Ah… les charmes, en bien des domaines, des toutes premières fois… Alors on comprend le parfum de joie et, osons le dire, d’émoustillement qui émane du Conseil d’Etat. Ce dernier n’avait jamais fauté avec la CEDH. Jamais même le Palais Royal français n’avait-il demandé un avis à la Cour de Strasbourg.
La Cour de cassation l’avait fait, en 2018 (C. Cass., Ass. plénière, n° S 10-19.053 et H 12-30.138 du 4 octobre 2018). Voir :
Car le 16e protocole à la CEDH le permet. Voir à ce sujet :
- CEDH : le 16e protocole au JO de ce matin
- Le 16e protocole CEDH définitivement publié au JO de ce matin (mais entré en vigueur au 1er août dernier). Avec une question : la Cour de cassation pouvait-elle déjà l’appliquer il y a plus d’un mois ?
Mais ça y est, le Palais Royal, parfois si réticent à saisir la CJUE (pour un cas cuisant où la France a été condamnée en manquement faute d’une telle saisine, voir CJUE, 4 octobre 2018, aff. C‑416/17 , que nous avions commentée ici)… a franchi le pas s’agissant de la CEDH.
Pour la première fois, en effet, le Conseil d’État a, ce jour, adressé une demande d’avis à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), en application du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (convention EDH). Par cette demande, il interroge la CEDH sur les critères pertinents pour apprécier la compatibilité avec la convention européenne d’une disposition législative relative à la chasse, qui limite la possibilité pour les associations de propriétaires de retirer leurs terrains du territoire d’une association communale de chasse agréée (ACCA).
Voir à ce sujet :
Le protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entré en vigueur le 1er août 2018, permet aux plus hautes juridictions des États signataires d’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la convention et ses protocoles.
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État fait, pour la première fois, usage de cette possibilité et adresse à la Cour une demande d’avis.
Seules les associations de propriétaires qui existaient à la date de création d’une ACCA peuvent se retirer de son territoire par la suite
Cette demande d’avis porte sur les critères pertinents pour apprécier la conformité aux articles 14 de la convention (interdiction des discriminations) et 1er du premier protocole additionnel (droit au respect des biens) de l’article L. 422-18 du code de l’environnement, relatif au retrait du territoire d’une ACCA, dans sa version récemment modifiée par la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019.
Instaurées par la loi Verdeille de 1964, les ACCA regroupent de manière obligatoire, dans certaines communes, l’ensemble des terrains situés sur le territoire de la commune pour l’exercice du droit de chasse. La loi permet cependant à certains propriétaires de demander que leur terrain ne soit pas inclus dans le territoire de l’ACCA, soit dès sa création, soit en le retirant par la suite. Cette faculté est notamment soumise à la condition que le terrain concerné soit d’une certaine taille, pour garantir une bonne gestion de la chasse et du gibier.
Le retrait des terrains du territoire de l’ACCA après la création de celle-ci est permis à un propriétaire individuel qui possède un terrain suffisamment grand. En revanche, depuis la loi du 24 juillet 2019, ce droit de retrait n’est ouvert à une association de plusieurs propriétaires mettant en commun leurs territoires que lorsque l’existence de l’association était reconnue lors de la création de l’ACCA.
Pour juger de la légalité d’un décret d’application de la loi du 24 juillet 2019 contesté devant lui, le Conseil d’État doit déterminer si cette différence de traitement, selon que l’association existait ou non à la date de création de l’ACCA, respecte le droit au respect des biens et l’interdiction des discriminations garantis par la convention EDH. C’est sur ce point, qui concerne la législation française mais intéresse aussi les autres États européens qui ont une législation sur la chasse analogue à celle de la France, qu’il a sollicité l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement du protocole n° 16.
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