Arrêtés anti-mendicité : le juge annule de nouveau l’arrêté du maire de Tours, mais sans effet pratique

Rien de neuf sous le soleil. Mais un arrêt qui vient d’être rendu par la CAA de Nantes illustre la question de la portée et des limites du contrôle du juge administratif en matière de pouvoirs de police administrative.

A priori, cet arrêt est classique et il confirme :

  • que la requérante, la Ligue des droits de l’homme (LDH), association de niveau national, est recevable à agir en de tels domaines contre des actes à portée localedès lors que cette
  •  

« décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ».

Sur ce point, rien de neuf (voir par exemple pour le même requérant : CE, 4 novembre 2015, n° 375178).

  • qu’en matière de police administrative, les mesures prises doivent être limitées dans le temps, la portée et l’espace afin de répondre de manière proportionnée au danger qu’il s’agit d’obvier. Et la mendicité n’étant plus une infraction depuis 1994, et l’occupation du domaine public étant par principe libre, un arrêté anti-mendicité est illégal, sauf à être limité dans le temps, la portée et l’espace (par exemple interdiction de la mendicité dans certaines rues aux trottoirs étroits les jours de marché si les passants en viennent à aller sur la chaussée, ou autre).

 

Alors quoi de neuf ? Rien justement. Si ce n’est que cet arrêt conduit sans doute à un contrôle plus poussé sur le fond de la proportion entre mesures utilisées et danger à obvier qu’à l’accoutumée (et encore)…

Ce qui frappe, surtout, c’est qu’il n’y a rien de neuf en cela que l’histoire de cesse de se répéter. C’est, surtout, que les maires prennent de plus en plus souvent des arrêtés tous les ans en ces domaines, des arrêtés qu’il savent illégaux. Des arrêtés qui seront censurés par le juge. Mais des mois ou des années après. Avec la quasi-certitude que le juge ne suspendra pas en référé ces actes, faute d’urgence selon le juge.

La CAA de Nantes vient d’annuler cet arrêté du maire de Tours par cet arrêt n°15NT03551 en date du 7 juin 2017 :

15NT03551

 

Or la CAA de Nantes avait déjà annulé un même arrêté, du même maire, de même teneur, un an auparavant. Voici l’arrêt en ce sens de la même CAA de Nantes n°14NT01724, du 31 mai 2016 :

14NT01724

 

Et le TA d’Orléans avait refusé la suspension de ce nouvel arrêté. Comme le déplore la LDH dans son commentaire :

« Si les issues de ces procédures sont favorables, ces deux arrêtés auront pu s’appliquer pleinement en toute illégalité. La juridiction d’appel n’ayant pu statuer que deux ans après leur entrée en vigueur et faute pour le tribunal administratif d’Orléans d’avoir fait droit aux référés suspension qui avaient été introduits.» (http://www.ldh-france.org/lettre-dinformation-ldh-n112-tours-les-municipalites-changent-chasse-aux-precaires-demeure/ )

 

Ce n’est pas nouveau (voir par exemple en ce sens : Laurent Wauquiez peut garder sa crèche à l’hôtel de région : le TA vient d’estimer qu’il n’y a pas d’urgence à statuer en référé suspension.).

Et cela ne peut surprendre le praticien du contentieux.

En référé suspension, nombre de suspensions devraient en toute logique être prononcées, dans des cas où l’illégalité des actes ne fait guère de doute et l’urgence étant en général constituée automatiquement en matière de libertés.

En référé liberté, le raisonnement diffère, mais le résultat est le même.

Toutefois, le praticien du contentieux sait qu’en pratique cela ne suffit pas toujours et que la réalité contentieuse sur ce point peut relever d’un mélange de loterie et d’opportunité, loin bien loin de ce que l’on a appris, admiratif, lors de nos études.

Ainsi va le monde.