La feuille de proclamation des résultats de l’élection municipale… omet une élue. Cela l’empêche-t-il cette élue d’être ensuite choisie pour maire ?

Faute d’avoir contesté à temps les élections, un quidam avait tenté d’avoir une seconde chance en excipant de la prétendue illégalité de l’élection municipale au stade de l’élection de la maire et de ses adjoints, dans cette même commune (St Laurent du Maroni). Sans succès. Voir :

 

Mais ce fut ensuite au tour du Préfet de s’aventurer dans une démarche comparable.

La feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni, établie le 15 mars 2020, ne désigne que 41 personnes en tant que conseillers municipaux élus. En effet, si les noms de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam figurent dans la colonne « Nom des listes des candidats au conseil municipal », ils ne sont pas inscrits dans la colonne « Nom et prénom des conseillers municipaux élus ».

Dans ces conditions et alors que le conseil municipal de Saint-Laurent du Maroni doit comporter 43 membres, le tribunal a jugé que l’omission de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam dans la colonne « Nom et prénom des conseillers municipaux élus » ne constituait qu’une simple erreur matérielle, et tant Mme Sophie Charles que M. Lénaïck Adam devaient être regardés comme étant des conseillers municipaux élus de la commune de Saint-Laurent du Maroni.

Ainsi, Mme Sophie Charles, en sa qualité de membre du conseil municipal, a pu régulièrement être élue maire de la commune. Par suite, le tribunal administratif a rejeté le déféré du préfet de la Guyane, celui-ci n’étant pas fondé à soutenir que les opérations électorales en vue de la désignation de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni auraient été entachées d’irrégularité.

VOICI CETTE DÉCISION :

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA GUYANE

N° 2000450

___________

PRÉFET DE LA GUYANE ___________

M. Vollot Rapporteur ___________

M. Prieto Rapporteur public ___________

Audience du 25 juin 2020 Lecture du 29 juin 2020 ___________

28-04-07 C+

Vu la procédure suivante :

Par un déféré enregistré le 5 juin 2020, le préfet de la Guyane demande au tribunal :

1°) d’annuler les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 mai 2020 en vue de l’élection de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni ;

2°) de procéder à la rectification d’une erreur matérielle entachant la feuille, établie le 15mars 2020, de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni.

Le préfet de la Guyane soutient que les opérations électorales sont entachées d’irrégularité dès lors que Mme Sophie Charles, qui a été élue maire, et M. Lénaïck Adam ont siégé au conseil municipal alors que la feuille de proclamation des résultats du 15 mars 2020 ne les mentionne pas dans la colonne « Noms et prénoms des conseillers municipaux élus ».

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2020, la commune de Saint-Laurent du Maroni, représentée par Me Lingibé, conclut au rejet de la requête et, à titre reconventionnel, de procéder aux rectifications des erreurs matérielles entachant la feuille, établie le 15 mars 2020, de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni.

La commune de Saint-Laurent du Maroni soutient que :
– il n’y a eu aucune commission de recensement général des votes ;

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– les résultats de procès-verbaux des opérations électorales de l’élection des conseillers municipaux et communautaires sont indiscutables et indiscutés ;

– le système électoral de la commune prévoit une attribution des sièges légalement et impérativement prédéterminée ;

– l’omission de Mme Sophie Charles parmi la liste des conseillers municipaux élus est une erreur matérielle, comme constaté le 3 juin 2020 par le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane.

Par un mémoire en observation enregistré le 21 juin 2020, M. Lénaïck Adam, représenté par Me Lobeau, conclut à l’annulation des opérations électorales litigieuses et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Laurent du Maroni au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. Adam soutient que :

– la proclamation des résultats ne permet pas d’attribuer à Mme Sophie Charles la qualité de conseiller municipal ;

– Mme Sophie Charles ne pouvait pas siéger au conseil municipal et être élue maire ;

– la participation d’un avocat étranger au conseil municipal a été de nature à influencer le vote des conseillers municipaux.

Par une ordonnance du 5 juin 2020, la clôture d’instruction a été fixée au 21 juin 2020, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

    • –  le code électoral ;
    • –  le code général des collectivités territoriales ;
    • –  l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, notamment les articles 6, 7 et 8 ;
    • –  le code de justice administrative.Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur deux moyens d’ordre public relevé d’office, tirés de l’irrecevabilité, en raison de l’exception de recours parallèle, des conclusions sollicitant la rectification d’une erreur matérielle qui entache la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux de Saint-Laurent du Maroni dès lors qu’elles relèvent uniquement de l’office du juge de l’élection saisi de la réclamation contre les élections du conseil municipal, ainsi que de l’irrecevabilité des conclusions reconventionnelles.

      Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

      Ont été entendus au cours de l’audience :

    • –  le rapport de M. Vollot,
    • –  les conclusions de M. Prieto, rapporteur public,
    • –  les observations de M. Révillet accompagné de Mme Berald-Catelo, pour le préfetde la Guyane,
    • –  et les observations de Me Lingibé, pour la commune de Saint-Laurent du Maroni,
    • –  Mme Charles et M. Adam n’étant ni présents, ni représentés.

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Considérant ce qui suit :

1. Le 15 mars 2020, la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni a été établie. Le 25 mai 2020, la réunion d’installation du conseil municipal de la commune de Saint- Laurent du Maroni a eu lieu et Mme Sophie Charles a été élue aux fonctions de maire. Par le présent déféré, le préfet de la Guyane demande l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 mai 2020 en vue de l’élection de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni, et qu’il soit procédé à la rectification d’une erreur matérielle entachant la feuille, établie le 15 mars 2020, de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la rectification d’une erreur matérielle entachant la feuille de proclamation des résultats présentées par le préfet de la Guyane, soulevée d’office :

2. Aux termes de l’article L. 2122-13 du code général des collectivités territoriales : « L’élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal ». Aux termes de l’article L. 248 du code électoral : « Tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. / Le préfet, s’il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n’ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif ».

3. Par la présente protestation électorale, le préfet de la Guyane a entendu saisir le juge de l’élection du maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni. Il sollicite, notamment, la rectification d’une erreur matérielle qui entache la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux de Saint-Laurent du Maroni. Or, ces conclusions relèvent de l’office du juge de l’élection saisi d’une réclamation contre les opérations électorales de la commune, et non du juge de l’élection saisi d’une réclamation contre la désignation du maire. Dès lors, en raison de l’exception de recours parallèle, les conclusions tendant à rectifier une erreur matérielle entachant la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux de Saint-Laurent du Maroni sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Saint-Laurent du Maroni, soulevée d’office :

4. La protestation électorale du préfet de la Guyane est recevable uniquement en ce qu’elle tend à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 mai 2020 en vue de l’élection de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni. Les conclusions présentées par la commune de Saint-Laurent du Maroni, dans son mémoire en défense, et tendant aux rectifications des erreurs matérielles entachant la feuille, établie le 15 mars 2020, de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni ont le caractère de conclusions reconventionnelles qui ne sont pas recevables en matière électorale. Dès lors, elles sont entachées d’irrecevabilité et doivent être rejetées.

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Sur le mémoire produit par M. Adam :

5. M. Adam, qui a la qualité d’observateur et non celle de partie ou d’intervenant à la présente instance, a produit un mémoire le 21 juin 2020. Il s’associe à la protestation électorale du préfet de la Guyane et soulève de nouveaux moyens. Son mémoire doit toutefois être regardé comme présentant de simples observations en réponse à la communication faite par le tribunal administratif de la Guyane. Dès lors, il n’y a pas lieu de répondre aux moyens qu’il développe.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

6. Aux termes de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, le nombre des membres du conseil municipal d’une commune de 40 000 à 49 999 habitants est fixé à 43. Aux termes de l’article L. 2122-1 du même code : « Il y a, dans chaque commune, un maire et un ou plusieurs adjoints élus parmi les membres du conseil municipal ». Aux termes de l’article L. 2122-4 du même code : « Le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres (…) ».

7. Il résulte de l’instruction que, compte tenu de la population communale, le nombre de conseillers municipaux de la commune de Saint-Laurent du Maroni est fixé à 43. Or, la feuille de proclamation des résultats de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Laurent du Maroni, établie le 15 mars 2020, ne désigne que 41 personnes en tant que conseillers municipaux élus. Si les noms de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam, respectivement placés en tête des listes « Saint-Laurent pour tous » et « Vivre ensemble – Vivre en grand » qui ont recueilli 52,22% et 28,25% des voix exprimés au premier tour de l’élection municipale de Saint-Laurent du Maroni selon les chiffres du ministère de l’intérieur, figurent sur la feuille de proclamation des résultats comme têtes de liste dans la colonne « Nom des listes des candidats au conseil municipal », ils n’y sont pas désignés en tant que conseillers municipaux élus. Dans ces conditions, l’omission de Mme Sophie Charles et M. Lénaïck Adam dans la colonne « Nom et prénom des conseillers municipaux élus » ne constitue qu’une simple erreur matérielle, et tant Mme Sophie Charles que M. Lénaïck Adam doivent être regardés comme étant des conseillers municipaux élus de la commune de Saint-Laurent du Maroni. Ainsi, le nombre de membres du conseil municipal étant de 43, Mme Sophie Charles, en sa qualité de membre du conseil municipal, pouvait régulièrement être élue maire de la commune. Par suite, le préfet de la Guyane n’est pas fondé à soutenir que les opérations électorales en vue de la désignation de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni sont entachées d’irrégularité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 mai 2020 en vue de l’élection de Mme Sophie Charles en tant que maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni doivent être rejetées.

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DECIDE:

Article 1er : La protestation électorale du préfet de la Guyane est rejetée.

Article2: Les conclusions de la commune de Saint-Laurent du Maroni présentées à titre reconventionnel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. Adam sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au préfet de la Guyane, à la commune de Saint-Laurent du Maroni, à Mme Sophie Charles et à M. Lénaïck Adam.

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Délibéré après l’audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président,
M. Bilate, premier conseiller, M. Vollot, conseiller.

Lu en audience le 29 juin 2020.

Le rapporteur, Signé
T. VOLLOT

Le président, Signé
L. MARTIN

Le greffier, Signé

C. LAPOMPE-PAIRONNE

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Le Greffier en Chef,
Ou par délégation le greffier,

Signé
M-Y. METELLUS