Le COnseil COnstitutionnel censure le COCO (là où existaient des COntributions syndicales fiscalisées)

Suppression de la TH : il n’était pas constitutionnel que le coefficient correcteur (coco) ait été fixé en oubliant les cas de contribution fiscalisées à un syndicat (pour un régime réformé depuis cela dit).

 

Tout est parti d’un oubli du législateur lors de la suppression de la TH.

  1. D’un côté on a le régime des contributions fiscalisées à un syndicat,  permettant dans certains cas que les sommes à verser à un syndicat intercommunal puissent être remplacées par une couche additionnelle de prélèvements fiscaux sur ce qu’étaient autrefois les 4 grandes taxes (taxe d’habitation [TH], taxes foncières [TFB et TFNB] et feu la taxe professionnelle [TP]…) avant que ce ne soit ensuite rendu plus complexe encore par le passage à la TPU puis, surtout, à la FPU (aujourd’hui les contributions fiscalisées sont assises sur la TH, les TFB et TFNB… et la CFE, avec un débat sur le point de savoir qui peut s’y opposer en cas de FPU).
    Ce régime reste régi par les dispositions des 2e et 3e alinéas de l’article L. 5212-20 du CGCT. Voici cet article en son entier :
    « La contribution des communes associées mentionnée au 1° de l’article L. 5212-19 est obligatoire pour ces communes pendant la durée du syndicat et dans la limite des nécessités du service telle que les décisions du syndicat l’ont déterminée.
    « Le comité du syndicat peut décider de remplacer en tout ou partie cette contribution par le produit de la taxe d’habitation, des taxes foncières et de la cotisation foncière des entreprises.« La mise en recouvrement de ces impôts ne peut toutefois être poursuivie que si le conseil municipal, obligatoirement consulté dans un délai de quarante jours, ne s’y est pas opposé en affectant d’autres ressources au paiement de sa quote-part.»
  2. D’un autre côté,  on a la réforme de taxe d’habitation (TH). L’’article 16 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2020 a procédé à la suppression définitive de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales.
    Les communes reçoivent l’ex part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), avec une stabilisation des montants par delà les différences de taux et de bases via un coefficient  correcteur (le fameux « coco ») est institué, qui majore ou minore la TFPB perçue en fonction de la sur- ou de la  sous-compensation qui en résulte (application des taux 2017 sur des bases 2020).
    La compensation pour les EPCI à fiscalité propre est, quant à elle, réglée par une part de TVA.

    Voici un survol de ces modifications via cette vidéo (avec des interviews de M. Pascal HEYMES, MS conseils et de M. Luc Alain VERVISCH, Directeur des Études, La Banque Postale ; il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 5′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr) :

MAIS rien n’était prévu pour la part de TH perçue au titre des contributions fiscalisées précitées, mises en place dans certains syndicats donc (et qui en réalité remplacent la contribution à verser par la commune au syndicat, mais ladite commune n’a pas vue compenser ces sommes si maintenant elle doit directement verser des contributions).
Sur notre blog, Jean-Baptiste Gaudin, de Public avenir, évoquait d’ailleurs cette question qui semblait avoir été omise par le législateur et les services de l’Etat. Voir :
Donc le Conseil d’Etat a transmis au Conseil constitutionnel, une QPC à ce sujet :

« 5. Il résulte de ces dispositions que le taux communal de taxe d’habitation mentionné au a) du 1° du A du IV de l’article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, lequel est fixé par la commune, se distingue du taux additionnel de taxe d’habitation levée par un syndicat de communes en application de l’article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales, qui est fixé en fonction du produit fiscal à recouvrer dans chaque commune membre par répartition entre les taxes foncières, la taxe d’habitation et la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes procurerait à la commune si l’on appliquait les taux de l’année précédente aux bases de l’année d’imposition. Il en résulte que le coefficient correcteur mentionné au point 4 et destiné à compenser pour les communes la suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale n’inclut pas le produit de la taxe d’habitation perçu par un syndicat de communes en application de l’article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales.

« 6. Les dispositions du IV de l’article 16 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 sont applicables au litige et n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d’égalité devant la loi fiscale garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l’article 72 de la Constitution, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. »

Or, le Conseil constitutionnel, siégeant toujours à 6 membres en attendant l’arrivée des trois nouveaux (voir ici) a décidé que cette bourde du législateur était totalement inconstitutionnelle.

La commune requérante, rejointe par les parties intervenantes, reprochait à ces dispositions de ne pas compenser intégralement la perte de ressources induite par la suppression de la taxe d’habitation, faute d’intégrer, au titre des ressources à compenser, le produit de la part de taxe d’habitation directement perçu par un syndicat de communes sur option de ses membres… conduisant à une rupture d’égalité de traitement injustifiée entre les communes dont la contribution à un syndicat de communes prend la forme de l’affectation du produit d’une part de leur taxe d’habitation, et les autres communes, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi fiscale.

Citons cet extrait de la décision du Conseil constitutionnel :

« 12. Il résulte des travaux parlementaires que, en instaurant ce mécanisme correcteur, le législateur a entendu compenser intégralement le produit de la taxe d’habitation perdu par les communes et assurer ainsi que la suppression de cette taxe ne se répercute pas sur d’autres impôts locaux au détriment du pouvoir d’achat des contribuables communaux que la réforme visait à améliorer par cette suppression.

« 13. Or, en prévoyant que le produit de la taxe d’habitation à compenser à une commune est déterminé par l’application de son taux communal à la base imposable, les dispositions contestées n’incluent pas le produit de la part de taxe affecté au syndicat de communes au titre de sa contribution lorsque la commune a choisi de financer le syndicat par une contribution fiscalisée.

« 14. Ainsi, ces dispositions ont pour effet de priver les seules communes qui affectaient une part de leur taxe d’habitation à un syndicat de communes du bénéfice d’une compensation intégrale de la taxe d’habitation levée sur leur territoire. Il en résulte que ces communes doivent contribuer au financement du syndicat soit au moyen d’une dotation budgétaire, soit par l’augmentation du montant des autres impositions acquittées par le contribuable local et affectées au syndicat, en méconnaissance pour ces communes et pour leurs contribuables de l’objectif poursuivi par le législateur.

« 15. Dès lors, compte tenu de cet objectif qu’il s’est assigné, le législateur a méconnu, par les dispositions contestées, le principe d’égalité devant les charges publiques. Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, ces dispositions doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.»

 

Cette censure est totale ce qui aura un impact en cas de contentieux ouvert, mais pas pour l’avenir puisque ces dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur.

 

Décision n° 2021-982 QPC du 17 mars 2022, Commune de la Trinité [Modalités de compensation de la suppression de la taxe d’habitation pour certaines communes membres d’un syndicat de communes], Non conformité totale