L’analyse réalisée par la chambre a identifié l’origine d’un certain nombre des surcoûts supportés par le Sedif : des différences structurelles surenchérissent ses coûts, notamment la plus faible densité de population sur son territoire qui impose un réseau plus étendu et plus couteux à renouveler ainsi que les choix retenus en matière de politique d’investissements (+ 0,15 €) ; les charges liées à la gestion déléguée (+ 0,10 € de recettes pour le délégataire et de pilotage de la délégation) ou le régime fiscal auquel le service est soumis et qui ne s’applique pas aux régies (+ 0,05 € ; Impôt sur les sociétés et contribution foncière des entreprises).
Le Sedif a l’intensité capitalistique la plus élevée des trois établissements contrôlés, tout d’abord pour des raisons structurelles objectives. Le syndicat est le propriétaire du réseau de canalisations enterré de loin le plus étendu et d’un appareil productif aux capacités devenues excédentaires permettant de traiter des eaux de surface exclusivement, provenant de la Seine, de la Marne et de l’Oise. Cet important patrimoine industriel nécessite des moyens financiers élevés pour en assurer le renouvellement et l’amélioration.
Au surplus, en tant que premier service de l’eau en France, avec un plan d’investissements pour la période 2015-2020 de 760 M€ en progression de 60 % sur le précédent, le Sedif tient à mettre en œuvre un service à la pointe de la modernité, des choix techniques innovants, des réalisations de qualité, qui s’ajoutent à une politique soutenue de renouvellement de ses installations. En conséquence, au cours de la période étudiée, les investissements représentent 0,51 € par m3 d’eau vendu au Sedif, contre 0,36 € à Paris et 0,26 € au syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers.
Si, en théorie, la gestion déléguée est susceptible d’assurer un service de qualité pour un prix compétitif grâce à une mutualisation des dépenses et à la capitalisation de l’expérience, cet avantage n’existe qu’à la condition de rétribuer le délégataire au juste prix en évitant qu’il ne capte une rente sur l’usager.
La chambre constate que la rémunération de Vedif s’éloigne d’année en année de l’équilibre économique qui a présidé à la signature du contrat entre les parties en 2010. En effet, malgré de nombreuses clauses contractuelles protectrices des intérêts du syndicat, ainsi que la mise en place d’un système de rémunération complexe et d’un pilotage resserré et exigeant de la part du Sedif, les coûts liés à la délégation ont eu tendance à déraper.
Ainsi, selon le compte prévisionnel annexé à la convention, la rémunération du délégataire aurait dû se maintenir en moyenne en-dessous de 7 M€ par an, soit moins de 0,03 € par m3. Entre 2011 et 2015, cette rémunération s’est avérée bien supérieure aux prévisions, dépassant les 20 M€ par an à partir de 2014.
Par ailleurs, la rémunération du délégataire telle qu’elle est définie contractuellement n’est pas la seule source de revenu du groupe Veolia. En particulier, il perçoit au surplus chaque année des frais de siège à hauteur de 7 M€, soit 0,03 € par m3, sans produire de justificatif.
En outre, depuis 2014, le groupe Veolia reçoit également le bénéfice du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Comme la réglementation le permet, il n’a pas été tenu compte de cet avantage dans les formules d’actualisation du prix de l’eau. Cette baisse de charge n’a donc pas eu d’impact positif sur le prix de l’eau et Veolia a perçu pour la seule année 2015 une recette supplémentaire de l’ordre de 3 M€, qui n’apparait dans aucun document financier entre le Sedif et son délégataire.
Enfin, les prestations pour plus de 12 M€ par an, confiées à ses filiales, constituent également des recettes pour le groupe Veolia ainsi que les avantages associés à la gestion de la trésorerie grâce à des contrats de « cash-pooling».
N.B. : le cash-pooling (ou gestion centralisée de trésorerie) est une méthode de gestion centralisée des comptes des sociétés d’un groupe. Rapport relatif au prix et à la qualité de service de l’eau potable.
L’article 7 du contrat de délégation pose le principe d’une rencontre triennale avec le délégataire permettant d’ajuster par avenants réguliers les dispositions contractuelles aux évolutions techniques, économiques et juridiques. Cet article est effectivement mis à profit par le Sedif. En décembre 2016, l’avenant n° 6 négocié dans ce cadre a permis de satisfaire à l’essentiel des recommandations de la chambre, en instaurant notamment la justification des frais de siège du délégataire, et de poursuivre l’optimisation des tarifs en appliquant une baisse de 10 centimes du prix du m3 facturé pour la consommation standard de 120 m3, qui est passé de 1,47 € fin 2016 à 1,37 € à compter du 1er janvier 2017. Ce sont ainsi environ 4 M€ par an que le délégataire restitue aux usagers. L’écart avec le prix observé à Paris s’est réduit à 16 %.
Tableau n° 1 : Évolution du prix du m3 d’eau potable pour les trois acteurs comparés sur la période examinée
au 1er janvier
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Sedif
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Paris
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SEPG
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2010
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1,734 €
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1,225 €
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1,628 €
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2014
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1,476 €
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1,175 €
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1,735 €
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2017
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1,370 €
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1,193 €
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1,324 €
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Évolution
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– 21,0 %
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– 2,6 %
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– 18,7 %
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Source RPQ [4] et tarifs 2017
Sur le périmètre de la métropole du Grand Paris, la réforme territoriale récente déroge à la règle nationale commune d’une gestion métropolitaine de l’eau potable. Elle confie de plein droit cette compétence obligatoire aux douze établissements publics territoriaux qui la composent. Toutefois, l’absence d’outil de production propre et d’accès à la ressource va contraindre la plupart des territoires à n’exercer que très partiellement cette compétence.
Dans ce contexte, la question du rôle que la métropole pourrait être amenée à jouer à l’avenir dans l’organisation de ce service doit être posée pour que, comme c’est partout le cas ailleurs en France, la mise en œuvre d’un prix unique métropolitain puisse être envisagée.