En cas de création d’EPCI à fiscalité propre ou de fusion ou de transformation extension, le juge va vérifier la compatibilité du périmètre, notamment avec les objectifs du SDCI (voir l’article L. 5210-1-1 du CGCT).
Mais il va aussi s’assurer de ce que le périmètre n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (EMA).
Sources : CE 15 octobre 1999, Ministre de l’Intérieur / commune de Saint-Ceneri-le-Gerei, n° 195689, rec. Tables ; CE, 2 octobre 1996, Commune de Civaux, req. n° 165055, Rec. T. p. 764 ; CAA Douai, 22 juin 2002 Commune d’Acquigny N° 01DA00616 et, plus récemment, CAA Nancy, 1er juin 2006, Ministre de l’Intérieur c/ commune de Sainte-Croix-en-Plaine, n° 05NC00621 ; voir pour un contrôle qui peut sembler plus poussé : CAA Bordeaux, 31 juillet 2003, Communauté de communes Plaine de Courance et commune de Saint –Symphorien, n° 02BX00159 ; voir aussi CE, 13 mars 1985, Ville de Cayenne, req. n° 19321 et 19322, Rec. p. 76 ; CE, Ord., 24 janvier 2005, Cne de Wissous, n° 276493 ; CE, 15 février 1984, Assoc. ind. du Territoire de Belfort, req. n° 39176, Rec. p. 66.
Voir aussi :
- Le TA de Nancy ayant décidé de ne pas changer les recettes du droit de l’intercommunalité, Saint-Ail reste bien dans sa gousse intercommunale.
- Revirement de jurisprudence : le SDCi est attaquable en soi… mais ses vices ne peuvent plus être soulevés par voie d’exception.
- Pas de motivation, pas de fusion
Un jugement intéressant en ce domaine vient d’être lu par le TA de Bordeaux.
En l’espèce :
« préfet de la Gironde a étendu, par arrêté du 24 novembre 2016, le périmètre de la communauté de communes du canton de Blaye, d’une part aux communes de Bayon, Comps, Gauriac, Saint-Ciers-de-Canesse, Saint-Seurin-de-Bourg, Samonac et Villeneuve, antérieurement membres de la communauté de communes de Bourg, d’autre part aux communes de Générac, Saint-Christoly-de-Blaye, Saint-Girons d’Aiguevives, Saint-Vivien-de-Blaye et Saugon, antérieurement membres de la communauté de communes Latitude Nord Gironde. Cette dernière ainsi que la commune de Saint-Vivien-de-Blaye demandent au tribunal d’annuler cet arrêté en tant qu’il réduit le périmètre de la communauté de communes Latitude Nord Gironde de ces cinq communes.»
Et il est intéressant de voir que, quoique le contrôle soit limité à l’EMA, le juge décortique précisément ce dont il est question (première leçon) en prenant en compte les effets collatéraux sur les autres communautés de l’acte attaqué pour s’assurer de l’EMA sur l’ensemble des paramètres entre les mains du préfet (seconde leçon). Cela conduit à un jugement stimulant :
4. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes du canton de Blaye aurait compté, avec le seul apport des communes antérieurement rattachées à la communauté de communes de Bourg une population de 15 934 habitants supérieure au seuil fixé par l’article L. 5210-1-1. Ainsi le transfert des cinq communes contesté n’est pas nécessaire pour atteindre Nos 1605371, 1605373 4 l’objectif du 1°) du III de cet article. En outre, il n’est pas établi, ni même allégué, que ce transfert serait susceptible d’accroître la solidarité financière ou la solidarité territoriale, ou aurait pour objet de prendre en compte l’une des orientations fixées aux 4° à 8° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. Enfin, les communes de Générac, Saugon et Saint-Christoly-de-Blaye relèvent du bassin de vie identifié autour de la ville de Saint- Savin qui fait partie de la communauté de communes Latitude Nord Gironde, et les cinq communes concernées appartiennent à l’aire urbaine de Bordeaux, comme les autres communes de la communauté de communes Latitude Nord Gironde, alors qu’aucune commune de la communauté de communes du canton de Blaye n’appartenaient à cette aire urbaine. Ainsi, le transfert des communes de Générac, Saint-Christoly-de-Blaye, Saint-Girons d’Aiguevives, Saint- Vivien-de-Blaye et Saugon de la communauté de communes Latitude Nord Gironde vers la communauté de communes du canton de Blaye, qui ne poursuit aucune rationalisation du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale, est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. L’arrêté du 24 novembre 2016 du préfet de la Gironde doit, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, être annulé en ce qu’il concerne ces cinq communes.
Il est trop tôt pour savoir si l’Etat a, ou n’a pas, fait appel dans ce dossier.
TA Bordeaux, 24 août 2018, COMMUNAUTE DE COMMUNES LATITUDE NORD GIRONDE, COMMUNE DE SAINT-VIVIEN-DE-BLAYE, n°1605371 et 1605373 :
CAA Bordeaux, 20 décembre 2018, 103045289_1605371_1605373
MISE À JOUR AU 20 DÉCEMBRE 2018
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX, AVEC UNE EBOURIFFANTE CÉLÉRITÉ, A CENSURÉ CE JUGEMENT PAR UN ARRÊT LU CE JOUR. LE VOICI :