Les décisions du juge civil, en matière de scolarisation d’un enfant en situation de handicap, s’imposent-elles directement à l’Education nationale ?

Le juge civil annule une décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, relative au maintien, ou non, d’un enfant en milieu scolaire ordinaire (comme toujours, le choix entre milieu scolaire ordinaire avec AVS /AESH versus d’autres régimes comme les ULIS).

L’Education nationale doit-elle en tenir compte ? Au moins en tenir compte directement ? Par une interprétation logique, mais un peu contre-intuitive de prime abord, les services juridiques du Ministère de l’éducation nationale répondent par la négative à cette question.

En effet, le jugement civil en question (en faveur d’une scolarisation en milieu ordinaire avec AESH en l’espèce), selon les services de l’Etat, ne s’imposerait pas directement à l’Education nationale qui doit d’abord attendre, pour l’exécuter, qu’une décision soit prise par les autorités en charge de prendre de telles décisions, et à qui le jugement civil s’impose (à savoir la MDPH et CDAPH). L’Education nationale n’intervient qu’ensuite, en aval. Sauf, sans doute, si elle a été partie au procès civil (soit volontairement soit via ce que l’on appelle une « intervention forcée »).

Voir cette analyse de la DAJ du Ministère dans le dernier numéro de sa Lettre d’information juridique :

 

Cette analyse est ci-dessous reproduite :

Enseignement scolaire
PREMIER DEGRÉ
Scolarité
fleche Scolarisation des élèves handicapés – Annulation de la décision de la C.D.A.P.H. – Exécution d’un jugement civil (non)
Note DAJ A1 n° 2020-0016 du 25 février 2020

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur l’exécution d’un jugement par lequel une juridiction civile a annulé la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (C.D.A.P.H.).

Le tribunal de grande instance a jugé en l’espèce que le maintien du fils des requérants en milieu ordinaire avec l’affectation d’un accompagnant (A.E.S.H.) était préférable à une orientation en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS).

Sur le fondement de ce jugement, les requérants ont sollicité auprès du rectorat la mise à disposition d’un A.E.S.H. auprès de leur fils.

Or, dans la mesure où les services académiques n’étaient pas partie à l’instance et que le jugement n’a pas été déclaré commun au rectorat de l’académie et à la maison départementale des personnes handicapées (M.D.P.H.), défendeur, il n’existe aucune obligation pour les services académiques de faire droit à la demande des parents.

En effet, une administration n’est pas liée par un jugement civil rendu à l’issue d’une instance à laquelle elle n’était pas partie (cf. C.E., 13 mars 1989, Bureau d’aide sociale de Paris, n° 71571, aux tables du Recueil Lebon), sauf si l’administration a été appelée à la cause, même à tort, et que le jugement a été déclaré commun à la personne publique concernée (C.E. Assemblée, 16 mars 1945, n° 75637, au Recueil Lebon).

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le jugement de la juridiction civile ne s’impose qu’à la M.D.P.H. et, par suite, à la C.D.A.P.H. qui devra prendre une nouvelle décision d’orientation pour l’enfant. C’est cette décision qu’il appartiendra aux services académiques, le cas échéant, d’exécuter.

N.B. : Depuis le 1er janvier 2019, le recours dirigé à l’encontre d’une décision de la C.D.A.P.H. relative à l’orientation d’un enfant ou adolescent handicapé doit désormais être formé auprès du pôle social du tribunal judiciaire dont dépend le requérant – et être précédé d’un recours administratif préalable obligatoire – en raison de la suppression des tribunaux des affaires de sécurité sociale par l’article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.