Mise à jour en raison de nouvelles décisions (drapeau palestinien ; drapeau israélien ; avec des censures dans tous ces cas… dont une fois par une décision du Conseil d’Etat ; voir vers la fin du point II. de l’article ci-dessous)
Le principe de neutralité des services publics, joint aux limites propres fixées aux compétences des collectivités territoriales (selon des règles qui varient d’une collectivité l’autre, mais qui se rejoignent dans la notion aussi classique que flexible « d’intérêt public local ») interdit, à ces collectivités… les prises de parti trop nettes en matière de questions internationales, de grèves ou de litiges politiques. Il en résulte des jurisprudences assez subtiles.
- I. Une distinction entre aides individuelles légales et actions politiques ou syndicales collectives illégales pour les collectivités territoriales
- II. Une délicate application en matière internationale. Des décisions récentes concernant les drapeaux ukrainien, palestinien et israélien viennent l’illustrer.
- III. Une application riche en vaticinations pour ce qui est de la laïcité
- IV. Festivals, conférences, éditoriaux et jumelages : d’incertaines frontières à tracer et retracer au cas par cas, à chaque fois avec prudence
- V. Un point souvent oublié : prendre garde à qui a compétence pour décider en ce domaine, entre l’assemblée délibérante et l’exécutif

I. Une distinction entre aides individuelles légales et actions politiques ou syndicales collectives illégales pour les collectivités territoriales
Traditionnellement, le juge opère une importante distinction entre, pour les collectivités, des actions sociales individuelles possibles et des actions politiques voire syndicales directes et collectives illégales. La mairie peut s’investir dans les aides sociales aux personnes (familles de grévistes par exemple), mais pas entrer dans le combat politique lui-même.
- pour un soutien (illégal) à des grévistes quand en revanche le soutien aux familles, lui, est possible : CE, 11 octobre 1989, Commune de Gardanne et autres, rec. p. 188; CE, 12 octobre 1990, Cne de Champigny-sur-Marne, rec. tables p. 607…
- illégalité du fait d’apposer des banderoles en matière de débat politique national (sur l’âge de la retraite) au fronton de la mairie ( TA Grenoble, ord., 29 mars 2023, n°2301656 ; TA Paris, 3 mai 2023, n°2308852/2 [voir ici en image]) sous réserve de quelques subtilités contentieuses (TA Pau, ord., 16 juin 2023, n°2301427).
Il importe de rappeler que « le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques, » (CE, 27 juillet 2005, Cne de Ste Anne, n°259806, publié au rec.). - illégalité de la décision consistant à fermer les services de la collectivité pendant les grandes grèves qui ont marqué la réforme des retraites (voir ici et là par exemple), ce qui a été censuré encore en 2024 par le juge (voir TA Orleans, 14 mars 2024, 2301088 par exemple)
- idem pour l’appel communal à des mouvements indépendantistes et contre le retour du scrutin électoral normal (un humain = une voix) en Nouvelle-Calédonie (TA de Nouvelle-Calédonie, 24 octobre 2024, Ht-Commissaire de la République, n° 2400329)
- etc.

II. Une délicate application en matière internationale. Des décisions récentes concernant les drapeaux ukrainien, palestinien et israélien viennent l’illustrer.
En matière internationale, par exemple, les collectivités peuvent accorder des aides via la coopération décentralisée (même pour de l’aide aux migrants en mer), ou via les jumelages, mais sans pouvoir s’immiscer dans les relations internationales elles-mêmes, fût-ce au titre de simples prises de position ou autres actes symboliques. Par exemple, un maire en tant que citoyen peut bien manifester ses options politiques. Mais il n’a pas à y embarquer la mairie confiée à ses soins par les électeurs. Voici quelques exemples :
- pour le Nicaragua : CE, 23 octobre 1989, com. de Pierrefitte, com. de Saint-Ouen, com. de Romainville, rec. 209 ; DA 1989 n° 622 ;
- pour la guerre d’Espagne : CE, 16 juillet 1941, Syndicat de défense des contribuables de Goussainville, rec. p. 133
- c’est dans ce cadre qu’un juge des référés d’un TA a suspendu, sans surprise, une délibération par laquelle : « le conseil municipal de la commune de La Salvetat-Saint-Gilles a émis une motion d’appel au cessez-le feu à Gaza, dans le cadre du conflit opposant le Hamas à l’État d’Israël. » Source : Tribunal administratif de Toulouse, ord., 27 août 2024, 2404966
- idem suspension de la décision d’un maire d’apposer une banderole comportant le drapeau palestinien et l’inscription « Seigneur ! pardonnez-nous… » sur le fronton de l’hôtel de ville (TA Montreuil, ord., 6 décembre 2024, 2417169)
- pour une illégalité de la nomination comme citoyen d’honneur d’une personne condamnée pour meurtres à la réclusion criminelle à perpétuité en Israël (CAA Versailles, 19/07/2016, 15VE02895 ; voir à ce sujet : Non la commune n’est pas totalement libre de choisir qui elle veut comme citoyen d’honneur).
- sur l’appel (illégal) au boycott d’un pays :
- CEDH, 16 juillet 2009, Willem c. France, n° 10883/05).
- Restauration scolaire : peut-on refuser de servir des produits des colonies dans territoires occupés en 1967 ?
- Pour un cas de dénomination, illégale, de rue, voir :
- pour les jumelages, voir : Une commune peut-elle, légalement, signer une « charte d’amitié » avec une commune du Haut-Karabagh ? [SUITE] : TA de Lyon, 19 septembre 2019, n° 1901999 et n° 1808761 (2 espèces différentes) ; TA Cergy-Pontoise, 29 mai 2019, 1902445
- plus souplement, le juge a autorisé que des communes s’impliquent directement dans des débats humanitaires devenant politiques, mais ce fut
- soit dans des cas où la commune s’inscrivant dans le régime, bien distinct, de ce que l’on appelle la coopération décentralisée, et ce à la faveur de la formulation, large, en ce domaine, du premier alinéa de l’article L. 1115-1 du CGCT… et avec censure par le juge des cas où la position de la collectivité devenait trop « politique ».
Voir sur ce point :- trois décisions du Conseil d’Etat (une censure et deux validations) :CE, S., 13 mai 2024, n° 474652 ; CE, S., 13 mai 2024, n°472155, 473817 ; CE, S., 13 mai 2024, n°474507
- voir notre article : Collectivités territoriales et subventionnement des associations d’aide aux migrants en mer : SUITE ET FIN [arrêt du CE ; légalité sous conditions même sans convention avec une collectivité étrangère]
- voir cette vidéo : Migrants, grèves, actions internationales… jusqu’où les collectivités peuvent-elles aller ? [VIDEO]
- soit dans des cas où la position de la commune est interprétée par le juge comme étant plus humanitaire que politique. Mais bon… le fait d’aller ou non dans le même sens que la politique officielle (et ultra-majoritaire) de la France est sur ce point un critère non-dit, mais à notre sens réel, de la jurisprudence. Et au risque de surprendre certains, cela ne me choque pas.
Voir par exemple pour la présence, légale pour un TA, du drapeau ukrainien, en façade d’une mairie : TA Versailles, 20 décembre 2024, M. X c Ville de St Germain-en-Laye, n°2208477
- soit dans des cas où la commune s’inscrivant dans le régime, bien distinct, de ce que l’on appelle la coopération décentralisée, et ce à la faveur de la formulation, large, en ce domaine, du premier alinéa de l’article L. 1115-1 du CGCT… et avec censure par le juge des cas où la position de la collectivité devenait trop « politique ».
Cette toute dernière jurisprudence est intéressante aussi quant à la répartition des compétences entre maires et conseils municipaux sur ce point (voir à ce propos TA de la Martinique, 15 novembre 2021, n°s 1900632-1900633-1900634-1900635 ; TA Nantes, 16 octobre 2024, n°2104026 et 16102024). Voir ici notre article et une vidéo de novembre 2024 à ce sujet.
Sauf que cette affaire ukrainienne montre toutes les limites du fait que le juge schématiquement acceptera que la collectivité soit au diapason de la position internationale de la France… et qu’il sera plus réticent s’il ne l’est pas. L’affaire du Haut-Karabagh précitée l’illustre. La question du drapeau palestinien de la commune de Gennevilliers également. Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pointoise a en effet a ordonné, à la demande du préfet des Hauts-de-Seine, la suspension de la décision de la commune de Gennevilliers de pavoiser le parvis de l’hôtel de ville du drapeau palestinien, au motif qu’elle est contraire au principe de neutralité qui régit le fonctionnement des services publics…. et ce juge a estimé que ce pavoisement ne saurait être analysé, alors que la commune évoque un acte de solidarité envers une nation victime d’une opération militaire et de soutien à la reconnaissance d’un Etat palestinien, comme à un simple soutien humanitaire à la seule population civile palestinienne de Gaza :
Source : TA Cergy-Pontoise, ord., 20 juin 2025, n°2510707
Voir dans le même sens cette décision du TA de Melun :
Voir dans le même sens cette décision du TA de Besançon :
Dans ces affaires concernant le drapeau palestinien, il importe de ne pas confondre bien sûr ce sujet avec deux autres fort distinctes en droit qui sont :
- d’une part l’usage de ce drapeau dans des manifestations (voir ici)
- d’autre part le cas particulier d’un maire qui a cru pouvoir interdire l’usage et la vente dudit drapeau, ce qui a bien sûr été censuré par le juge (CE, ord., 4 juillet 2025, n° 505445).
Là il s’agit bien d’une appropriation et d’une exposition de ce drapeau par une commune aux côtés des emblèmes de la République. En l’espèce, un maire avait fait :
- apposer sur le fronton de l’hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien sur laquelle figurait l’inscription » Gaza stop au génocide «
- distribuer aux habitants de la commune des fanions reproduisant le même motif.
Le Conseil d’Etat a confirmé la suspension de ces décisions en ces termes :
« 3. Le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques.
« 4. Si la commune de La Courneuve soutient que l’affichage de la banderole et la distribution des fanions en litige auraient pour seul objet de manifester la solidarité de la commune et de ses habitants aux populations civiles de la bande de Gaza, dans un but exclusivement humanitaire, il résulte du recours aux couleurs du drapeau palestinien et des termes mêmes inscrits sur cette banderole et ces fanions ainsi que des propos diffusés par le maire sur les réseaux sociaux pour expliquer l’objet de cette démarche que la commune a entendu exprimer, au moyen de ces outils de communication, une prise de position de nature politique au sujet d’un conflit en cours. Le principe de neutralité des services public s’oppose, ainsi qu’il est dit au point précédent, à ce qu’une telle prise de position puisse s’exprimer par un affichage sur un bâtiment public.
« 5. Une telle atteinte grave à la neutralité des services publics suffisant à justifier la suspension de l’exécution des décisions en litige du maire de La Courneuve, la commune n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par l’ordonnance qu’elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, sur un déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis qui, contrairement à ce qui est soutenu, était assorti d’une requête au fond, prononcé cette suspension.»
Source :
Conseil d’État, ord., 21 juillet 2025, Commune de La Courneuve, n° 506299
Le recours préfectoral en déféré suspension n’est pas conditionné à la démonstration d’une urgence particulière. Au contraire des recours des autres requérants. Pour lesquels il pourra, souvent, ne pas y avoir urgence à faire retirer un drapeau. C’est un autre biais dans le même sens.
Ce fut par exemple longtemps le cas pour le drapeau israélien mis au fronton d’une mairie, avant les décisions que voici du TA de Nice en date du 25 juin 2025 :
Il y a donc une prise en compte de la politique de la France avec une part de subjectivité.
Mais est-ce si choquant que cela ? Les collectivités n’ont pas de compétence pour avoir une politique internationale (à quelques minuscules exceptions près, avec des particularités pour la coopération transfrontalière, la coopération décentralisée et quelques spécificités ultramarines). Et elles doivent nous rassembler tous. Donc si une collectivité va au diapason de l’Etat, de sa position officielle, on est dans une forme d’acte récognitif. Pas si la collectivité diverge de la position de la France dans ce domaine où elle ne peut juridiquement agir.

III. Une application riche en vaticinations pour ce qui est de la laïcité
Il en va de même en matière de laïcité mais notons :
- qu’il arrive que le juge finisse par entrer dans de jésuitiques vaticinations s’il lui faut intégrer l’héritage religieux de notre Pays dans nos blasons ou nos crèches de Noël : voir ici, là, puis de ce côté-ci, voire par là. Voir aussi pour les fêtes religieuses la position souple du TA Montpellier (3 novembre 2020, n°1804799). Pour une application récente en matière de censure de crèches de Noël en mairie, voir une jurisprudence concernant Beaucaire (TA Nîmes, ord., 20 décembre 2024, LDH, 2404766, 20122024)
- qu’en matière de statuaire, par exemple, la jurisprudence est toute en subtilité (voir par exemple Conseil d’État, 25 octobre 2017, Fédération morbihannaise de la Libre Pensée et autres, n° 396990 ; CE, 11 mars 2022, n°454076, 456932 ; CE, 10e ch. jugeant seule, 7 avr. 2023, n° 468934)
- qu’encore faut-il que le signe ou la manifestation religieuse dans un bâtiment public ait été décidée par les pouvoirs publics, pour qu’il y ait acte censurable (pour une jurisprudence souple, concernant l’Elysée, voir CE, 30 octobre 2024, n°490587, 491096, 492651, 492656, 492663)
- qu’un maire ne peut pas politiser le débat de la laïcité au point d’adjoindre ce mot à la devise nationale au fronton des écoles de la ville (CAA de VERSAILLES, 15 décembre 2023, n° 21VE02760)

IV. Festivals, conférences, éditoriaux et jumelages : d’incertaines frontières à tracer et retracer au cas par cas, à chaque fois avec prudence
Une collectivité peut soutenir un festival ou une conférence mais pas si ces événements glissent vers la manifestation politique même feutrée, nimbée d’intellectualisme. Même certains éditoriaux de maires ou des jumelages ont pu être censurés à ce titre. :
- pour une immixtion dans le débat sur l’école publique v/ l’école privée : CE, 6 mai 1996, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, n° 165054).
- pour un soutien aux associations d’élus liées à un courant politique donné : CE, 21 juillet 1995, Commune de Saint-Germain-du-Puy, n° 157.503 ; CE, 21 juin 1995, Commune de Saint-Germain-du-Puy, n° 157.502 ;
- pour un cas d’illégalité de subvention à un débat trop politisé d’un seul côté : Peut-on subventionner un festival de débats politiques ? (TA Dijon, 20 octobre 2020, n°1902037)
- pour l’illégalité de la décision d’un président de conseil général de financer une brochure appelant à voter « non » au référendum du 20 septembre 1992 relatif à la ratification du traité de l’Union européenne, voir CE, 25 avril 1994, Président du Conseil général du Territoire de Belfort, n. 145874 : Rec., p. 190 ; A.J., n. 7-8, juillet-août 1994, p. 545-547, concl. David Kessler. Il est intéressant de comparer cet arrêt avec le jugement du TA de Dijon, Pesquet et Bernard c/ Région de Bourgogne, en date du 22 juin 1999, n° 990158 (brochure décidée par la commission permanente d’un conseil régional et ne portant, en réalité, que sur le programme d’une liste) : AJ, 2000, p. 348.
- En revanche, le Conseil d’Etat peut se révéler plus nuancé si le sujet traité a un lien avec les affaires locales. Ainsi, dans les arrêts Divier, le Conseil d’Etat a-t-il jugé, avec un grand sens de la tolérance, légal l’usage du mobilier urbain par le maire de Paris d’alors (devenu Premier Ministre au jour de la lecture de l’arrêt) pour s’opposer au projet de loi portant statut de sa commune, pour présenter le bilan de l’action municipale, puis pour répondre à un syndicat lors d’un conflit collectif du travail.
Sources : Concl. J.‑C. Bonichot sur C.E., 23 juillet 1986, M. Divier, n. 55064 : A.J., n. 10, octobre 1986, p. 585 ; Concl. O. Schrameck sur C.E., 11 mai 1987, M. Divier, n. 62458: Rec., p. 168 ; A.J., n. 7‑8, juillet‑août 1987, p. 485 ; R.F.D.A., 1988, p. 782. Ces deux arrêts portent sur la question de la légalité de financements communaux de campagnes de communication pouvant servir au moins autant à l’élu qu’à la collectivité, ce qui est un régime distinct pouvant conduire à des solutions différentes. - pour des cas d’annulation de mentions dans le bulletin municipal :
-
- voir l’annulation de la décision du maire de Lyon d’alors (Michel Noir) consistant à publier un éditorial dans le bulletin municipal au fil duquel celui-ci expliquait aux habitants les raisons de sa démission du RPR : TA Lyon, 6 oct. 1992, Lavaurs, n. 9100304 : Droit dam.., n. 11, nov. 1992, p. 7.)
- il a pu même être jugé que cela s’applique aussi à une tribune de l’opposition (TA de Melun, 11 mai 2018, 1610520)
-

V. Un point souvent oublié : prendre garde à qui a compétence pour décider en ce domaine, entre l’assemblée délibérante et l’exécutif
Qui, de l’exécutif ou de l’organe délibérant, a compétence pour fixer l’identité visuelle de la collectivité ?
A cette question, le TA de la Martinique avait, par exemple, dans le passé, posé que de telles compétences relèvent de l’assemblée délibérante et non de l’exécutif (jugement n°s 1900632-1900633-1900634-1900635 du 15 novembre 2021).

Dans le même sens, le TA de Nantes a jugé qu’il en va de même pour la décision d’arborer, ou non, tel ou tel drapeau dans la cour d’honneur d’un hôtel de ville… Ce qui pouvait se discuter s’agissant d’une décision de gestion du domaine public… mais qui se conçoit si l’on privilégie l’aspect symbolique et identitaire de cette décision.
Selon le TA, c’est en effet, en application de l’article L. 2121‑29 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal qui est compétent de plein droit pour régler « par ses délibérations les affaires de la commune ». L’exercice des compétences qui ne sont pas dévolues expressément à une autre autorité revient au conseil municipal, et aucune disposition de l’article L. 2122‑21 du même code, qui énumère les attributions exercées au nom de la commune par le maire, invoqué par la commune devant le tribunal, ne donne pouvoir à la maire de Nantes, en l’absence de délibération ou sur délégation du conseil municipal, de décider de ce pavoisement.
Ce que le TA formule ainsi :
« 3. Il est constant que la décision, révélée au cours d’une cérémonie qui s’est tenue le 17 décembre 2020, de pavoiser la cour d’honneur de l’hôtel de ville d’un drapeau breton aux couleurs noires et blanches, n’a été précédée d’aucune délibération du conseil municipal et doit, dès lors, être regardée comme ayant été prise par la maire de Nantes. Si la commune de Nantes justifie la compétence de sa maire en se fondant sur les dispositions précitées de l’article L.2122- 21 du code général des collectivités territoriales pour en déduire qu’elle avait une compétence propre l’y habilitant, il résulte toutefois de ces dispositions, combinées avec celles de l’article L.2121-29 également précité du même code, que l’exercice des compétences qui ne sont pas dévolues expressément à une autre autorité revient au conseil municipal, qui est compétent de plein droit pour régler par ses délibérations les affaires de la commune.
[…]
Dans ces conditions, en l’absence d’une délibération ou d’une délégation du conseil municipal autorisant la maire à faire flotter ce drapeau dans la cour d’honneur de l’hôtel de ville de la commune de Nantes, la décision « révélée » le 17 décembre 2020 a été édictée par une autorité incompétente.»
NB : il est de jurisprudence constante qu’en effet quand une compétence est donnée à la collectivité, cela renvoie sauf texte contraire à l’assemblée délibérante…
Plus discutable à notre sens est le paragraphe suivant de la décision du TA :
« Au demeurant, la décision de pavoiser la cour d’honneur de l’hôtel de ville d’un drapeau breton, ne se rattache ni à la conservation et l’administration des propriétés de la commune, ni à la direction des travaux communaux au sens des dispositions de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales. »
Source : TA Nantes, 16 octobre 2024, n°2104026 et 16102024

Une telle décision s’étend naturellement :
- au gentilé des habitants
- aux décisions de proposition de nom de la structure
- à d’autres symboles qui peuvent résulter notamment de tel ou tel cadre législatif (exemple pour les permis de conduire en Nouvelle-Calédonie : TA Nouvelle-Caledonie, 18 juillet 2024, n°2400005)
- aux logos et blasons
Etant rappelé que ces décisions devront respecter :
- le primat de la langue nationale. Une devise traditionnellement en latin ou en langue régionale (créole compris) pourra sans doute demeurer ainsi. La question des nouvelles devises en langue régionale pourrait donner lieu à débats. Etant rappelé que le juge a toujours admis la présence des langues régionales, locales, vernaculaires, mais sans pouvoir remplacer la langue nationale (même via des traductions).
NB : pour des synthèses récentes sur ce point, voir ici et là - l’emblème national, il en va de même, avec par exemple l’impossibilité de remplacer le drapeau national par un drapeau indépendantiste au fronton d’une mairie ( voir ici ; mais sur une formulation qui semble interdire la présence du drapeau indépendantiste par principe, voir CE, 27 juillet 2005, 259806, au rec.), la coexistence de ces deux drapeaux étant en revanche classique (et c’est même le retrait d’un drapeau indépendantiste à côté du drapeau français qui dans une affaire a pu être présenté dans une requête comme étant un élément de polémique électorale : CE, 7e / 2e ss-sect. réunies, 17 juin 2015, n° 386350).
- de même les ajouts à la devise républicaine sont-ils à manier avec précaution (voir par exemple CAA Versailles, 15 décembre 2023, n° 21VE02760)
- le principe de laïcité… mais avec par exemple pour les blasons une acceptation de la prise en compte de l’histoire, ce qui peut conduire à intégrer des noms de famille du cru (TA Bastia, 23 novembre 2017, n°1600529) ou des emblèmes religieux dans certains cas (CE, 15 juillet 2020, n° 423702)
- les compétences pouvant revenir à l’Etat dans certains cas (pour les choix des noms des régions, voir CE, 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie et Pays Catalan et autres ; pour les choix des noms des intercommunalités, voir TA Strasbourg, 4 novembre 2024, Metz Métropole, n° 2107499).
Mais n’oublions pas les souplesses en ce domaine, consistant à pouvoir par exemple se doter d’un nom de marque (comme tant d’intercommunalités) pour peu (et encore… voir ici…) qu’il ne soit pas oublié de la déposer. Rappelons aussi qu’un nom commercial peut inversement parfois être utilisé comme nom de collectivité (pour le cas de la commune nouvelle des Deux-Alpes, voir CAA de Lyon, 18 novembre 2019, n° 17LY02936, cf. ici notre article et cette décision). - le principe de neutralité : voir les premières parties du présent article.
Sauf cas particulier, mieux vaut déposer son nom et ses autres éléments d’identité visuelle (claim ; logo ; blason / armoiries…) à l’INPI… et user desdits éléments pour ne pas perdre les droits correspondants (sous la réserve ici précitée). A défaut chacun peut en user. Au point selon les services de l’Etat qu’un blason de la commune appartient à tous (QE 23617 de M. Jean Louis Masson, JO Sénat (Q) 2016, p.5651 (voir ici).
Voir aussi, pour ce qui est du sujet traité dans cette dernière partie (V.), cette vidéo (5 mn 15)


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