre, devant le Conseil d’Etat, une autre bataille, plus mineure, relative aux instances départementales chargées de la prévention de l’évitement scolaire.
I. Un cadre juridique très strict encadre l’instruction à domicile (« dans la famille »), avec de considérables marges de manoeuvre laissées aux services de l’Etat. Sur ce terrain, les associations ont perdu d’importantes batailles contentieuses (mais pas toutes)
L’instruction à domicile (« dans la famille ») avait été déjà restreinte drastiquement par la loi Blanquer et ses décrets d’application (notamment le n° 2019-823 du 2 août 2019) :
- Instruction à domicile : le Conseil d’Etat valide le principe des contrôles inopinés (CE, 2 avril 2021, n° 435002)
- Publication, au JO d’hier, de cinq décrets d’application de la loi Blanquer
- Décryptage de la loi Blanquer [ARTICLE + TUTO VIDÉO + INTERVIEW]
Le principe de contrôles inopinés (ceux du décret n° 2019-823 du 2 août 2019) fut validé par le Conseil d’Etat (CE, 2 avril 2021, n° 435002 ; voir précédemment CE, 19 juillet 2017, n° 406150).
Puis la loi « séparatisme » (n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; RPR) a durci le régime (passage à un régime d’autorisation) :
- La Loi «séparatisme » (respect des principes de la République ou RPR), arrimée au JO de ce matin
- La Loi «séparatisme » (respect des principes de la République) et les collectivités territoriales [VIDEO]
Aujourd’hui (art. L. 131-5 du Code de l’éducation) la demande de scolarisation dans la famille (scolarisation à domicile) doit reposer sur au moins un des motifs suivants :
« 1° L’état de santé de l’enfant ou son handicap ;
« 2° La pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
« 3° L’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique de tout établissement scolaire public ;
« 4° L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d’instruire l’enfant à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l’instruction en famille.»
Dans la foulée de cette loi, ont été adoptés deux décrets :
- le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d’autorisation d’instruction dans la famille (NOR : MENE2135024D).
Ce décret n° 2022-183 a du être corrigé par le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 à la suite d’une censure par le Conseil d’Etat (CE, ord., 16 mai 2022, n° 463123), conduisant à une nouvelle version de l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation.Au milieu de cette trame sévère, existent quelques points pouvant conduire à une valorisation de cette instruction dans les familles. Par exemple, tel est le cas de l’article L. 131-10-1 du Code de l’éducation, créé par l’article 49, V, de la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 prévoyant une sorte de validation des acquis de l’expérience via ces instructions pour les parents – enseignants (décret n° 2022-1221 du 9 septembre 2022).
Un des problèmes de ce régime ainsi renforcé est que les contrôles inopinés des familles donnent lieu sur le terrain (notre cabinet l’a vécu pour certains clients) à très peu de contradictoire et que les familles se trouvent très vite en faute, avec une forte pression y compris pénale…
Voir dans un premier temps les décisions suivantes : TA Rennes, 10 octobre 2022, n°2204094 ; TA Rennes, 10 octobre 2022, n°2204234,2204236 ; TA Rennes, 10 octobre 2022, n°2203669. … et voir surtout la position, ensuite, très dure, du Conseil d’Etat.
Sur l’item 4° (« L’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif »), le Conseil d’Etat donne un large pouvoir d’appréciation sur le projet éducatif et la capacité à assurer l’instruction en famille »
Sur l’item 1° (état de santé ; handicap), le Conseil d’Etat donne là encore un large pouvoir d’appréciation à l’administration
Sources :- Conseil d’État, 13 décembre 2022, n° 467550, aux tables du recueil Lebon ; Conseil d’État, 13 décembre 2022, n° 466623, aux tables du recueil Lebon ; Conseil d’État, 13 décembre 2022, n° 462274, 63175, 63177, 63210, 63212, 63320, 66467 et 68228, aux tables du recueil Lebon
- voir notre article : Instruction dans la famille : le Conseil d’Etat fait, de l’Education Nationale, un pater familias aux larges pouvoirs
- le décret est le n° 2022-184 du 15 février 2022 relatif à l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire (NOR : MENE2200257D) :

II. Ces associations viennent de perdre, devant le Conseil d’Etat, une autre bataille, plus mineure, relative aux instances départementales chargées de la prévention de l’évitement scolaire.
C’est sur ce second décret que s’est, maintenant, penché le Conseil d’Etat. Ce décret précise l’organisation et le fonctionnement de l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire. Depuis la rentrée scolaire 2022, s’applique ainsi le texte suivant :
N.B. : voir aussi l’instruction relative à la mise en place de l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire, en date du 5 janvier 2023 (NOR : IOMK2234911C).
C’est ce décret, dont la légalité était contestée par l’association Les enfants d’abord, qui vient d’être validé par la Haute Assemblée.
Outre un combat de principe sur un point de légalité externe, le débat a porté sur :
- la composition de cette instance qui, pour les requérants, méconnaissait « l’intérêt supérieur de l’enfant et la ” liberté de l’instruction ” ». Mais cette composition venait de la loi elle-même (art. L. 131-5-2 du code de l’éducation) qu’il n’aurait été possible d’attaquer que :
- soit lors de la saisine initiale du Conseil constitutionnel (ce qui n’a pas été fait sur ce point : décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021- Loi confortant le respect des principes de la République)
- soit via une QPC dans cette instance, ce qui ne semble pas avoir été fait
- les missions de cette instance, prévues par l’article D. 131-4-1 créé par l’article 1er du décret attaqué… au regard des règles en matière de traitement de données à caractère personnel. Sauf que le Conseil d’Etat estime que ces dispositions « n’ont pour objet ni de créer de traitement de données à caractère personnel, ni de modifier les conditions d’utilisation de traitements existants.»
D’où un rejet très net :
Conseil d’État, 9 mai 2023, Association Les enfants d’abord, n° 463213
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