Une procédure négociée a été lancée par la direction du service au soutien de la flotte de Toulon, rattachée au ministère des armées, pour l’attribution d’un accord-cadre à bons de commande portant sur la fourniture et l’application de peintures sur des navires et matériels de la Marine nationale basés en façade méditerranéenne.
A la suite de la procédure de passation, la société SONOCAR Industrie a été informée du rejet de son offre et de l’attribution du marché à une autre société.
La société SONOCAR a, alors, introduit une requête en référé précontractuel afin que le juge enjoigne à l’État de lui communiquer l’analyse des offres des candidats relative aux prix globaux, suspende l’exécution de toute décision se rapportant à la procédure de passation et ordonne de reprise de la procédure de passation.
Le juge du référé, par une ordonnance n°1803912 du 11 janvier 2019, a fait droit à la demande de suspension des décisions aux motifs, d’une part, qu’alors que le pouvoir adjudicateur avait initialement prévu que l’accord-cadre aurait un montant maximum, le montant n’a été fixé qu’à la fin de la procédure de négociation et, d’autre part, que l’avis de marché ne comportait aucune mention relative à la quantité ou à l’étendue globale de l’accord-cadre.
Il a également ordonné à la ministre des armées de reprendre la procédure au stade de l’avis d’appel public à la concurrence.
La société attributaire et la ministre des armées ont formé un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’Etat, saisi de cette affaire, rappelle tout d’abord, l’article 70 du décret du 25 mars 2016 qui prévoit que les accords-cadres peuvent être conclus soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, soit avec seulement un minimum ou un maximum ou soit sans minimum ni maximum. A cet égard, il constate qu’il ressort de cette disposition que l’acheteur n’est pas tenu de fixer un montant maximum pour l’accord-cadre envisagé. Aussi, la Haute juridiction relève que, de manière générale, aucune règle, ni aucun principe n’interdit à l’acheteur public, dans le cadre d’une procédure négociée, de fixer un montant maximum à l’issue de la négociation. Dès lors, l’acheteur disposait de la possibilité de fixer un tel montant dans le cadre des négociations et ce, même en l’absence d’information, dans les documents de la consultation, des candidats sur cette possibilité.
Ainsi, il retient que le juge du référé a commis une erreur de droit en jugeant que lorsque l’acheteur avait envisager de fixer un montant maximal du marché, il était tenu de le mentionner dans les documents de la consultation.
Néanmoins, le Conseil d’Etat se réfère aux textes européens relatifs aux procédures de passation des marchés de défense ou de sécurité pour conclure que l’avis de marché concernant la passation d’un accord-cadre doit prévoir, à titre indicatif, « la quantité ou l’étendue globale » ainsi que l’ « estimation de la valeur totale des acquisitions pour l’ensemble de la durée de l’accord-cadre ». A cet égard, comme le juge du référé, il retient que le pouvoir adjudicateur a commis un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.
Toutefois, en l’espèce, la Haute juridiction juge que ce manquement n’est pas de nature à permettre la suspension de la procédure de passation puisqu’il ne lèse pas le candidat évincé. En effet, le juge retient que le service du ministère des armées a apporté des précisions suffisantes aux entreprises quant à l’étendue des besoins à satisfaire.
A la lecture de cet arrêt du Conseil d’Etat, une question se pose inévitablement : cette décision concernant expressément les marchés publics de défense ou de sécurité est-elle transposable à l’ensemble des marchés publics ? Il semblerait que oui. En effet, les textes juridiques propre aux marchés publics de défense ou de sécurité, sur lesquels la Haute juridiction se fonde, présentent des similitudes ceux relatifs aux mêmes points concernant les marchés publics « classiques ».
A cet égard, comme l’article 70 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité, l’article 78 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit, que les accords-cadres peuvent être conclus soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, soit avec seulement un minimum ou un maximum ou soit sans minimum ni maximum (disposition aujourd’hui codifiée à l’article R.2162-4 du Code de la commande publique). Ainsi, cette disposition n’impose pas la fixation d’un montant maximum par l’acheteur.
Aussi, de même que l’annexe XIV « Avis de marché – défense et sécurité » au règlement n°2015/1986 établissant les formulaires standards pour la publication d’avis dans le cadre de la passation de marchés publics à laquelle le Conseil d’Etat fait référence dans la présente décision, l’annexe II « Avis de marché » prévoit également qu’en cas d’accords-cadres une« estimation de la valeur totale maximale pour la durée totale » doit être indiquée dans l’avis de marché.