Par une délibération du 16 octobre 2017, le conseil municipal de Marseille a approuvé, dans le cadre du plan « Ecoles », le principe du recours à un marché de partenariat et à des marchés de partenariat subséquents portant sur la démolition de 31 établissements scolaires et la construction, en lieu et place de ces écoles, de 28 nouveaux établissements, ainsi que la construction de six autres nouveaux établissements, la réalisation d’un gymnase et d’un plateau d’évolution pour chacun des établissements créés et la réalisation de prestations d’entretien et de maintenance.
Le conseil régional de l’ordre des architectes, le conseil national du même ordre et trois contribuables marseillais ont saisi le tribunal administratif de Marseille de requêtes tendant à l’annulation de cette délibération.
Par le jugement lu hier, le tribunal administratif de Marseille fait droit à ces requêtes et annule la délibération du conseil municipal de Marseille du 16 octobre 2017.
Pour ce faire, le TA a du :
- qu’une telle délibération peut être attaquée dans son principe (comme en DSP : CE, 24 novembre 2010, n° 318342, BJCP 2011, p. 72). Mais ce n’est pas très surprenant, car le marché de partenariat doit en effet donner lieu à une instruction, des avis, une étude spécifiques, puis à une telle délibération (voir Ord. n° 2015-899, art. 77, II).
- que le contentieux qui naît alors est un recours pour excès de pouvoir (et non au recours de la jurisprudence Tarn-et-Garonne comme l’ont fait observer divers commentateurs, mais soulignons que ceci est normal puisqu’il n’y a pas encore de contrat à attaquer)
- admettre (sans trop de surprise) que les ordres professionnels des architectes disposent d’un intérêt pour agir contre une telle délibération.
Intéressante est l’ampleur donnée à l’examen, par le juge, des conditions de ce choix pour un marché de partenariat. Une ampleur au sein de laquelle on peut déceler que le vent tourne contre ce mode de construction et de gestion, regardé par le juge avec plus de suspicion qu’autrefois, le juge n’étant d’expérience pas totalement insensible à l’air du temps…
Alors, entrons dans les détails de l’affaire.
Pour conduire à bien, dans le cadre de son plan « Ecoles », le projet portant sur la démolition de bâtiments existants et la construction de 34 nouvelles écoles, la commune de Marseille, après avoir établi une évaluation préalable du mode de réalisation du projet et une étude de « soutenabilité » financière, a décidé, au terme de son analyse, par une délibération de son conseil municipal du 16 octobre 2017, de recourir à un marché de partenariat sous la forme d’un accord‐cadre multi‐attributaires d’une durée de quatre ans et de six marchés subséquents.
Contestant cette délibération, le conseil régional de l’ordre des architectes, le conseil national du même ordre et trois contribuables marseillais ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande d’annulation de cette décision.
Compte tenu du coût global annoncé de l’opération, d’un montant de 670 842 986 euros, entraînant nécessairement des dépenses supplémentaires à la charge de la commune de
Marseille, ainsi que de la modification des conditions d’exercice de la fonction de maître d’œuvre qu’implique la passation d’un marché de partenariat, le tribunal admet l’intérêt, tant des contribuables marseillais que des conseils national et régional de l’ordre des architectes, à demander l’annulation de la délibération attaquée.
Après avoir rappelé les textes applicables, et notamment l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, desquels il résulte que le montage en maîtrise d’ouvrage publique reste le mode de contractualisation de droit commun, le recours à un marché de partenariat ne pouvant être engagé qu’au vu du critère unique d’un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres montages contractuels, le tribunal administratif de Marseille juge que l’évaluation préalable du mode de réalisation du projet réalisée par la commune de Marseille ne permet pas de démontrer que le recours à un marché de partenariat pour mener à bien son projet « Ecoles » présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet, en particulier la maîtrise d’ouvrage publique classique. Par conséquent, il annule la délibération attaquée.
Le tribunal relève en effet qu’au terme de son analyse comparative des coûts portant sur ces deux montages ‐ en maîtrise d’ouvrage publique et en marché de partenariat ‐ et avant prise en compte des risques, l’évaluation préalable fait apparaître que le marché de partenariat présente un coût global plus élevé, de l’ordre de 8,9 %, que celui de la maîtrise d’ouvrage publique, le montant toutes taxes comprises s’élevant à 675 442 476 euros pour le marché de partenariat et 620 160 910 euros pour la maîtrise d’ouvrage publique.
Le tribunal constate ensuite que, si, selon l’évaluation préalable, le coût du marché de partenariat, après valorisation des risques et après prise en compte supplémentaire de la valorisation des bénéfices socio‐économiques du projet, devient inférieur de 8,6 % par rapport à la maîtrise d’ouvrage publique dont le coût global, après valorisation des risques, augmente de 18,3 %, la commune de Marseille n’apporte pas de justifications suffisantes quant aux paramètres qu’elle a retenus dans l’identification de ces risques, qui doivent être propres au projet en cause et qui ne peuvent être la simple reprise des documents publiés par Fin Infra (service de la direction générale du Trésor à compétence nationale chargé en particulier de l’évaluation des marchés de partenariat et plus largement des différents modes de réalisation) dans le guide d’utilisation du modèle financier d’évaluation préalable du 18 avril 2011.
Voici ce jugement TA Marseille, 12 février 2019, n° 1709848-1709963 et 1710044 :