Quand, en application d’une loi, un texte réglementaire doit être adopté. Un éventuel retard doit-il être apprécié par le juge à la date de la requête ? ou à la date où le juge statue ?
Réponse : à la date où le juge statue, a répondu le Conseil d’Etat par un arrêt à publier en intégral au recueil Lebon.
La Haute Assemblée commence par rappeler que l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
Voir en ce sens : CE, 28 juillet 2000, Association France nature environnement, n° 204024, rec. p. 322.
L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu de l’article L. 911 1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures.
Il s’ensuit, conclut le Conseil d’Etat, que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’une autorité administrative d’édicter les mesures nécessaires à l’application d’une disposition législative, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision, notamment afin de déterminer si le retard dans l’adoption de ces mesures a excédé le délai raisonnable qui était imparti au pouvoir réglementaire pour ce faire.
Cette solution s’imposait puisqu’un raisonnement similaire avait été conduit par le juge administratif s’agissant du refus d’abroger un acte réglementaire (CE, Assemblée, 19 juillet 2019, Association des Américains accidentels, n°s 424216 424217, rec. p. 296. Voir : Saisi d’une demande d’annulation du refus d’abroger un acte réglementaire, à quelle date le juge doit-il se placer pour juger des règles à appliquer ? ; voir aussi CE, 2 mars 2020, n° 422651, à mentionner aux tables du recueil Lebon et que nous avions commenté ici : Abrogation d’un acte réglementaire illégal : que se passe-t-il si l’acte a cessé de recevoir application au jour du jugement ? ).
Il est à noter que, dès lors, l’Etat aura donc parfois intérêt à répondre très vite aux mémoires pour espérer accélérer la date de lecture de l’arrêt, si du moins le retard à prendre un acte réglementaire peut sembler incertain en cas d’audiencement rapide… Inversement, certes non sans limites, le jeu des requérants sera parfois de tenter de faire traîner un peu l’instruction de l’affaire…
CE, 27 mai 2021, n° 441660, à mentionner aux tables du recueil Lebon