Attention en régime de fiscalité professionnelle unique (FPU), un très grand nombre d’erreurs de procédure se trouvent très régulièrement commises notamment au niveau de la commission locale d’évaluation des charges transférées (CLETC aussi parfois appelée CLECT).
1/ composition et l’erreur fréquente de la non désignation par les conseils municipaux des représentants des communes
L’article 1609 nonies C du Code général des impôts dispose en son IV qu’il :
« est créé entre l’établissement public de coopération intercommunale soumis aux dispositions fiscales du présent article, à l’exclusion de ceux mentionnés au 5° du I de l’article 1379-0 bis, et les communes membres une commission locale chargée d’évaluer les transferts de charges. Cette commission est créée par l’organe délibérant de l’établissement public qui en détermine la composition à la majorité des deux tiers. Elle est composée de membres des conseils municipaux des communes concernées ; chaque conseil municipal dispose d’au moins un représentant.
La commission élit son président et un vice-président parmi ses membres. Le président convoque la commission et détermine son ordre du jour ; il en préside les séances. En cas d’absence ou d’empêchement, il est remplacé par le vice-président.»
Il en ressort les règles suivantes en ce qui concerne la création de la CLECT :
- La CLECT est créée par la communauté. C’est donc une délibération du conseil communautaire qui en acte la création, adoptée à la majorité des 2/3 (sans doute des suffrages exprimés et non de l’effectif total du conseil mais ce point pourrait être discuté) ;
- La composition de la CLETC est fixée par la communauté. C’est à dire que c’est la communauté qui fixe le nombre de sièges affecté à chaque conseil municipal, en devant toutefois attribuer au minimum un siège par commune. Cette répartition des sièges est également actée dans la délibération, votée à la majorité des 2/3, qui acte la création de la commission ;
- La CLECT est exclusivement composée de conseillers municipaux des communes membres ;
- La CLECT élit elle-même en son sein son président et son vice-président. Le président est en charge de convoquer les membres et de fixer l’ordre du jour. Il en résulte qu’une première séance doit être dédiée à l’élection du président et du vice-président, pour assurer la régularité de la convocation et de l’ordre du jour des séances suivantes.
Les dispositions ne précisent toutefois pas comment sont désignés les membres de la CLECT, au sein de chaque conseil municipaux.
A cet égard, l’article L. 2121-33 du CGCT dispose que :
« Le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d’organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes. »
Mais il reste une ambiguïté : le conseil communautaire décide de la composition entre communes, certes. Mais a-t-il le pouvoir de désigner les personnes membres en sus de prévoir ladite composition ?
Le fait que la fin de cet alinéa IV de l’article 1609 nonies C du CGI pose clairement que les membres de la commission restent des « représentants » des communes indique que la délibération de l’EPCI ne peut que décider de la composition de ladite commission et qu’ensuite il faut continuer d’organiser des élections au sein de chaque commune.
De plus, cette commission est bien entre « l’EPCI et les communes membres » aux termes de l’article 1609 nonies C du CGI.
Conformément aux dispositions précitées, la désignation des membres de la CLET doit donc très, très probablement, être opérée par les conseils municipaux ainsi qu’il l’a d’ailleurs été jugé par un Tribunal administratif (TA d’Orléans, 4 août 2011, Commune de Gien, n°1101381 ; mais attention ce point ne donne pas lieu à une parfaite unanimité entre juristes…)… ce qui est rarement respecté.
Il résulte de ces dispositions que ce sont les conseils municipaux eux-mêmes qui désignent leurs représentants au sein de la CLETC ou, en tous cas, que cette interprétation s’impose comme celle qui, de loin, est la plus sécurisée en droit.
2/ puis une ou deux séances ?
L’article 1609 nonies C du CGI précise ensuite que :
« La commission élit son président et un vice-président parmi ses membres. Le président convoque la commission et détermine son ordre du jour ; il en préside les séances. En cas d’absence ou d’empêchement, il est remplacé par le vice-président. »
Donc après sa composition, la CLECT doit élire en son sein un Président et un Vice-Président. A ce stade, il faudra qu’il convoque et donc ce n’est pas à la première séance qu’il pourra convoquer pour étudier la nouvelle AC puisque le président sortant ne pourra convoquer la CLECT avec des pouvoirs entiers qui s’appliqueraient à la nouvelle CLECT…. sauf à prendre là encore un (petit ? gros ?) risque juridique.
Souvent on réunit en une seule séance la 1e et la 2e réunion CLECT pour éviter une réunionnite lourde et stérile. Mais un président à peine élu ne pouvant convoquer pour un ordre du jour copieux, en cas de risque contentieux, mieux vaut s’en tenir à ces deux réunions, par prudence…
3/ quel délai pour les conseils municipaux ?
Par défaut (sauf accord spécial, voir ci-après), s’appliquent les règles suivantes fixées là encore par le IV de ce fameux article 1609 noniesC du CGI
« Les dépenses de fonctionnement, non liées à un équipement, sont évaluées d’après leur coût réel dans les budgets communaux lors de l’exercice précédant le transfert de compétences ou d’après leur coût réel dans les comptes administratifs des exercices précédant ce transfert. Dans ce dernier cas, la période de référence est déterminée par la commission.
Le coût des dépenses liées à des équipements concernant les compétences transférées est calculé sur la base d’un coût moyen annualisé. Ce coût intègre le coût de réalisation ou d’acquisition de l’équipement ou, en tant que de besoin, son coût de renouvellement. Il intègre également les charges financières et les dépenses d’entretien. L’ensemble de ces dépenses est pris en compte pour une durée normale d’utilisation et ramené à une seule année.
Le coût des dépenses transférées est réduit, le cas échéant, des ressources afférentes à ces charges.
Cette évaluation est déterminée à la date de leur transfert par délibérations concordantes de la majorité qualifiée des conseils municipaux prévue au premier alinéa du II de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, adoptées sur rapport de la commission locale d’évaluation des transferts.
Lorsqu’il est fait application à un établissement public de coopération intercommunale des dispositions du présent article, la commission d’évaluation des transferts de charges doit rendre ses conclusions sur le montant des charges qui étaient déjà transférées à l’établissement public de coopération intercommunale et celui de la fiscalité ou des contributions des communes qui étaient perçues pour les financer.»
Cela soulève la délicate question de savoir ce que sont ces délais de consultation ainsi fixées :
« Cette évaluation est déterminée à la date de leur transfert par délibérations concordantes de la majorité qualifiée des conseils municipaux prévue au premier alinéa du II de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, adoptées sur rapport de la commission locale d’évaluation des transferts. »
L’article L. 5211-5, II, du CGCT, est ainsi rédigé :
« II.-Sans préjudice des dispositions de l’article L. 5217-1, la création de l’établissement public de coopération intercommunale peut être décidée par arrêté du ou des représentants de l’Etat dans le ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes intéressées sur l’arrêté dressant la liste des communes. Cet accord doit être exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
Cette majorité doit nécessairement comprendre :
1° Pour la création d’un syndicat, les conseils municipaux des communes dont la population est supérieure au quart de la population totale concernée ;
2° Pour la création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse, lorsque celle-ci est supérieure au quart de la population totale concernée.»
Ce qui est clair, donc, c’est que l’évaluation des charges doit être fixée
« par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. »
Mais ce qui n’est pas clair c’est :
- est-ce que cette majorité comprend les minorités de blocages prévues au second alinéa du II, dans la foulée… et si oui… est-ce celle du 1/ ou du 2/ ??? le plus probable selon nous est que le renvoi du CGI ne portant que sur le premier alinéa de ce II de l’article L. 5211-5 du CGCT, il n’y a pas alors de minorité de blocage applicable pour la fixation des charges transférées par les conseils municipaux (juste la majorité qualifiée 2/3-1/2 ou l’inverse, donc)
- est-ce que ces délibérations concordantes sont, ou non, encadrées par le classique délai de trois mois de consultation des communes ? une réponse positive serait à espérer pour des raisons pratiques… mais comme le délais de trois mois est prévu par le I de l’article L. 5211-5 du CGCT..; et non le II… le plus probable risque fort d’être que non… non cette consultation des communes n’est encadrée par aucun autre délai si ce n’est que si une commune ne dit mot au delà d’un délai raisonnable, on peut se passer de son avis (sans que son avis ne vaille clairement un avis favorable … disons que ce point de droit pourrait donner lieu à des passes d’armes intéressantes).
4/ et qui vote en cas d’accord amiable dérogatoire ?
Dans le cas d’un transfert de charge, le conseil communautaire et les conseils municipaux peuvent fixer des règles particulières, conformément au 1° bis du V de l’article 1609 nonies C du Code général des impôts… selon des règles qui ont changé plusieurs fois. Depuis la loi de finances pour 2016, ce texte est ainsi rédigé
« Le montant de l’attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement par délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres intéressées, en tenant compte du rapport de la commission locale d’évaluation des transferts de charges.
A défaut d’accord, le montant de l’attribution est fixé dans les conditions figurant aux 2°, 4° et 5° ;»
L’évaluation du montant de charges transférées est donc fixée par délibérations concordantes :
- des conseils municipaux des communes membres intéressées, ce qui est une formulation nouvelle qui a été faite pour revenir sur une formulation malencontreuse — et involontaire — du législateur dans une précédente loi… reste que dans certains dossiers on pourra se demander qui est intéressé ou ne l’est pas…
- et d’un vote à la majorité des deux tiers du conseil de communauté (sans doute des suffrages exprimés et non de l’effectif total du conseil, mais ce point pourrait être débattu)…
Tous ces points donnaient lieu à des procédures assez peu formalisées quand les communautés étaient encore largement dotées et pouvaient acheter la paix sociale… avec des AC généreusement calculées. Ce temps est révolu et les calculs d’AC se font dans un climat plus tendu qu’autrefois… Bon courage.