Hier, 24 avril 2018, une nouvelle étape a été franchie avec la synthèse faite par le Ministère de la transition écologique et solidaire, à la suite de concertations et d’ateliers publics conduits du 26 janvier au 25 mars 2018.
Nicolas Hulot a donc transmis ces contributions en vue de l’établissement des objectifs des stratégies des quatre façades maritimes de l’Hexagone (l’outre-mer étant juridiquement traité à part ; en fait l’intégration des questions de façade maritime et des autres enjeux est depuis belle lurette faite dans le monde ultramarin).
Comment encourager la gestion durable des activités maritimes ? Quels espaces souhaitez-vous voir protégés ? Quels espaces faut-il réserver aux énergies renouvelables, à la pêche, à la plaisance ou encore à l’aquaculture ? Tels sont les types de questions qui ont été posées à l’occasion de cette consultation.
La protection des écosystèmes marins et le développement socio-économique sont les thèmes les plus abordés dans les contributions, suivis par les inquiétudes que suscitent les risques et la surfréquentation sur le littoral.
Comme le constate le Ministère :
« Les enjeux et la vision d’avenir qui avaient été proposés ne sont pas fondamentalement remis en cause mais le public a exprimé de fortes attentes sur certains sujets tels que la pollution dans les ports, le développement des énergies marines renouvelables dans un cadre de participation locale, la réduction des captures accidentelles de petits cétacés ou la bonne gestion des déchets. Le public est également apparu très sensible aux enjeux de gestion du trait de côte et des risques littoraux.
« Enfin, le public considère globalement que le thème du tourisme et des loisirs n’est pas assez pris en considération, tant au niveau des conflits d’usage et de capacités d’accueil que de sa contribution dans l’économie. »
Les résultats de cette concertation vont maintenant être transmis aux Préfets coordonateurs pour chaque façade et aux membres des Comités maritimes de façade en vue de l’établissement des projets de documents stratégiques de façade.
Et le Ministre de déclarer que :
« Cette concertation a démontré que les Français sont intéressés par la politique de la mer et du littoral. Ils se sont fortement impliqués dans cette nouvelle forme de concertation publique. Ces contributions enrichiront les travaux en cours sur chaque façade sous l’égide des préfets coordonateurs et en concertation avec les acteurs, réunis au sein des Conseils maritimes de façade »
Au-delà des stratégies de façade maritime, c’est une mobilisation au travers de la feuille de route pour l’économie circulaire, du débat en cours sur la programmation pluriannuelle de l’énergie et du plan biodiversité en préparation qui est nécessaire pour répondre à ces préoccupations.
Le Ministère a diffusé ces documents :
- Toute l’actualité sur la concertation ici
- Les vidéos réalisées pour chaque façade par “quatre champions des océans” Isabelle Autissier, François Gabart, Jean Le Cam et Guillaume Néry pour expliquer les enjeux économiques et environnementaux de chacune d’entre elles ici
- Le dossier de presse ici
La planification en mer vise à améliorer la coexistence entre les usages et assurer leur compatibilité avec le milieu. Elle passe par l’élaboration de stratégies maritimes de façade (d’ici à juillet 2018).
Les projets de documents stratégiques de façade seront ensuite présentés aux Conseils maritimes de façade.
- septembre/octobre 2018 : Soumission des projets pour avis à l’autorité environnementale.
- novembre 2018 / janvier 2019 : Consultation sur les projets de stratégies.
Les projets de documents stratégiques de façade feront l’objet d’une consultation finale du public (par voie électronique) et des instances consultatives au deuxième semestre 2018, avant d’être adoptés début 2019.
- Avril 2019 : Adoption des stratégies de façade maritime.
Les projets seront suivis de l’élaboration d’un plan d’action et d’un dispositif de suivi d’ici 2021.
Mais rappelons que l’on ne part pas d’une feuille blanche.
Le tout dans un cadre où la France devait déjà tenir compte de ses engagements internationaux et de quelques sonnettes d’alarme tirées de-ci, de-là :
- Les Nations Unies ont imaginé des engagements spécifiques pour un développement durable de la mer et du littoral, lors du sommet de la Terre de Rio+20 en 2012, au travers du texte « L’avenir que nous voulons ». Ils ont été renforcés par les objectifs du développement durable à l’automne 2015, qui inscrivent l’Océan parmi les 17 objectifs de l’horizon 20302.
- Le GIEC lui-même y est allé de son rapport spécial sur l’Océan.
- Au niveau européen, la politique maritime intégrée3 définie en 2009 et aboutie en 2012, à Limassol, met au coeur de l’ambition la contribution du maritime à la croissance et à l’emploi de l’Europe, sans attenter à la viabilité indispensable des écosystèmes marins, invitant les États membres à préciser comment ils mettent en oeuvre les modalités de gestion pour un développement durable de la mer et du littoral.
- La France n’était déjà pas en reste. Un mouvement vers une ambition nationale maritime s’est engagé à l’occasion du Grenelle de la mer en 2009, structuré lors des Assises de la mer et du littoral en 2013, renforcé dans les travaux du Conseil national de la mer et des littoraux en 2014, et a été plus récemment promu au travers de la mobilisation française sur la thématique Océan, à l’occasion de la COP21.
Voici quels étaient les axes stratégiques en février 2017 de cette « stratégie pour la mer et le littoral » :
- I. S’appuyer sur la connaissance et l’innovation
- A. Mieux comprendre le système mer
- B. Innover pour valoriser les ressources et développer l’économie maritime
- C. Structurer la recherche
- D. Développer la recherche et la connaissance pour et par les outre-mer français
- E. Bâtir une société de la connaissance marine et maritime ; sensibiliser le public aux grands enjeux maritimes
- F. Poursuivre les efforts de formation
- II. Développer des territoires maritimes et littoraux durables et résilients
- A. Mettre en place une planification stratégique…
- B. … Avec une composante spatiale
- C. Développer des « projets de territoire »
- D. Protéger les milieux, les ressources, les équilibres biologiques et écologiques ;
- préserver les sites, les paysages et le patrimoine
- E. Adapter l’aménagement du littoral au changement global
- F. Préserver les intérêts nationaux et prévenir les risques en mer
- III.Soutenir et valoriser les initiatives et lever les freins
- A. Soutenir les activités nouvelles
- B. Accompagner les évolutions en cours des activités historiques vers des modèles durables et résilients
- C. Piloter les questions budgétaires et définir une stratégie fiscale et de financements harmonieuse
- D. Rendre attractifs les métiers maritimes
- E. Améliorer la gouvernance, poursuivre la modernisation de l’action publique
- F. Mobiliser l’Observatoire de la mer et du littoral, partager les données et l’information
- IV. Promouvoir une vision française au sein de l’Union européenne et dans les négociations internationales et porter les enjeux nationaux
- A. Sur le plan international
- B. Sur le plan communautaire
Puis était enclenchée la mécanique actuelle à visée intégratrice.
En effet, le JO du 5 mai 2017 bâtissait un pont entre la planification maritime (dont « la stratégie nationale pour la mer et le littoral », précitée), d’une part, et le plan d’action pour le milieu marin d’autre part, le tout convergeant dans le document stratégique de façade.
Le noeud (marin, évidemment) entre ces documents est fait via le décret n° 2017-724 du 3 mai 2017 intégrant la planification maritime et le plan d’action pour le milieu marin dans le document stratégique de façade (NOR: DEVH1632060DELI).
Voir :
C’est donc un puzzle qui se compose en sus d’une opération de concertation et de mise en relation d’intérêts parfois opposés, au moment où par ailleurs :
- la stratégie du trait de côte n’est toujours pas intégrée entièrement à la GEMAPI (voir ici, en dépit des espoirs suscités, puis douchés, au titre de la « proposition Lurton » : voir ici).
- l’énergie bleue et les ressources maritimes changent nos paradigmes économiques (voir ici)
- le juge concilie droit de l’environnement et protection du littoral de manière renouvelée (voir par exemple ici), non sans limites toutefois (voir ici)
Photographie : Michael Olsen on Unsplash
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