Un texte écrit en allemand peut s’imposer en France… dans le contexte, certes particulier, du droit local alsacien et mosellan (pour ceux des textes adoptés entre 1871 et 1918 et qui ont continué de s’appliquer sur place depuis lors. Tel est en tous cas la position du TA de Strasbourg dans un jugement récent.
Mais ce jugement n’est pas si révolutionnaire ni si contraire à la Constitution qu’il n’y paraît car il est acté que l’ordonnance allemande en question a bien été traduite :
« dès l’année 1918, par le 2e bureau de l’état‐major général du ministère de la guerre dans un ouvrage relatif à l’ « Organisation politique et administrative, et législation de l’Alsace‐Lorraine » (Paris Imprimerie Nationale),»
Donc ce n’est pas à proprement parler un texte en langue étrangère qui s’applique, mais bien un texte dûment traduit, ce qui règle selon nous en effet la question de la conformité de ce jugement à la Constitution. Quoique faute pour cette traduction d’être réellement officielle, la question pouvait tout de même faire débat.
Le TA reconnaît que :
« cet article n’[a] pas fait l’objet d’une publication officielle en langue française au recueil des actes administratifs de la préfecture comme le décret du 14 mai 2013 l’a prévu pour certains textes initialement rédigés en langue allemande»
Mais, sans le dire, le TA semble penser que la publication de 1918 apporte une garantie équivalente à ce qui a été imposé par une publication de 2013… ce qui est tout de même un peu osé.
D’autant que tout le monde n’a pas chez soi les documents de l’Imprimerie nationale de 1918… Et le TA de Strasbourg balaye cet argument au motif que ce document est :
« notamment accessible aujourd’hui, selon des diligences normales, par voie électronique et que, par ailleurs, le contenu de cette traduction, dont les termes ne sont pas contestés, ne pose pas de difficulté de compréhension particulière.»
Ce point s’avère selon nous plus contestable : l’accès à l’information par voie électronique peut-il suffire à lui seul ?
En tous cas, le recours obligatoire et exclusif à la langue française donne lieu ces temps-ci à d’intéressantes jurisprudences… Voir :
- Les personnes publiques françaises peuvent, mais seulement dans des cas exceptionnels, en France, se promouvoir en anglais à destination d’un public étranger
- L’état civil français à l’épreuve de la langue bretonne
- Marchés publics : Molière NON ; l’interprétariat, OUI. Une application par le TA de Lyon.
- Marchés publics : le Conseil d’Etat valide les clauses d’interprétariat [vidéo]
- marchés publics : Clause Molière acte II – scène finale
Voici ce jugement :
TA Strasbourg, 15 mars 2018, n° 1604621, 1605988
1604621

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