Aires d’accueil des gens du voyage : le TA de Paris rappelle des règles de base (interdiction des coupures d’eau, pas de tarif prohibitif au delà des dates prévues d’occupation…)

Aires d’accueil des gens du voyage : les coupures d’eau et (pendant la trêve hivernale) de gaz et d’électricité sont (bien sûr) interdites et les indemnités pour occupations en dépassement du temps prévu ne peuvent être fixées à des taux prohibitifs au regard des tarifs comparables pour les caravanes de loisirs. 

 

La ville de Paris avait refusé d’abroger son règlement applicable aux aires d’accueil et de stationnement des gens du voyage, à savoir « les dispositions de l’article 12, permettant la coupure de l’accès aux fluides pour défaut ou retard de paiement, et les dispositions de l’annexe 5, relatives à l’application d’une indemnité d’occupation à taux majoré de 4 euros pour occupation sans titre ou dépassement du séjour, des règlements intérieurs des aires d’accueil des bois de Vincennes et de Boulogne des gens du voyage. »

Sur chacun de ces points, le TA a donné aux requérants.

Citons les deux points importants du jugement. Voici le premier sur les coupures d’eau, (et celles d’électricité et de gaz pendant la trêve hivernale) :

« il ressort de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, visée ci-dessus, que le législateur, en interdisant les coupures d’eau, quelle que soit la situation des personnes, pendant l’année entière, a entendu s’assurer qu’aucune personne en situation de précarité ne puisse être privée d’eau. Cette interdiction, en garantissant l’accès à l’eau qui répond à un besoin essentiel de la personne, poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent. Les mêmes principes ont conduit le législateur à interdire, pendant la trêve hivernale, les coupures d’électricité et de gaz. Il est constant que les gens du voyage résident dans leurs caravanes, qui doivent être regardées comme leur résidence principale. La disposition des règlements intérieurs qui autorise le gestionnaire de l’aire d’accueil à couper à l’usager, à défaut de crédit sur son compte, toute l’année, l’eau, ou, pendant la période hivernale, l’électricité méconnaît, dès lors, l’objectif à valeur constitutionnelle d’assurer à tous un logement décent.»

 

Sur l’autre point, aussi, le raisonnement tenu par le juge, sans être surprenant, mérite d’être cité :

« 8. Aux termes de l’article 19 des règlements intérieurs des aires d’accueil des bois de Boulogne et de Vincennes: «Est considérée comme occupant sans titre toute personne séjournant dans l’aire d’accueil et ne disposant pas d’un titre d’occupation régulier. (…) Pendant la période de maintien non régularisé, une indemnité d’occupation est due. » Aux termes de l’annexe 5 des mêmes règlements : « (…) Droit de place forfaitaire journalier : /  2,50 €/jour/emplacement de 2 caravanes /3,75 €/jour/emplacement de 3 caravanes./ (…) Indemnité pour occupation sans droit ni titre : 4 €/jour/emplacement ».
« 9. Une commune est fondée à réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.
« 10. Les tarifs applicables fixés par les dispositions de l’article 19 des règlements intérieurs des aires d’accueil des bois de Boulogne et de Vincennes citées au point 8 prévoient un prix de l’emplacement journalier de 2,50 euros par jour par emplacement de deux caravanes, et de 3,75 euros par jour par emplacement de trois caravanes. Si la ville de Paris soutient que la majoration de 60% du tarif prévue par l’annexe 5 des règlements intérieurs pour les occupants sans titre serait justifiée par les frais d’huissier engagés et par les branchements d’électricité sauvages sur les aires d’accueil, de tels frais annexes, qui au demeurant peuvent être facturés de façon séparée, ainsi que le prévoit l’article 11 des règlements litigieux dans le cas des fluides, ne peuvent entrer dans l’indemnité d’occupation du domaine public. Par suite, l’association nationale des gens du voyage citoyens et Mme M. sont fondées à soutenir que la disposition des règlements intérieurs prévoyant le paiement d’une indemnité pour occupation sans droit ni titre de 4 euros par jour et par emplacement est illégale.
« 11. Il résulte de tout ce qui précède que la décision implicite par laquelle la maire de Paris a refusé d’abroger d’une part, les dispositions de l’article 12 des règlements intérieurs des aires d’accueil pour les gens du voyage des bois de Vincennes et de Boulogne en tant qu’elles autorisent les coupures d’eau toute l’année et les coupures d’électricité pendant la trêve hivernale, et d’autre part, les dispositions de l’annexe 5 des mêmes règlements prévoyant le paiement d’une indemnité pour occupation sans droit ni titre de 4 euros par jour et par emplacement doit être annulée. »

 

Source : TA Paris, 24 janvier 2022, 2103255 :4-2