Dans le cadre des fameux débats sur le tunnel ferroviaire Lyon-Turin, une manifestation « La montagne se soulève » était prévue.
Cette manifestation, un arrêté préfectoral l’a interdite par arrêté, lequel a été attaqué (y compris par LFI et la LDH, dont les recours ont d’ailleurs été jugés recevables).
Or, l’ordonnance rendue en référé liberté, rejetant les recours contre cet arrêté, s’avèrent très intéressante, en ce qu’elle est illustrative :
- de l’évolution progressive ces dernières années des équilibres admis par le juge entre liberté de manifesté, d’une part, et sécurité, d’autre part (voir récemment CE, ord., 24 mai 2023, n°474297 au point que le juge accepte même des limitations en termes de bruit TA Paris, ord., 13 janvier 2023, n°N°2300517:3-5 ; voir en sens inverse
TA Orléans, ord., 25 avril 2023, n° 2301545 et 2301548 ou encore TA Paris, ord., 7 janvier 2023, n°2300303_07012023 — voir notre article ici — ; ainsi queCE, 13 juin 2020, LDH et alii, n°440846, 440856, 441015). - du contrôle in concreto poussé fait sur ces questions de sécurité avec clairement un intérêt pour les administrations préfectorales à avoir étudié des tracés alternatifs, etc. Voir pour un exemple clair et récent CE, 1er juillet 2022, n° 465411. Ou encore (Gay Pride) : TA Lyon, 30 mai 2018, n° 1705981
- de la prise en compte de « notes blanches » dans de tels processus, ce qui n’est pas nouveau, qui peut se comprendre pour des raisons de sécurité, mais qui donne tout de même une arme forte à l’administration avec une difficulté à y répondre au stade du contradictoire.
En l’espèce, voici ce qu’a posé le juge des référés du TA de Grenoble (dans le cadre d’un référé liberté donc) :
6. Le tracé du parcours, débute au rocher des amoureux au Bourget et emprunte ensuite des voies étroites, notamment la D215G et la D215E. Malgré la modification proposée par les organisateurs, et bien que situé en surplomb du projet, ce tracé conserve une proximité d’accès avec les sites du tunnel euralpin Lyon Turin. Il résulte de l’instruction que le préfet de la Savoie, en se référant à une note blanche, a estimé que le nombre de personnes attendues pour l’occasion plus de 3000 manifestants, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les requérants. Ainsi la configuration du parcours qui comporte des difficultés pour la circulation de véhicules de secours et de sécurité, ne garantit pas, ainsi que le préfet l’avait mentionné dans son courrier du 13 juin 2023, la sécurité suffisante d’un cortège dont le nombre peut être évalué à 3000 personnes, alors qu’au surplus seules 40 personnes bénévoles étaient annoncées par le service d’ordre interne. Par ailleurs, ledit parcours n’ôte pas le risque d’intrusion des sites particulièrement sensibles, susceptibles de faire l’objet d’atteintes. Enfin, le lieu de rassemblement de la manifestation, puis du concert n’ayant pas été précisé, en dépit de la demande du préfet en date du 13 juin 2023, l’autorité administrative ne disposait pas des éléments nécessaires pour la mise place des dispositifs préventifs permettant de garantir le bon déroulement de l’évènement. L’interdiction s’inscrit dans un contexte particulier où des mouvements radicaux ne sont pas à exclure, le préfet de la Savoie faisant état, en se référant à la note blanche de l’éventuelle présence de 400 manifestants radicaux dont le comportement est de nature à compromettre le caractère pacifique de la manifestation et à créer un risque de confrontation avec les sympathisants du projet. Ainsi, en décidant, au vu de l’ensemble des éléments, d’interdire la manifestation à certaines communes, situées à proximité du projet de ligne férroviaire Lyon-Turin, l’arrêté en cause porte à la liberté de manifester une atteinte qui n’est pas manifestement illégale.
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