*article co-écrit avec Matthieu Kluczynski
On se souvient tous de l’arrêt Olivet (CE, Assemblée, 8 avril 2009, req. n° 271737) et du bruit qu’il a provoqué dès sa sortie. Néanmoins et malgré l’encre que cet arrêt a fait coulé, les jurisprudences sur ce sujet se comptent sur les doigts d’une main…
Très récemment, dans deux affaires que notre cabinet a eu à défendre, le TA de Lille a rendu deux jugements (TA de Lille, 6 février 2018, société SADE, req. n° 1409227 et n° 1409228 ; à consulter à la fin de cet article) particulièrement intéressants en constatant la caducité de deux conventions de DSP et en refusant d’ordonner la reprise des relations contractuelles.
Dans ces deux espèces, le syndicat (SIDEN-SIAN), qui a récupéré ces deux contrats à la suite de la dissolution d’un autre syndicat, avait déclaré avant le 3 février 2015 leur caducité en considérant que ceux-ci tombent dans le coup de l’arrêt Olivet.
Le délégataire a, quant à lui, saisi le juge sur la base, entre autres, de la jurisprudence dite « Béziers II » en sollicitant la reprise des relations contractuelles (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806) et l’annulation des délibérations constatant la caducité au motif que le syndicat aurait en réalité résilié les contrats de DSP en cause pour motif d’intérêt général.
Dans un premier temps, le juge administratif en examinant la requête sous le prisme de la jurisprudence « Béziers II », a considéré que la demande du délégataire ne pouvait porter que sur la reprise des relations contractuelles. Le délégataire ne pouvait donc ni solliciter l’annulation des délibérations constatant la caducité, ni solliciter la requalification de ces actes en décision de résiliation pour motif d’intérêt général.
Dans un second temps, et c’est là le principal intérêt de cette décision, le Tribunal administratif, conduit à examiner le constat de la caducité desdites conventions en application de la jurisprudence « Olivet », a relevé que l’avenant conclu pour mettre à la charge du délégataire des investissements supplémentaires et dont la raison d’être était de faire obstacle à la limitation légale de la durée de la convention, était entaché de nullité. Il ne pouvait donc pas être retenu pour appréhender le bien fondé de la durée du contrat :
[…] qu’il résulte ainsi de ce qui précède que l’avenant n°7 qui a été conclu concomitamment à l’adoption de la délibération du syndicat intercommunal décidant la poursuite des relations contractuelles avec la société SADE et après qu’il ait sollicité le directeur régional des finances publiques à ce sujet doit être regardé comme ayant pour but principal de caractériser les circonstances particulières justifiant une durée d’exécution du contrat jusqu’au 30 septembre 2027 ; que par suite, cet avenant dont la raison d’être est de permettre la continuation des relations contractuelles au-delà d’une durée de vingt ans et de faire ainsi obstacle à l’application de l’article 40 de la loi du 29 janvier 1993 et de l’article 75 de la loi du 2 février 1995 précités doit être regardé comme entachée de nullité et ne peut en conséquence être retenu dans l’appréciation du bien-fondé de la durée du contrat en cause ;
Enfin le Tribunal aborde l’examen des justifications particulières.
Il retient que même si le DDFiP avait initialement émis un avis favorable à la poursuite du contrat en vue de permettre l’amortissement des premiers investissements, cet avis n’expose que des considérations d’ordre général qui s’avèrent insuffisantes au regard de l’analyse financière commandée par le SIDEN SIAN qui, elle, conclut à l’absence de justifications particulières à la prolongation compte tenu des gains du délégataire.
Ainsi, le Tribunal considère que cet avis du DDFiP ne liait pas la personne publique, lequel est donc purement consultatif et pouvait être écarté en cas d’analyse financière sérieuse aboutissant à l’absence de justifications à la poursuite du contrat.
Surtout, le juge souligne que le délégataire n’a à aucun moment fourni d’élément chiffré permettant de contester l’analyse financière du SIDEN/SIAN et d’établir que le montant des investissements n’aurait pas été amorti à la date de caducité:
[…] le directeur régional des finances publiques conclut dans son avis précité à la poursuite du contrat d’affermage en cause jusqu’au 30 septembre 2022 en raison de la nécessité de garantir au fermier l’amortissement des seuls investissements prévus à l‘avenant n°1 susvisé qui lui ont été confiés par le syndicat intercommunal à hauteur de la somme de 76 225 euros ; que toutefois, il résulte de cet avis que le directeur régional des finances publiques se fonde sur le fait que l’amortissement des installations d’eau potable doit selon les préconisations de l’instruction financière M4 être compris entre 10 et 15 ans et, par suite, n’expose que des considérations d’ordre général pour justifier son point de vue ; qu’il résulte de l’analyse financière réalisée le 6 novembre 2014 par la société « A propos » à la demande du SIDEN SIAN conclut que le montant des investissements prévus par l’avenant n°1 susvisé sont limités et ne peuvent justifier une prolongation du contrat pour une durée 20 ans compte tenu des gains que la société SADE pouvait obtenir de la gestion de l’affermage d’eau dans les communes concernées ; que, par ailleurs, la société SADE, à qui il incombe d’apporter les éléments de nature à préciser les justifications particulières permettant la poursuite du contrat d’exploitation, n’amène au dossier aucun élément chiffré permettant d’établir que le montant des investissements effectués en exécution de l’avenant n°1 n’aurait pas été amorti d’un point de vue économique, en février 2015 […]; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les investissements réalisés en exécution de l’avenant n°1, (…), n’auraient pas été effectivement amortis en février 2015 ni que l’exploitation n’aurait pas dû générer un bénéfice raisonnable dès ce terme échu ; qu’il s’ensuit que le fondement économique du maintien de la durée initiale n’est pas justifié; […]
En conclusion, le juge administratif a fait judicieusement prévaloir l’impératif d’ordre public de remise en concurrence périodique et par conséquent de la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi, ce qui n’est nullement surprenant.
Les jugements sont à consulter ici: