Le maître d’ouvrage peut (enfin) agir en responsabilité contre les participants à une construction même en l’absence de tout contrat

Par un arrêt Commune de Bihorel du 7 décembre 2015, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence  sur la possibilité pour le maître d’ouvrage de faire jouer la responsabilité de celles des personnes qui ont concouru à la construction de l’ouvrage public sans pour autant être lui être liées par un contrat.

Depuis l’arrêt Commune de Voreppe (CE, 30 juin 1999, n° 163435, rec., p. 225), le juge administratif n’acceptait pas les actions du maître d’ouvrage contre les personnes ayant participé à la construction à l’exception de ceux qui lui étaient liés par un contrat (traitant, co ou sous-traitants…).

Selon le résumé du recueil Lebon, « alors même qu’il entend se placer sur le terrain quasi-délictuel », le maître d’ouvrage n’était pas, selon cette jurisprudence de 1999 :

fondé à soutenir que la responsabilité d’une société qui a participé à l’opération de travaux publics de construction d’un ouvrage mais n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage est engagée à son égard.

Il en résultait, toujours selon cette jurisprudence Voreppe de 1999, que :

seules les personnes ayant passé avec le maître de l’ouvrage un contrat de louage d’ouvrage peuvent être condamnées envers le maître de l’ouvrage à réparer les conséquences dommageables d’un vice de cet ouvrage imputable à sa conception ou à son exécution

 

Il en résultait des actions en cascade, logiques mais pouvant se révéler inutilement complexes.

Bonne nouvelle pour les maîtres d’ouvrages : le Conseil d’Etat a opéré un important revirement de jurisprudence en ce domaine (CE , 7 déc. 2015, n° 380419) par un arrêt Commune de Bihorel.

Le juge administratif reconnaît aujourd’hui la recevabilité de l’action du maître de l’ouvrage contre toute personne ayant participé à l’opération de construction, avec ou sans contrat direct avec elle… mais cette action ne peut être placée que sur le terrain quasi-délictuel que si la responsabilité des co-contractants ne peut plus être utilement recherchée. En ce cas, en l’absence de contrat, le litige ne sera pas tranché en fonction de fautes contractuelles (et pour cause) mais surtout sur la base de la méconnaissance des règles de l’art ou de dispositions législatives ou réglementaires par ce participant qui n’a pas la qualité de constructeur.

Enfin, citons sur un point important le résumé qui apparaîtra dans les tables du recueil Lebon :

En outre, alors même qu’il entend se placer sur ce terrain quasi-délictuel, le maître d’ouvrage ne saurait rechercher la responsabilité de participants à l’opération de construction pour des désordres apparus après la réception de l’ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.

 

LIEN VERS CE NOUVEL ARRET :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000031587378&fastReqId=582414404&fastPos=1

POUR LA JURISPRUDENCE, DÉSORMAIS DATÉE, ANTÉRIEURE :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000008009269&fastReqId=720301377&fastPos=1

Lire aussi la chronique à ce sujet écrite par Mme Lucienne Erstein, Président de la Cour administrative d’appel de Douai, in Lexis Nexis.