A la base, s’applique le principe non bis in idem, consacré par de nombreux textes dans la lignée de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 :
« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
Citons par exemple l’article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:
« nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ».
Voir aussi l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne :
« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »
Ou encore les articles 6, 368 et 692 du Code de procédure pénale, l’arrêt Commune de Petit-Quevilly du Conseil d’Etat (23 avril 1958, AJDA p. 383, arrêt hélas expurgé de Légifrance), etc.
OUI… MAIS l’article L. 314-18 du Code des juridictions financières pose, s’agissant de la Cour de discipline budgétaire et financière, que :
« Les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire.»
Est-ce une violation du principe non bis in idem ?
NON a jugé le Conseil constitutionnel à l’occasion d’une décision rendue le 1er juillet 2016 sur la base d’une Question prioritaire de constitutionnalité. Mais avec une réserve : le cumul des sanctions est admis dès lors que le montant global des sanctions prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues (par. 8 de la décision du 1er juillet 2016)… a priori la sanction la plus élevée, mais on voit que dans certains cas de peines différenciées, on pourra avoir des débats quant à la mise en oeuvre concrète de cette “réserve” posée par le Conseil constitutionnel.
En réalité, il s’agit d’une confirmation. Et ceux qui suivent précisément cette matière ne ressortirons pas bouleversés de la lecture de cette partie de décision du 1er juillet 2016, puisqu’il s’agit, sur ce point, de la réaffirmation d’une réserve posée en 2014 :
« Considérant que, toutefois, lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ; qu’il appartient donc aux autorités juridictionnelles et disciplinaires compétentes de veiller au respect de cette exigence et de tenir compte, lorsqu’elles se prononcent, des sanctions de même nature antérieurement infligées ; que, sous cette réserve, l’article L. 314-18 du code des juridictions financières n’est pas contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines » (Décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (Cour de discipline budgétaire et financière), cons. 35 à 37).
Alors même que les dispositions contestées ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans la décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014 précitée, le Conseil d’État a fait le choix de procéder à leur renvoi en QPC… conduisant à cette nouvelle décision du 1er juillet 2016.
En fait, les requérants espéraient une évolution de la position du Conseil constitutionnel car celle-ci pouvait être espérée à lecture d’une décision dudit Conseil relative au cumul entre sanctions pénales et sanctions propres aux règles du Code monétaire et financier.
Source : Décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015. Voir aussi les décisions décisions nos 2016- 545 QPC et 2016-546 QPC du 24 juin 2016.
Dans ces décisions, il a été jugé que le cumul de l’application de dispositions instituant des sanctions, lorsque celles-ci sont infligées à l’issue de poursuites différentes en application de corps de règles distincts, peut méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines si différentes conditions sont réunies.
Dans cette nouvelle décision du 1er juillet 2016, le Conseil constitutionnel a décidé de contrôler uniquement les dispositions qui lui était déférées (et non toutes les sanctions pénales ou disciplinaires possibles et imaginables, comme il y était en quelque sorte invité) et il a jugé celles-ci constitutionnelles sous réserve qu’elles n’entraînent pas des poursuites pénales et des poursuites devant la CDBF pour les mêmes faits, dans le cadre de la protection du même intérêt social, aboutissant au prononcé de sanctions de même nature.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que l’article 8 de la DDHC ne s’applique pas qu’en pénal, mais qu’il s’étend:
« à toute sanction ayant le caractère d’une punition. »
Certes, le Conseil constitutionnel a, dans cette décision du 1er juillet 2016, rappelé immédiatement après que ce principe :
« de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. »
… comme il l’avait déjà fait dans le passé.
Et il a ensuite posé, dans cette décision du 1er juillet 2016, le principe selon lequel :
« si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.»
On le voit, nous restons dans la droite ligne sur ce point de la décision de 2014 précitée.
Mais la suite devient intéressante car l’on passe d’une réserve à deux réserves pour encadrer la constitutionnalité de cet article du CJF et, donc, le bien fondé des sanctions prononcées par la CDBF. Une réserve, nouvelle, est au paragraphe 7. Une autre réserve, déjà affirmée, est posée au paragraphe 8 :
« 7. En premier lieu, les dispositions contestées permettent qu’une personne visée à l’article L. 312-2 du code des juridictions financières, poursuivie devant la Cour de discipline budgétaire et financière pour l’une des infractions édictées par les articles L. 313-1 à L. 313-8 du même code, soit également poursuivie devant une juridiction pénale pour une infraction pénale. Si les dispositions contestées n’instituent pas, par elles-mêmes, un mécanisme de double poursuite et de double sanction, elles le rendent toutefois possible. Ces cumuls éventuels de poursuites et de sanctions doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu’une même personne ne puisse faire l’objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux.
8. En second lieu, lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Il appartient donc aux autorités juridictionnelles compétentes de veiller au respect de cette exigence et de tenir compte, lorsqu’elles se prononcent, des sanctions de même nature antérieurement infligées. »
Le paragraphe 8 reprend donc la réserve déjà émise en 2014 (au juge donc de prendre garde que le cumul global des sanctions ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.. la plus élevée peut-on supposer sachant qu’en cas de sanctions d’emprisonnement et d’amende ledit cumul peut donner lieu à débats selon nous).
Mais le paraphe 7 est plus novateur (mais il est dans la ligne des décisions 2016- 545 QPC et 2016-546 QPC du 24 juin 2016) :
« Ces cumuls éventuels de poursuites et de sanctions doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu’une même personne ne puisse faire l’objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux. »
Selon le commentaire qu’en fait le Conseil constitutionnel lui-même :
« Cette solution s’inscrit ainsi dans la continuité du contrôle « abstrait » opéré par le Conseil en ce qui concerne la proportionnalité des peines, lorsqu’il est amené à juger que des dispositions prévoyant une peine sont conformes au principe de proportionnalité des peines sous réserve qu’en cas de cumul de sanctions, le plafond le plus élevé prévu ne soit pas dépassé (sans que soient par avance identifiées les éventuelles sanctions avec lesquelles la sanction contrôlée est susceptible de se cumuler).
Cette solution laisse ouverte la possibilité pour des requérants de saisir le Conseil constitutionnel de dispositions d’incrimination précises pour lesquelles ils estimeraient qu’elles répriment deux fois le même comportement de manière contraire au principe de nécessité des délits et des peines. »
Avouons le humblement : ces formulations peuvent laisser un peu perplexe de prime abord.
S’agit-il de dire qu’il faut lire d’un bloc l’ensemble de ces sanctions pour éviter qu’il en résulte un cumul de peines excessif ? Si tel est le cas, merci… mais le point 8 de la décision, reprenant une solution bien établie (et appliquée à la CDBF depuis 2014) le dit déjà en d’autres termes plus précis.
S’agit-il de dire que si deux sanctions semblent de nature trop proches (ce que ne sont pas le cumul entre le disciplinaire et le pénal, par exemple), alors on en revient à non bis in idem ? Si tel est le cas, alors le Conseil constitutionnel a fait du neuf avec de l’ancien et a réinventé l’eau chaude. Oui, il y a de cela… mais la réserve posée par le Conseil constitutionnel, si elle manque de clarté opérationnelle, s’avère tout de même plus subtile qu’une simple réaffirmation de non bis in idem.
En effet, il faut relier cette seconde réserve (en sus de celle, importante, du paragraphe 8.) à la demande des requérants qui soulignaient l’immensité du champ des sanctions possibles au cas par cas. Donc le Conseil constitutionnel a rappelé aux juridictions qu’elles doivent à ce stade appliquer le principe non bis in idem, bien sûr, mais en fonction de la nature des sanctions et de non des catégories d’ordres de juridiction ou autre.
D’où l’esquisse de synthèse de la nouvelle position du Conseil constitutionnel, applicable au cumul des sanctions de la CDBF avec les sanctions disciplinaires et/ou pénales.. mais aussi à tout autre cumul de sanctions comparable :
- d’une part « le montant global des sanctions éventuellement prononcées» ne devra pas dépasser « le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » ;
- d’autre part, et là il s’agit d’une libre interprétation de notre part, message est donné au juge pour qu’il vérifie au cas par cas que le principe « non bis in idem » est bien respecté avec le mode d’emploi suivant : au juge de vérifier qu’il en résulte pas via des poursuites différentes une violation du principe non bis in idem au motif qu’il en résulterait des « sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux ». Bref, on applique le principe non bis in idem en raison de la nature de la sanction (au regard du critère de la protection des mêmes intérêts sociaux) et non pas juridiction par juridiction.
Aucun de ces deux principes n’est totalement nouveau mais le Conseil constitutionnel les combine de manière nouvelle. Et, dans l’art de faire de la rénovation avec de l’ancien, par petites touches, décidément, les sages de la rue Montpensier, font montre d’une rare expertise.
Autres sources : Décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014 – M. Stéphane R. et autres ; Décision n° 2015-550 QPC du 1er juillet 2016 ; Loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 ; Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 (points 16 et suiv.); partie législative du livre III du CJF ; Décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014 ; CDBF, n° 69-153, 30 septembre 1987, Relations entre l’EHESS et l’Association Marc Bloch ; CDBF, 6 novembre 1992, Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine et Marne, n° 96-262; Cour cptes, n° 22273, 29 mars 1999, Unité 7 de l’INSERM; CE, 15 novembre 2006, n°253904.
Voici la décision du C. const. :
JORF n°0153 du 2 juillet 2016
texte n° 104Décision n° 2016-550 QPC du 1er juillet 2016
NOR: CSCX1618417S
ELI: Non disponible(M. STÉPHANE R. ET AUTRE)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 avril 2016 par le Conseil d’Etat (décision n° 396696 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question est posée, d’une part, pour M. Stéphane R., par Mes Nicolas Baverez, Nicolas Autet et Jean-Etienne Giamarchi, avocats au barreau de Paris, et, d’autre part, pour M. Bernard S., par Me Thierry Dal Farra, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-550 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code des juridictions financières ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
– les décisions du Conseil constitutionnel nos 2014-423 QPC du 24 octobre 2014, 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, 2016-445 QPC et 2016-446 QPC du 24 juin 2016 ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour M. Stéphane R. par Mes Autet, Baverez et Giamarchi, enregistrées les 9 et 24 mai 2016 ;
– les observations présentées pour M. Bernard S. par Me Dal Farra, enregistrées le 9 mai 2016 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 mai 2016 ;
– les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Baverez pour M. Stéphane R., Me Dal Farra pour M. Bernard S. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 21 juin 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur ce qui suit :
1. L’article L. 314-18 du code des juridictions financières, qui figure dans le titre Ier du livre III de ce code consacré à la Cour de discipline budgétaire et financière, prévoit, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 avril 2000 mentionnée ci-dessus : « Les poursuites devant la cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire.
« Si l’instruction permet ou a permis de relever à la charge d’une personne mentionnée à l’article L. 312-1 des faits qui paraissent de nature à justifier une sanction disciplinaire, le président de la cour signale ces faits à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire sur l’intéressé. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître au président de la cour par une communication motivée les mesures qu’elle a prises.
« Si l’instruction fait apparaître des faits susceptibles de constituer des délits ou des crimes, le procureur général transmet le dossier au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale et avise de cette transmission le ministre ou l’autorité dont relève l’intéressé.
« Si la cour estime, en statuant sur les poursuites, qu’une sanction disciplinaire peut être encourue, elle communique le dossier à l’autorité compétente. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître à la cour, par une communication motivée, les mesures qu’elle a prises.
« Le procureur de la République peut transmettre au procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, d’office ou à la demande de ce dernier, la copie de toute pièce d’une procédure judiciaire relative à des faits de nature à constituer des infractions prévues et sanctionnées par les articles L. 313-1 à L. 313-14. »
2. Les requérants contestent le cumul des poursuites et des peines qu’autoriseraient les dispositions contestées. Ils font valoir que les mêmes faits peuvent être réprimés deux fois, d’une part devant la Cour de discipline budgétaire et financière et d’autre part devant le juge pénal, sans que les intérêts sociaux protégés soient distincts ni que les sanctions encourues soient d’une nature différente. Ils soutiennent que les dispositions contestées établiraient une double répression, en méconnaissance des principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.
3. La possibilité d’un cumul des poursuites devant la Cour de discipline budgétaire et financière et devant le juge pénal résulte des seuls mots « de l’action pénale et » figurant au premier alinéa de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières. Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur ces seuls mots.
Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité :
4. Le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les dispositions de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de la loi du 12 avril 2000 dans les considérants 36 à 38 de la décision du 24 octobre 2014 mentionnée ci-dessus et les a déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision.
5. Toutefois, depuis cette déclaration de conformité à la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 18 mars 2015 puis dans ses décisions du 24 juin 2016 mentionnées ci-dessus, que le cumul de l’application de dispositions instituant des sanctions, lorsque celles-ci sont infligées à l’issue de poursuites différentes en application de corps de règles distincts, peut méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines si différentes conditions sont réunies. Les sanctions doivent réprimer les mêmes faits et ne pas être d’une nature différente et les intérêts sociaux protégés doivent être les mêmes. Ces décisions constituent un changement des circonstances de droit. Ce changement justifie, en l’espèce, le réexamen des mots « de l’action pénale et » figurant au premier alinéa de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières.
Sur le fond :
6. Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
7. En premier lieu, les dispositions contestées permettent qu’une personne visée à l’article L. 312-2 du code des juridictions financières, poursuivie devant la Cour de discipline budgétaire et financière pour l’une des infractions édictées par les articles L. 313-1 à L. 313-8 du même code, soit également poursuivie devant une juridiction pénale pour une infraction pénale. Si les dispositions contestées n’instituent pas, par elles-mêmes, un mécanisme de double poursuite et de double sanction, elles le rendent toutefois possible. Ces cumuls éventuels de poursuites et de sanctions doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu’une même personne ne puisse faire l’objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux.
8. En second lieu, lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Il appartient donc aux autorités juridictionnelles compétentes de veiller au respect de cette exigence et de tenir compte, lorsqu’elles se prononcent, des sanctions de même nature antérieurement infligées.
9. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 7 et 8, les mots : « de l’action pénale et » figurant au premier alinéa de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières, qui ne sont pas contraires aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines, ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Ils doivent être déclarés conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel décide :Article 1 En savoir plus sur cet article…
Sous les réserves énoncées aux paragraphes 7 et 8, les mots « de l’action pénale et » figurant au premier alinéa de l’article L. 314-18 du code des juridictions financières sont conformes à la Constitution.
Article 2
Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 1er juillet 2016.