Le fait qu’un contrat comporte une clause exorbitante du droit commun… suffit-elle à faire, de ce contrat, un contrat administratif ?

Les contrats d’exécution du service de l’archéologie préventive (avec l’INRAP ou autre) sont bien des contrats publics car il s’agit d’un service public… ce qui n’est guère surprenant. Mais, à cette occasion, le tribunal des conflits a précisé l’autre grand critère classique du contrat public, relatif à la « clause exorbitante » du droit commun, en précisant qu’une telle clause ne fait basculer le contrat dans le monde du droit public que si le pouvoir que celle-ci confère bénéficie à une personne publique. 

 

Les contrats ne relèveront du droit public que dans des cas précis, les plus usuels étant l’occupation du domaine public OU l’affectation (la participation) au service public OU la clause exorbitante du droit commun.

Voir par exemple, pour l’application de ces critères même entre personnes publiques : TC, 4 juillet 2016, n° 4057 (voir ici).

Il en résulte parfois, d’ailleurs, des situations surprenante de prime abord. Voir :

 

Dans ce cadre, appliquer le droit administratif à un contrat en raison de l’inclusion, dans celui-ci, de clause exorbitante reste tout à fait classique. Voir par exemple :

Donc, s’il y a clause exorbitante du droit commun, alors il y a contrat administratif… penserait-on.

Mais encore faut-il que l’on entre dans les canons, stricts, de ce qu’est une telle clause exorbitante, telle que redéfinie par le Tribunal des conflits en 2014… Plus précisément, il y aura contrat privé au titre de ce critère si le :

« contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs »

Source : Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, n° 3963. Voir aussi Cass. civ. 1, arrêt n° 140 du 17 février 2016 (14-26.632). Voir ici. 

Et encore faut-il que la clause exorbitante profite à la personne publique cocontractante… C’est ce que vient, hier, de juger le tribunal des conflits (TC).

Le TC commence par poser que la circonstance qu’un contrat, passé entre une personne privée et une personne publique, comporte des clauses conférant à la personne privée des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique.

Il s’agissait en l’espèce de contrats d’archéologie préventive,  concernant l’INRAP.

Alors de tels contrats sont-ils de droit privé ?

NON car l’autre critère usuel, celui de la participation au service public, est quant à lui rempli.

Il résulte en effet des articles L. 521-1, L. 522-1, L. 523-1, L. 523-8, L. 523-8-1, L. 523-10 et R. 545-24 du code du patrimoine que le législateur a entendu créer un service public de l’archéologie préventive et a notamment, dans ce cadre, chargé l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) de réaliser des diagnostics d’archéologie préventive et d’effectuer, dans les conditions prévues par le code du patrimoine, des fouilles.

Il suit de là que le contrat par lequel la personne projetant d’exécuter les travaux qui ont donné lieu à la prescription, par l’Etat, de réaliser des fouilles d’archéologie préventive confie à l’INRAP, établissement public, le soin de réaliser ces opérations de fouilles a pour objet l’exécution même de la mission de service public de l’archéologie préventive. Par suite, le litige relève de la compétence de la juridiction administrative.

NB : on notera que décidément, l’INRAP a une actualité juridique chargée ces temps-ci. Voir : 

 

Voir TC, 2 novembre 2020, n° 4196, à publier en intégral au recueil Lebon :

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/TC/decision/2020-11-02/C4196