La question de la continuité écologique des cours d’eau ne cesse de donner lieu à des remous, des tourbillons, des courants contraires… C’est tout sauf un long fleuve tranquille. Au JO de ce matin, se trouve un décret en ce domaine qui va encore faire des vagues.
I. Rappel des épisodes précédents
L’Etat perd un nombre conséquent de ses contentieux en ce domaine face notamment aux propriétaires de moulins ou autres ouvrages de micro-production d’électricité et autres titulaires de droits d’eau. Voir, pour un exemple récent :
De l’autre côté, les associations dénoncent de faibles moyens et de forts retards en matière de restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Voir :
Le Ministère a cru apaiser le débat avec une circulaire :
Et avec les débats notamment au cours des assises de l’eau (2nde partie). Voir :
- Continuité écologique des cours d’eau : M. Claude Miqueu nous fait part de ses réflexions et de l’état d’avancement des discussions en cours
- Les 10′ juridiques (édition du 2 juillet 2019) [VIDEO]
Puis s’est engagé un contentieux contre cette circulaire. Voir :
- Continuité écologique des cours d’eau : après les tensions, puis les tentatives d’apaisement, s’annonce une nouvelle phase contentieuse
- et voir toutes les explications des futurs requérants sur le site OCE : http://continuite-ecologique.fr/continuite-ecologique-apaisee-recours-contre-la-note-du-ministere/
A suivre en ayant à l’esprit que, dans le passé, une précédente circulaire de même tonneau avait été censurée par le Conseil d’Etat :
II. Au JO de ce matin
A la base, donc, on a :
- des défenseurs d’une continuité écologique des cours d’eau.
Voir par exemple le point de vue de FNE : - contre des gestionnaires de retenues ou autres propriétaires de moulins, qui font eux aussi valoir un argumentaire environnemental.
- il y a sur ces terrain trois fédérations ou associations principales
- voir par exemple le site :
Au milieu se trouve l’Etat qui globalement tente de maintenir un certain équilibre en se faisant morigéner par presque tout le monde.
Le décret au JO de ce matin va-t-il satisfaire plus les uns que les autres ? ou faciliter le retour tant espéré à une relative accalmie. Ce sera à juger sur pièces… Déjà, l’OCE a exprimé son vif mécontentement :
Ce décret :
- précise, à l’article R. 214-109 du code de l’environnement, la définition des ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique et dont la construction ne peut être autorisée sur les cours d’eau classés au titre du 1° du I de l’article L. 214-17.
- crée par ailleurs un nouveau cas de cours d’eau au fonctionnement atypique, prévus à l’article L. 214-18, pour lesquels le respect des planchers au 10è ou au 20è du module n’est pas pertinent, visant les cours d’eau méditerranéens à forte amplitude naturelle de débit, aux étiages très marqués.
Voici ce texte
Décret n° 2019-827 du 3 août 2019 modifiant diverses dispositions du code de l’environnement relatives à la notion d’obstacle à la continuité écologique et au débit à laisser à l’aval des ouvrages en rivière
NOR: TREL1722424D
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de la transition écologique et solidaire,
Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 214-17 à L. 214-19, R. 214-1, R. 214-18-1, R. 214-109 et R. 214-111 ;
Vu l’avis de la mission interministérielle de l’eau en date du 3 février 2017 ;
Vu l’avis du Comité national de l’eau en date du 31 mai 2017 ;
Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 5 au 27 août 2017 inclus, en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement ;
Le Conseil d’Etat (section des travaux publics) entendu,
Décrète :Article 1L’article R. 214-109 du code de l’environnement est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. R. 214-109. – I. – Constituent un obstacle à la continuité écologique, dont la construction ne peut pas être autorisée sur les cours d’eau classés au titre du 1° du I de l’article L. 214-17, les ouvrages suivants :
« 1° Les seuils ou les barrages en lit mineur de cours d’eau atteignant ou dépassant le seuil d’autorisation du 2° de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1, et tout autre ouvrage qui perturbe significativement la libre circulation des espèces biologiques vers les zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, y compris en faisant disparaître ces zones ;
« Ne sont pas concernés les seuils ou barrages à construire pour la sécurisation des terrains en zone de montagne dont le diagnostic préalable du projet conclut à l’absence d’alternative ;
« 2° Les ouvrages qui empêchent le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;
« 3° les ouvrages qui interrompent les connexions latérales avec les réservoirs biologiques, les frayères et les habitats des annexes hydrauliques, à l’exception de ceux relevant de la rubrique 3.2.6.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 en l’absence d’alternative permettant d’éviter cette interruption ;
« 4° les ouvrages qui affectent substantiellement l’hydrologie des cours d’eau, à savoir la quantité, la variabilité, la saisonnalité des débits et la vitesse des écoulements. Entrent dans cette catégorie, les ouvrages qui ne laissent à leur aval immédiat que le débit minimum biologique prévu à l’article L.214-18, une majeure partie de l’année.
« II. – Est assimilée à la construction d’un nouvel ouvrage au sens du 1° du I de l’article L. 214-17 la reconstruction d’un ouvrage entrant dans l’un des cas mentionnés au I lorsque :
« – soit l’ouvrage est abandonné ou ne fait plus l’objet d’un entretien régulier, et est dans un état de dégradation tel qu’il n’exerce plus qu’un effet négligeable sur la continuité écologique ;
« – soit l’ouvrage est fondé en titre et sa ruine est constatée en application de l’article R. 214-18-1.
« N’est pas assimilée à la construction d’un nouvel ouvrage la reconstruction d’un ouvrage détruit accidentellement et intervenant dans un délai raisonnable. »Article 2L’article R. 214-111 du même code est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « barrage de classe A » sont remplacés par les mots : « barrage d’une hauteur supérieure ou égale à vingt mètres » et les mots : « de même nature » sont remplacés par les mots : « répondant également à l’un de ces deux critères » ;
2° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Il s’agit d’un cours d’eau méditerranéen dont la moyenne interannuelle du débit mensuel naturel le plus bas est inférieur au dixième du module. On entend par cours d’eau méditerranéen, les cours d’eau situés en Corse et, pour ceux relevant du bassin Rhône-Méditerranée, leurs parties situées dans les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Drôme, de l’Ardèche ou de la Lozère. » ;
3° L’article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas prévu au 4°, la fixation d’un débit minimal inférieur est toutefois subordonnée à la condition que malgré la mise en œuvre ou la programmation de toutes les mesures d’économie d’eau techniquement et économiquement réalisables, le respect du débit minimum du vingtième du module ne permet pas de satisfaire les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable ou à l’irrigation gravitaire en période d’étiage estival. Ce débit minimal inférieur est limité à une durée de trois mois à l’intérieur de la période d’étiage estival et ne peut pas être inférieur au quarantième du module. »Article 3La ministre de la transition écologique et solidaire et la secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la transition écologie et solidaire sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République Française.
Fait le 3 août 2019.
Edouard Philippe
Par le Premier ministre :
La ministre de la transition écologique et solidaire,
Elisabeth Borne