AirBnB et autres meublés de tourisme : un point jurisprudentiel sur le régime d’autorisation des articles L. 631-7 et suivants du CCH [mise à jour au 18/7/2023]

Un cadre juridique permet de prévoir sous certaines conditions un régime d’autorisation préalable pour le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation (I). 

Or, toute une série de décisions récentes du juge administratif (CAA de Lyon, II ; TA de Pau, III ; TA de Poitiers, IV ; TA de Nice, V ; TA de Melun, VI) commencent à brosser un tableau à peu près complet de ce régime. Un jugement du TA de Rennes (VII) a ensuite complété ce tableau, puis deux ordonnances du TA de Grenoble (VIII).

A noter aussi : 

  • Le Conseil d’Etat (IX.) a en 2023 validé l’interprétation usuellement faite en matière de champ d’application du régime d’autorisation des locations, en meublés de tourisme, de locaux commerciaux(et il refuse de censurer le décret 2021-757 à ce sujet)
  • s’agissant des amendes civiles pour ne pas avoir déclaré un meublé de tourisme (AirBnB) : la Cour de cassation a, en mars 2023 (X.) , répondu à une question importante : qui du locataire, du propriétaire ou de la plate-forme encourt l’amende civile de l’article L. 651-2 du CCH ?

 

Tout ceci ne relativise globalement pas les informations de notre petite vidéo de fin 2022 (XI.)

Voyons ceci, point par point. 

 

I. Rappel de ce régime 

 

I.A.1. Cadre national

 

L’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH ; voir ici) permet à certaines communes ou à leurs EPCI (si ce dernier a la compétence PLU) de soumettre à autorisation préalable le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation).

Les communes concernées sont tout d’abord :

  • les communes de plus de 200 000 habitants
  • les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Dans ces communes :

  • « le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1 » du CCH « soumis à autorisation préalable ».
  • « Une délibération du conseil municipal peut définir un régime d’autorisation temporaire de changement d’usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l’habitation à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile. » (art. L. 631-7-1 A du CCH)

« Une délibération du conseil municipal peut définir un régime de déclaration préalable permettant d’affecter temporairement à l’habitation des locaux destinés à un usage autre que l’habitation, pour une durée n’excédant pas quinze ans. » (art. L. 631-7-1 A du CCH)

Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur,  l’autorisation de changement d’usage des article L. 631-7 ou L. 631-7-1 A du CCH  n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Dans d’autres communes, ensuite, le régime est facultatif. Citons sur ce point l’article L. 631-9 du CCH :

« Dans les communes autres que celles mentionnées au premier alinéa de l’article L. 631-7, les dispositions dudit article peuvent être rendues applicables par décision de l’autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts, par une délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal.

« Ces dispositions peuvent également, dans les mêmes conditions, être rendues applicables sur une partie seulement de la commune.»

Ce régime est à corréler avec celui des obligations déclaratives tirées de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, dont voici un extrait :

«II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d’effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l’enregistrement.»

Voir aussi : Le décret (2021-757 du 11 juin 2021) est sorti pour celles des communes qui veulent soumettre les meublés de tourisme (Airbnb etc.) à un régime d’autorisation 

La partie réglementaire correspondante a été validée par le Conseil d’Etat (CE, 21 décembre 2021, n° 449740).

NB : sur la notion de local à usage d’habitation voir CE, 5 avril 2019, Commune de Neuilly-Sur-Seine, n° 410039 ; voir notre article : Qu’est-ce qu’un local à usage d’habitation ? Le Conseil d’Etat donne quelques éléments de réponse. 

 

I.A.2. Cadre européen

 

Le cadre européen (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI n° C724/18 et HX n° C-727/18 [aff. jointes]), impose que de tels régimes, cumulativement, soient :

  1. imposés par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location
  2. proportionnée à l’objectif poursuivi.

 

Citons le dispositif de cet arrêt de la CJUE :

«Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
« 
1) Les articles 1er et 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens que cette directive s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.
« 
2) L’article 4 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens du point 6 de cet article.
« 
3) L’article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d’autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.
« 
4) L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d’octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d’objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, pour autant que ces conditions d’octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.»

 

I.A.3. Un dispositif enserré dans un empilement de règles

 

Concrètement c’est le passage à AirBnB ou équivalent de ces locaux d’habitation qui est en général en ligne de mire de telles réglementations. Au milieu de toute une série d’autres textes d’ailleurs :

 

 

I.A.4. Un guide commode

 

Au point que ces régimes sont devenus d’une grande complexité. Saluons à ce sujet la diffusion d’un guide par le Ministère de la transition écologique de 28 pages :

Dont voici un tableau récapitulatif utile :

 

Revenons à notre régime, à savoir celui des articles L. 631-7 t suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH ; voir ici).

Dans ladite brochure, il est ainsi présenté :

Précisons qu’une telle réglementation stricte est une spécificité nationale. 

 

I.A.5. Des mesures, par principe, à proportionner et à bâtir en respectant le principe de sécurité juridique imposant des paliers de décompression…

 

Sauf que comme tout réglementation (surtout pour celles ayant un effet qui est un — ou s’apparente à celui d’un si l’on veut être très prudent — pouvoir de police), il faut :

 

II. Validation du régime fixé à Lyon

 

Par trois décisions, la CAA de Lyon a validé le régime fixé par la Métropole de Lyon, ce qui était intéressant en termes de non inconventionnalité et de respect du principe de sécurité juridique :

Voir :

CAA Lyon, 1er juin 2021, n° 19LY03088 

N.B. : voir aussi les décisions n°19LY03470 et n°19LY04713 du même jour.  

Crédits : photo du palais des juridictions administratives (TA et CAA) de Lyon, L. Crance, 2022

 

III. La décision du TA de Pau en juin 2022, puis celles de septembre et d’octobre 2022

 

En référé, une formation collégiale de magistrats du TA de Pau avait, en juin 2022, rendu une intéressante décision.

Plusieurs sociétés et une association avaient demandé au tribunal, statuant en référé, de suspendre le règlement, adopté le 5 mars 2022 par la communauté d’agglomération Pays Basque, fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation pour les locations meublées de courtes durées.

Ladite communauté voulait de son côté faire face à la pénurie de logements destinés aux personnes souhaitant s’installer à l’année dans les vingt-quatre communes membres de la communauté d’agglomération Pays Basque.

En vertu donc de ce régime des articles L. 631-7 et suivants du CCH, la communauté d’agglomération a adopté un règlement en 2019, soumettant  les locations de courte durée de biens détenus par des personnes physiques à l’obtention d’une autorisation de changement d’usage.

Par un nouveau règlement adopté le 5 mars 2022, la communauté d’agglomération Pays Basque avait :

  • d’une part, étendu ce régime d’autorisation aux personnes morales qui exercent leur activité dans le secteur de la location de courtes durées de meublés de tourisme
  • et, d’autre part, soumis la délivrance de l’autorisation à un régime de compensation, tout en précisant que les autorisations antérieurement délivrées aux personnes physiques demeurent valables jusqu’à leur terme.

La délivrance de l’autorisation de changement d’usage était alors subordonnée au respect d’un mécanisme de compensation consistant en la transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage depuis au moins cinq ans, situés dans le quartier ou la commune concernée, proposant une surface de plancher au moins équivalente, à l’exclusion des locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée.

Les juges des référés, statuant en formation à trois, ont :

  • d’abord estimé que, si le mécanisme de compensation a été jugé par lui-même conventionnel au regard de la directive services de 2006, les modalités de cette compensation prévues par la règlementation en litige étaient telles qu’elles rendaient cette obligation difficilement accessible, ce qui méconnaît selon eux le principe de proportionnalité. Ils ont à cet égard relevé que si la communauté d’agglomération Pays Basque a manifesté par ailleurs son intention d’inclure la possibilité de réaliser cette obligation de compensation par des cessions de commercialité, celle-ci ne figure pas dans le règlement approuvé, seul opposable.
  • ensuite considéré que le règlement approuvé le 5 mars 2022, en tant qu’il impose aux personnes morales qui exercent leur activité dans le secteur de la location de courtes durées de meublés de tourisme de se soumettre, dès le 1er juin 2022, à un régime d’autorisation, selon des modalités particulièrement restrictives, sans être assorti de mesures transitoires, méconnaît le principe de sécurité juridique.

Ayant considéré que la condition d’urgence était remplie pour une partie des requérants, ils ont suspendu l’exécution de la délibération du conseil communautaire de la communauté d’agglomération Pays Basque du 5 mars 2022 jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Source :

 

TA Pau, ord., 3 juin 2022, n°2200930

 

Mais ensuite, par délibération du 9 juillet 2022, après la censure du juge des référés donc, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Pays basque a modifié le règlement approuvé par délibération du 5 mars 2022, en reportant au 1er mars 2023 l’entrée en vigueur de ce règlement. Et le juge des référés du même TA a rejeté le nouveau recours contre cette décision :

TA Pau, 21 octobre 2022, n° 2202015. 

… et ledit TA avait juste auparavant dès lors mis fin à la suspension de la décision ainsi modifiée :

TA Pau, 16 sept. 2022, n° 2201595

NB pour l’épilogue (sans doute ?…) de cette affaire, voir :

CE, 5e ch., 23 mai 2023, n° 465129. 

et

TA Pau, 3e ch., 6 mars 2023, n° 2201019.

TA Pau, 3e ch., 6 mars 2023, n° 2200973.

 

IV. La décision d’octobre 2022 du TA de Poitiers

 

Par délibération du 17 octobre 2019, la communauté d’agglomération de la Rochelle a mis en place un régime d’autorisation préalable pour le changement d’usage des locaux d’habitation, en application des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

Par délibération du 16 décembre 2019, le conseil municipal de La Rochelle a décidé, en application de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement toute location d’un meublé de tourisme (avec déclaration numérique).

Le juge a :

 

Source :

TA Poitiers, 2e ch., 7 oct. 2022, n° 2002189. 

 

V. La décision d’octobre 2022 du TA de Nice

 

Le 28 mai 2018, M. B C a déposé une demande d’autorisation temporaire préalable à la mise en location d’une habitation en meublé touristique, qui constitue un changement d’usage, pour dix studios au sein d’une villa et il n’a pas totalement obtenu satisfaction.

Il a déposé un recours contre les refus et a été débouté.

Le TA a estimé que le nouveau régime pouvait s’appliquer sans période transitoire et que le demandeur n’avait pas un droit acquis à l’application du régime antérieur.

Le TA a aussi accepté une divisibilité de la notion d’habitation principale qui mérite d’être citée :

« 8. Le requérant soutient que la villa objet de la demande constituant sa résidence principale, une autorisation de changement d’usage n’était pas nécessaire en application des dispositions de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’immeuble est divisé en dix studios indépendants et un appartement, lequel seul constitue la résidence principale de M. C, et que la demande a été formée pour les dix studios indépendants. Dans ces conditions, et dès lors que la réglementation relative au changement d’usage des locaux d’habitation s’applique local par local, et non immeuble par immeuble, ce moyen doit être écarté.»

Surtout, le TA a validé que la délibération ait prévu un plafonnement par demandeur du nombre d’autorisations :

«  Afin de ne pas aggraver la pénurie de logements sur la commune de Nice, il est précisé que : […] Le nombre maximal d’autorisations accordées à un même propriétaire sera de trois ».

 

Source :

TA Nice, 2e ch., 20 oct. 2022, n° 1900561. 

 

VI. La décision d’octobre 2022 du TA de Melun

La communauté d’agglomération du Val d’Europe Agglomération (CAVEA) a, le 7 juillet 2022, adopté, sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, un règlement intercommunal fixant à compter du 1er janvier 2023 les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation et déterminant les compensations.

Saisi par des sociétés civiles immobilières et des particuliers, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu, par ordonnance n° 2208697 du 31 octobre 2022, l’exécution de ce règlement intercommunal.

Il a jugé que la CAVEA ne démontrait pas de manière probante que la réglementation adoptée était justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location.

Il a notamment estimé :

  • que l’année 2021, marquée par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de covid-19 (couvre-feu, confinements localisés, fermeture de certains établissements regroupant du public, …), ne pouvait être pertinemment être retenue comme année de référence pour tenter de démontrer une forte augmentation des locations de courtes de durée en 2022.
  • qu’il n’était nullement démontré par la CAVEA que la hausse alléguée des annonces de locations de courte durée fût corrélée à une baisse correspondante des locations de longue durée.
  • que l’augmentation des prix de l’immobilier depuis un an (2021-2022) sur deux  des dix communes de l’agglomération, les communes de Chessy (+8,3%) et de Serris (+8,0%)  qui ne concentrent qu’un tiers du parc de logements de l’agglomération, ne suffisait pas à démontrer une corrélation entre le développement des locations de courte durée et la pénurie de logements invoquée par la CAVEA, alors en outre que  les tensions sur le marché de l’immobilier sont anciennes sur ces deux communes où les prix de l’immobilier sont en hausse depuis dix ans (+27% à Chessy et +23% à Serris, soit beaucoup plus qu’en Seine-et-Marne (+10%).

Autrement dit, la démonstration statistique doit se faire sur des bases fiables, avec de fortes exigences de ce juge quant à l’année de référence à prendre en considération, et un lien entre prix et montée des locations de type AirBnB à démontrer… ce qui sera à chaque fois un petit défi administrativo-statistique….

Source sur le site du TA de Melun :

TA Melun, ordonnance n° 2208697 du 31 octobre 2022

 

 

VII. La décision de décembre 2022 du TA de Rennes

Voici le résumé fait par le TA de Rennes sur son site relatif à cette nouvelle décision et que nous avons voulu citer in extenso d’autant que son style s’avère d’une vigueur assez rarement constatée :

Le code de la construction et de l’habitation, et notamment ses articles L. 631-7 et suivants, prévoit que dans les communes de plus de 200 000 habitants ou les communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, les propriétaires de locaux destinés à l’habitation doivent, avant de changer la destination de ceux-ci, obtenir l’autorisation du maire : c’est notamment le cas lorsque le propriétaire affecte un logement (sur lequel il concluait auparavant des baux d’habitation) à la location en meublé touristique pour des occupations de courte durée.

Ce dispositif d’autorisation préalable peut aussi être étendu à d’autres communes de moindre importance par l’autorité préfectorale saisie d’une demande en ce sens du maire, sur délibération du conseil municipal qui définit concrètement ensuite les conditions de délivrance de l’autorisation préalable en fonction du contexte local, en fonction des caractéristiques et de l’emplacement des locaux concernés.

La commune de Saint-Malo a ainsi été habilitée, par arrêté du préfet d’Ille-et-Vilaine du 26 juin 2018, à recourir à ce dispositif et une délibération du conseil municipal du 20 juin 2019 en a défini les contours.

Le maire de Saint-Malo a alors, dans ce cadre, été amené à rejeter une demande de changement de destination que lui avait adressée une société civile immobilière pour la mise en location d’une habitation en tant que meublé touristique.

Le tribunal a rejeté assez sèchement la requête dirigée contre cet arrêté par la société civile en notant que les dispositions applicables, en l’espèce l’article L. 631-7-1 (A) du code de la construction et de l’habitation, réservent aux seules personnes physiques, la possibilité de bénéficier d’une autorisation de changement de destination, dans les secteurs où le régime d’autorisation préalable est institué. Les personnes morales, comme les sociétés civiles immobilières qui sont souvent propriétaires d’ensembles immobiliers importants, sont donc privées de cette faculté et ne peuvent donc que s’attendre qu’à des décisions de refus.

Lire le jugement n° 2003369 du 15 décembre 2022

 

VIII. Les deux ordonnances du TA de Grenoble 

Confrontée à une forte croissance du parc de meublés touristiques, l’Agglomération du Grand Annecy a souhaité en réguler le développement en plafonnant le nombre de locations courte durée en résidence secondaire sur son territoire. Il s’agissait de trouver un équilibre entre le parc des logements longue durée et résidentiels et les logements dédiés à la location saisonnière touristique.
Le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Grand Annecy a ainsi adopté, pour 27 communes, des règlements relatifs à la délivrance d’autorisations de changement d’usage de locaux d’habitation en meublés touristiques de courtes durées fondés sur les dispositions de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation. Le syndicat Annecy meublés et le syndicat des conciergeries de Haute-Savoie, qui ont demandé au tribunal administratif l’annulation de ces délibérations, ont également saisi le juge des référés de demandes de suspension de leur exécution. Après avoir estimé que les requérants avaient intérêt à agir et que la condition d’urgence était remplie, le juge des référés a prononcé la suspension de ces délibérations en considérant que deux moyens d’illégalité invoqués par les requérants étaient de nature à créer un doute sérieux quant à leur légalité :

  • le premier tiré de ce que ces règlements sont applicables aux personnes morales et pas seulement aux personnes physiques (point qui à tout le moins se révèle fort discutable) ;
  • le second tiré de ce que les demandeurs des autorisations doivent prouver que le changement d’usage est autorisé par le règlement de copropriété.

 

Sources (sur le site dudit TA ) :

 

 

IX. Le Conseil d’Etat a en 2023 validé l’interprétation usuellement faite en matière de champ d’application du régime d’autorisation des locations, en meublés de tourisme, de locaux commerciaux(et il refuse de censurer le décret 2021-757 à ce sujet)

 

Une des très nombreuses innovations de la loi engagement et proximité, n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, aura porté sur un régime d’autorisation de la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme…. bref, une nième (et pas la dernière) réforme portant sur les régimes des AirBnB et équivalent.

Cette autorisation doit être délivrée au regard des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local.

Le plafonnement de 120 j/an pourra être modulé entre 60 et 120 jours au niveau municipal. La loi prévoit aussi des échanges d’information avec le nom du loueur et indication du point de savoir s’il s’agit ou non de la résidence principale du loueur.

Ce régime a ensuite été mis en place avec le décret 2021-757 du 11 juin 2021 relatif à la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme (NOR : LOGL2103803D), lequel :

  • précisait quels sont les locaux commerciaux concernés par cette faculté.
  • indiquait également la manière dont les communes précisent les principes de mise en œuvre sur leur territoire des objectifs déterminés par la loi lorsqu’elles décident d’instaurer cette procédure d’autorisation.
  • offrait deux procédures alternatives, selon que la transformation d’un local commercial en meublé de tourisme est par ailleurs soumise, ou non, à une autre autorisation prévue par le code de l’urbanisme.

 

Dans ce régime, un local sera à usage commercial :

  • soit selon la destination de la construction (selon le régime classique ensuite de classification en sous-destinations)
  • soit selon les destinations (anciennes) du PLU (art. R 123-9 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au décret 2015-1783, voire à la loi n° 2014-366).

La délibération du conseil municipal doit ensuite être conduite avec un certain nombre d’étapes et de précautions (art. R 324-1-5 et R 324-1-6 du Code du tourisme ; art. R 421-14 et R 421-17 du Code de l’urbanisme, notamment).

Voir :

 

Par une décision n° 458799, en date du 26 juin 2023, le Conseil d’État a opéré, sans grande surprise, une distinction entre ce régime et celui propre aux locaux meublés destinés à l’usage d’habitation (art. L. 631-7 et suivants du CCH). Par cet arrêt à publier aux tables du recueil Lebon, la Haute Assemblée pose que :

  • « Le IV bis ajouté à l’article L. 324-1-1 du code de tourisme par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, éclairé par leurs travaux préparatoires, a pour seul objet de compléter le cadre juridique de la location des meublés de tourisme, pour permettre aux communes de soumettre à autorisation la location en cette qualité de locaux à usage commercial, tels que ceux accueillant des commerces et des restaurants. Il n’a en revanche ni pour objet ni pour effet de régir la situation des locaux meublés destinés à l’usage d’habitation soumis à l’application des article L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH), quelle que soit la destination des immeubles dans lesquels ils sont inclus. »
    (futur résumé des tables du rec. tel que préfiguré sur la base Ariane) 

 

Donc ce régime porte bien sur le cas particulier des locaux commerciaux (souvent des locaux de rez-de-chaussées autrefois commerciaux que leurs propriétaires tentent de transformer en « AirBnB »)… et non sur le régime usuel (celui des locaux à usage d’habitation, mis en location en meublé de tourisme, au titre d’une résidence principale ou secondaire, avec plafonnement du nombre de jour ou non… selon les cas et les zones géographiques et selon les décisions locales au cas par cas).

Le Conseil d’Etat poursuit en posant qu’il :

  • « […] résulte des termes mêmes du décret n° 2021-757 du 11 juin 2021, pris pour l’application du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, qu’il définit les locaux à usage commercial dont la location est susceptible d’être soumise à autorisation en application de ces dispositions comme les locaux inclus dans des constructions dont la destination est le commerce et les activités de service au sens du 3° de l’article R. 151-27 du code de l’urbanisme, ou, pour les communes dont le plan local d’urbanisme relève du régime antérieur à la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, celles dont la destination est le commerce, l’hébergement hôtelier ou l’artisanat au sens des dispositions antérieurement applicables. »
    (futur résumé des tables du rec. tel que préfiguré sur la base Ariane) 

 

… ce qui confirme l’analyse faite majoritairement en ce domaine. Là encore, guère de surprise.

 

Voici cette décision :

CE, 26 juin 2023, n°458799, aux tables

 

 

X. s’agissant des amendes civiles pour ne pas avoir déclaré un meublé de tourisme (AirBnB) : la Cour de cassation a, en mars 2023, répondu à une question importante : qui du locataire, du propriétaire ou de la plate-forme encourt l’amende civile de l’article L. 651-2 du CCH ?

 

La Cour de cassation vient de poser que :

  • « le locataire qui sous-loue un local meublé destiné à l’habitation en méconnaissance des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation est passible d’une condamnation au paiement de l’amende civile prévue à l’article L. 651-2 du même code ».
  • ceci s’applique même si en l’espèce « le contrat de bail conclu […] prévoyait “l’autorisation expresse que le locataire puisse sous-louer, prêter, de manière temporaire ce logement ” ». Un tel contrat ne signifiait pas que le propriétaire garantissait au locataire qu’étaient accomplies les formalités en ce domaine.

Source :

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 février 2023, 22-10.187, Publié au bulletin

 

Cela ne veut pas dire que le propriétaire en de pareils cas serait à l’abri de toute difficulté car il avait été précédemment jugé (et cette nouvelle décision n’en est sans doute pas un revirement) qu’encourt l’amende prévue par l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation le propriétaire d’un local à usage d’habitation qui, sans solliciter l’autorisation prévue par l’article L. 631-7 du même code lorsque celle-ci est requise, consent un bail autorisant le locataire à le louer de manière temporaire à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile (Cass. civ. 3, 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.654, Bull. 2018, III, n° 91).

En revanche, « celui qui se livre ou prête son concours à la mise en location, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plateforme numérique, en méconnaissance de l’article L. 631-7, et dont les obligations spécifiques sont prévues par l’article L. 324-2-1 du code du tourisme, n’encourt pas » cette amende civile prévue par l’article L. 651-2 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 novembre 2022, 21-20.464 21-20.814, Publié au bulletin).

 

 

XI. Vidéo à ce sujet, à jour de novembre 2022

 

Voici une vidéo de 10 mn 52 à ce sujet (à jour des jurisprudences précitées jusqu’au point VI.) :

https://youtu.be/-D39SsBSG3Y

 

 

XII. Quelques autres jurisprudences de 2023…