L’obligation de reclassement d’un agent contractuel s’impose avant tout licenciement y compris à l’issue d’un congé pour convenances personnelles.

Par un arrêt M. C… c/ Centre national d’art et de culture Georges Pompidou en date du 30 décembre 2021 (req. n° 448641) précise qu’en vertu d’un principe général du droit, l’obligation de reclassement au respect de laquelle est subordonné le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée (CDI) s’impose également à l’administration en cas d’impossibilité de réemploi de cet agent à l’issue d’un congé sans rémunération, dont le congé pour convenances personnelles.

Les faits de l’espèce, exposés par le rapporteur public M. Arnaud Skzryerbak (dont nous reprenons sur ce point les conclusions), sont les suivants. M. C… a été recruté en 1987 en contrat à durée indéterminée par le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou. Il a occupé plusieurs emplois et en dernier lieu celui de technicien audiovisuel copiste, relevant du groupe II selon la classification des emplois du Centre. M. C… était alors « chargé de numérisation et d’encodage », c’est-à-dire concrètement de copier des vidéos sur des DVD.

À sa demande, il a bénéficié, à compter du 8 décembre 2012, d’un congé pour convenances personnelles, lequel a été prolongé jusqu’au 7 décembre 2015. Deux mois avant ce terme, M. C… a demandé sa réintégration. Par une décision du 20 novembre 2015, le Centre Pompidou a rejeté sa demande au motif que son poste avait été supprimé après son départ et qu’il n’existait pas actuellement de poste similaire sur lequel l’affecter. Si la cour administrative d’appel de Paris a annulé la décision de suppression de poste, elle a en revanche rejeté comme tardives les conclusions de M. C… dirigées contre le refus de réintégration.

Alors que ce refus de réintégration aurait normalement dû conduire au licenciement de M. C…, ce dernier a été maintenu d’office en congé sans rémunération. Le Centre Pompidou l’a parallèlement rendu destinataire des vacances de postes techniques du groupe II.

Toutefois, M. C… a finalement candidaté en 2018 sur un emploi du groupe supérieur, le groupe III, celui de chargé de traitement image et son au sein du service audiovisuel, poste dans lequel il estimait reconnaître ses anciennes fonctions.

Par une décision du 18 octobre 2018, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou a rejeté la demande de M. C… de réemploi à l’issue de son congé pour convenances personnelles et l’a maintenu en disponibilité. M. C… a alors saisi le tribunal administratif de Paris d’une requête tendant à l’annulation de la décision du 18 octobre 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de la candidature qu’il avait présentée le 4 juillet 2018. Par un jugement n° 1820179/5-2 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a regardé les conclusions de M. C… comme tendant à l’annulation de la décision du Centre en date du 24 janvier 2019 refusant de le réintégrer sur le poste de « chargé de traitement image et son » auquel il s’était porté candidat et a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°19PA02721 du 13 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Paris, sur appel de M. C…, a d’une part, annulé la décision du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou en date du 24 janvier 2019, enjoint au Centre de réintégrer M. C… sur le poste de « chargé de traitement image et son » dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt, d’autre part, réformé le jugement en ce qu’il a de contraire et rejeté le surplus des conclusions de M. C….

Le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’État. Ce dernier va y faire droit et annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris.

Tout d’abord, la Haute Assemblée précise qu’il résulte de la réglementation applicable « que, lorsqu’un agent contractuel de l’État a bénéficié de l’un des congés mentionnés à l’article 32 du décret du 17 janvier 1986, l’autorité administrative doit, à l’issue de ce congé et sous réserve qu’il soit physiquement apte, qu’il remplisse toujours les conditions requises et, s’agissant des congés mentionnés aux articles 20, 22 et 23 du même décret, qu’il en ait formulé la demande selon les modalités prévues à l’article 24 de ce décret, affecter l’agent sur l’emploi qu’il occupait antérieurement, dès lors que les nécessités du service n’y font pas obstacle et, en particulier, que cet emploi n’a pas été supprimé dans le cadre d’une modification de l’organisation du service et n’a pas été pourvu par un fonctionnaire. A défaut, il revient à l’administration de le nommer par priorité sur un emploi similaire, vacant à la date à laquelle le congé a pris fin, assorti d’une rémunération équivalente, sous réserve là encore que les nécessités du service n’y fassent pas obstacle. Lorsqu’un tel réemploi est impossible, il appartient à l’administration de procéder au licenciement de l’agent en application du 5° de l’article 45-3 précité, sous réserve, s’agissant d’un agent recruté en vertu d’un contrat à durée indéterminée, de chercher à le reclasser en lui proposant un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi, sans que l’agent puisse, dans le cadre de cette procédure de reclassement, bénéficier de la priorité prévue à l’article 32. »

Puis, examinant les faits de l’espèce, le Conseil d’État constate que M. C…, recruté par le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou le 9 juin 1987 en vertu d’un contrat à durée indéterminée, « exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien audiovisuel copiste, chargé de numérisation et d’encodage, au service audiovisuel », et qu’il « a été placé à sa demande en congé sans rémunération pour convenances personnelles du 8 décembre 2012 au 7 décembre 2015. Par une décision du 20 novembre 2015, l’établissement a refusé de le réemployer au motif que le poste qu’il occupait avant son congé avait été supprimé et que le Centre ne disposait pas d’emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente. Par une décision du 24 janvier 2019, l’établissement a rejeté la candidature de M. C… à un poste de “chargé de traitement image et son”. »

Or, poursuit le Conseil d’État, « Pour annuler cette décision du 24 janvier 2019, la cour administrative d’appel de Paris s’est notamment fondée sur ce que cet agent a été illégalement privé du droit à être réemployé par priorité sur un emploi similaire à celui qu’il occupait avant son départ en congé pour convenances personnelles, en application de l’article 32 du décret du 17 janvier 1986. En statuant ainsi, alors que la demande de réemploi de M. C… à l’issue de son congé a fait l’objet d’une décision de rejet en 2015, devenue définitive, et qu’il ne bénéficiait d’aucun droit à être réemployé par priorité sur le poste de “chargé de traitement image et son” devenu vacant en 2018, la cour a méconnu le champ d’application de l’article 32 du décret du 17 janvier 1986 et entaché son arrêt d’erreur de droit. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-12-30/448641

Les conclusions du rapporteur public peuvent également l’être à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2021-12-30/448641