L’affaire du Mediator s’avère riche en rebondissements juridiques. A l’occasion d’un des contentieux nés de ce scandale, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser les cas où un document administratif, comprenant des données touchant à la vie privée, doit néanmoins être communiqué.
La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avait en effet refusé de communiquer aux laboratoires Servier des données issues de deux études qu’elle avait diligentées relatives au Mediator, spécialité commercialisée par la société.
Le juge commence, sans surprise, par poser que :
« […] lorsque des données à caractère personnel ont également le caractère de documents administratifs, elles ne sont communicables aux tiers, en vertu du III de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, que s’il est possible d’occulter ou de disjoindre les mentions portant atteinte, notamment, à la protection de la vie privée ou au secret médical »
Rien de très novateur sur ce point et c’est logiquement que le juge en déduit :
« qu’il ne peut être accédé à une demande de communication sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978 que si le traitement nécessaire pour rendre impossible, s’agissant de données de santé, toute identification, directe ou indirecte, de l’une quelconque des personnes concernées, y compris par recoupement avec d’autres données, n’excède pas l’occultation ou la disjonction des mentions non communicables, seule envisagée par cette loi ; que, dans le cas contraire, sont seules applicables les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et des lois spéciales applicables au traitement de certaines catégories de données, notamment, en ce qui concerne les données de santé à caractère personnel, les chapitres IX et X de la loi du 6 janvier 1978 »
Le juge a ensuite précisé le droit sur trois points majeurs :
1/
Des données issues d’une compilation d’informations personnelles telles que les données issues du système national d’information interrégimes de l’assurance maladie peuvent être communiquées dans le cadre évoqué ci-dessus.
2/
et ce même si cela peut être utilisé dans un procès :
« la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle ne fait pas obstacle à sa communication »
2/
MAIS à charge pour la personne qui détient le document administratif demandé de s’assurer que cela ne risque pas d’empiéter sur les compétences et prérogatives d’une juridiction au titre des procédures contentieuses avec leurs garanties, en termes de droits de la défense, de contradictoire, etc.
« il revient à la personne chargée d’une mission de service public qui est sollicitée pour communiquer des documents qu’elle détient de vérifier notamment, au cas par cas et selon les circonstances de l’espèce, si leur communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives d’une autorité judiciaire ou d’une juridiction, auxquelles il appartient seules, dans le cadre des procédures engagées devant elles et en vertu des principes et des textes qui leur sont applicables, d’assurer le respect des droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure ; »
CE, 30 déc. 2015, Société Les laboratoires Servier, req. n° 372230, à publier au recueil Lebon.
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=206106&fonds=DCE&item=1