Pas de sanction sans contradiction… pas d’expulsion de prime abord sans communication du rapport

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Le TA de Toulouse vient, ce jour, de rappeler que, par principe, toute décision individuelle, prise en considération de la personne, doit être prise après une phase de contradictoire (droit de savoir ce qui est reproché et de présenter sa défense, schématiquement). Ce principe est plus complexe qu’il n’y paraît, il comporte des dérogations… mais il s’applique par défaut à de nombreux actes administratifs individuels, y compris comme en l’espèce à des mesures relatives à un zoo / parc animalier dans le Tarn. 

 

L’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit que les décisions prises en considération de la personne sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.

Autrement dit, il appartient à l’administration qui entend prendre une telle mesure de mettre à même la personne qui en est l’objet de faire valoir son point de vue. Mais ce régime ne s’applique qu’aux mesures individuelles (et non réglementaires),  avec parfois la prise en compte du point de savoir si l’administré ou l’agent a, ou non, un droit subjectif à faire valoir.

Il en résulte une jurisprudence abondante et qui remonte historiquement à des temps bien plus anciens que cet article :

 

Reste que ce principe continue d’être un des piliers de notre droit administratif, et qu’il est un peu moins vermoulu que d’autres.

La préfète du Tarn, sur le fondement d’un rapport d’inspection du 19 octobre 2020, au regard de non-conformités relevées au titre de la santé et de la protection animales, notamment en matière de conditions de détention et d’alimentation, au titre de l’entretien général du parc et des enclos et enfin au titre de la sécurité physique et sanitaire du public, a notamment ordonné, par arrêté du 22 octobre 2020, la fermeture immédiate du parc animalier Zoo – Parc des félins – Les Trois Vallées, sur le territoire de la commune de Montredon-Labessonnié. Le même arrêté ordonne le transfert des animaux de la faune sauvage captive dans un délai d’un mois.

Saisi d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le juge des référés peut prononcer (article L. 521-2 du code de justice administrative), dans un délai de 48 heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté en cause.

Fallait-il donc une atteinte à une liberté et une illégalité manifeste.

  • les libertés ont été reconnues comme méconnues en l’espèce. Les sociétés exploitantes du parc animalier ont fait valoir les conséquences économiques difficilement réparables engendrées pour elles par la fermeture de l’établissement et le transfert des animaux, qui portent une atteinte grave à la propriété, protégée par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits et de l’homme et des libertés fondamentales, à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie, la condition tenant à l’urgence a été regardée comme satisfaite.
  • sur le fond, celui de l’illégalité manifeste, c’est le principe du contradictoire qui a été méconnu.
    Pour prendre sa décision, la préfète du Tarn s’est fondée sur les dispositions de l’article L. 206-2 du code rural et de la pêche maritime et R. 413-48 à R. 413-51 du code de l’environnement. Toutefois, si ces dispositions permettent d’ordonner la suspension de l’activité en litige, cette suspension ne peut être prononcée sans mise en demeure préalable qu’en cas d’urgence. Or, pour justifier de cette urgence à agir pour « faire cesser le risque encouru par des visiteurs pendant les vacances scolaires », la préfète du Tarn s’est fondée sur un rapport d’inspection du 19 octobre 2020 qui n’a pas été communiqué aux sociétés exploitantes, et qui n’a été communiqué que de manière incomplète lors de l’audience. Dans ces conditions, et alors que le risque allégué pour les visiteurs du parc n’est pas établi, la préfète du Tarn ne pouvait s’affranchir de la procédure prévue par ces dispositions qui comporte à tout le moins l’envoi d’une mise en demeure aux sociétés exploitantes.

 

NB : rappelons par ailleurs que des nouvelles normes plus respectueuses vont bientôt s’imposer aux zoos et autres parcs animaliers. Voir :

 

TA Toulouse, ord., 2 novembre 2020, n° 2005389 :

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