Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Premier Ministre pouvait-il, en juin dernier, réglementer les manifestation au point de leur imposer un régime d’autorisation ?

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Premier Ministre pouvait-il, en juin dernier, réglementer les manifestation au point de leur imposer un régime d’autorisation ?

NON vient de répondre le Conseil d’Etat, confirmant sur ce point une censure déjà intervenue en référé. 

 

Initialement, un régime strict avait déjà été censuré par le juge des référés via ordonnance rendue par le Conseil d’Etat (CE, 13 juin 2020, LDH et alii, n°440846, 440856, 441015) qui avait suspendu les dispositions en ce domaine du décret du 31 mai 2020…

Voir :

Le Premier Ministre avait ensuite modifié, dès le lendemain, son arrêté, qui avait également été censuré en référé.

Voir :

Dans sa décision de référé, du 6 juillet 2020, le Conseil d’État avait posé :

  • que la situation sanitaire continuait, alors (comme maintenant d’ailleurs) de justifier des mesures de prévention.
  • que l’organisation de manifestations sur la voie publique dans le respect des « mesures barrières » présente une complexité particulière.
  • qu’en temps normal, les manifestations sur la voie publique sont soumises à une obligation de déclaration auprès des autorités. Le préfet peut alors interdire les rassemblements qui risquent de troubler l’ordre public, par exemple s’il estime que les précautions sanitaires prévues sont insuffisantes.
  • que la nouvelle version du décret du 31 mai 2020 conduisait à inverser cette logique, puisque toute manifestation demeurait interdite tant que le préfet ne l’a pas autorisée. En outre, le décret ne prévoyait pas de délai pour que le préfet rendît une décision, ce qui eût pu empêcher les organisateurs de saisir le juge en temps utile.
  • qu’il existait donc un doute sérieux sur le fait que cette nouvelle procédure ne portât pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester.
  • qu’en revanche, le juge des référés du Conseil d’État estimait que l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes, qui demeure inchangée dans le décret du 31 mai, reste justifiée au regard de la situation sanitaire à ce jour.

 

C’est cette position stricte de défense du droit de manifester qui vient d’être confirmée au fond par le Conseil d’Etat, par un arrêt à publier aux tables du rec.

Voici le résumé de la base Ariane qui préfigure celui des tables du recueil Lebon :

« Par les articles L. 3131-12 et L. 3131-15 du code de la santé publique (CSP), dans leur version issue de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l’Etat mentionnées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 compétence pour édicter, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l’épidémie de covid-19, en vue, notamment, d’assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation. Si le Premier ministre peut, en vertu des pouvoirs qu’il tient du 6° du I de l’article L. 3131-15 du CSP, aux fins de garantir la santé publique, réglementer les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature et, le cas échéant, les interdire, il ne pouvait légalement, sans qu’une disposition législative lui ait donné compétence à cette fin, subordonner les manifestations sur la voie publique à un régime d’autorisation. Par suite, annulation des dispositions qui prévoient un tel régime dans le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant, à l’issue de la première période de confinement, les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19. »

 CE, 15 janvier 2021, n° 441265, à publier aux tables du recueil Lebon :

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-01-15/441265