Référé précontractuel : quelques précisions utiles.

Par une ordonnance du 20 février 2020, le Tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de la société S d’annuler la procédure de passation organisée pour l’attribution de la concession du service public d’eau potable de la région de Jurançon.

Cette ordonnance permet de revenir sur le référé précontractuel, dont  les conditions et la procédure sont énoncées à l’article L. 551-1 et suivants du Code de justice administrative (CJA).

Le syndicat mixte d’eau potable de la région de Jurançon a lancé une procédure de passation pour l’attribution du contrat de concession du service d’eau potable et s’apprêtait à signer le contrat avec la société A.

La société S, candidate évincée, exerce alors un référé précontractuel. En effet, elle estime que la procédure de passation méconnait :

  • les principes d’égalité et d’impartialité
  • le règlement de consultation

 

– Sur la recevabilité de la requête de S

L’article L. 551-1 du CJA indique clairement que l’objet du référé précontractuel est de sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence au cours de la procédure de passation des contrats de la commande publique.

« Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique(…) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat.

Il reste que, pour qu’un moyen soit invoqué dans le cadre d’un référé précontractuel, il faut que le requérant prouve que le vice qu’il invoque ait eu des effets sur lui ou soit susceptible d’en avoir.

Il s’agit pour le juge des référés précontractuels de vérifier

« si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente» (CE, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n°305420).

 En l’espèce, le juge relève bien que le Société S, précédente concessionnaire du service d’eau potable, avait présenté une candidature que le syndicat mixte avait jugée recevable.

Pendant la phase de négociation, le président du syndicat mixte a indiqué que la société S devait régler deux titres exécutoires au titre du précédent contrat si elle voulait obtenir le nouveau contrat. La société S s’est alors estimée lésée par rapport aux autres candidats et par courrier, avait décidé de ne pas remettre une seconde offre.

Le Tribunal indique clairement que :

« cette lettre ne constitue pas un désistement exprès et définitif de la candidature présentée ».

De plus, il signale que dans le cadre de l’analyse des offres et jusqu’au choix

 « le syndicat mixte d’eau potable de Jurançon a regardé lui-même la société S comme un candidat comme un autre, indépendamment des péripéties ayant marqué la procédure ».

Enfin, le Tribunal estime qu’elle a présenté des moyens susceptibles de montrer que la procédure l’avait lésée ou avait risqué de la léser, en raison de :

  • la méconnaissance des principes d’égalité et d’impartialité en raison des propos tenus par le président du syndicat mixte au cours de la réunion de négociation
  • la méconnaissance du règlement de consultation par l’introduction d’une hiérarchisation des critères.

Ainsi, la société S était bien recevable à introduire le présent référé précontractuel contre la procédure de passation du contrat.

Le fait qu’elle n’ait pas attendu l’envoi de la décision l’informant du rejet de son offre pour saisir le Tribunal est sans incidence sur la recevabilité de sa requête.

 

– Sur le fond de la requête de la Société S

 Le Tribunal rappelle que:

« les critères d’appréciation des offres sur lesquels l’autorité concédante fonde son consentement avant d’attribuer un contrat de concession sont ceux qu’elle a publiés dans le règlement de consultation ».

En effet, le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions (CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, req. n° 426763).

En l’espèce, le règlement de consultation prévoyait le jugement des offres en fonction d’un certain nombre des critères qui avaient une valeur égale.

Or, le rapport d’analyse des offres indiquait que

« les offres sont appréciées au regard des critères énoncés ci-après par ordre décroissant d’importance ».

 Ainsi, ce rapport a introduit une hiérarchisation des critères d’analyse, absente du règlement de consultation.

Le Tribunal conclut très logiquement que:

« cette méconnaissance du règlement de consultation est susceptible d’avoir lésé la société S (…) dès lors que son offre n’a pas été appréciée en fonction de la façon dont les critères devaient être combinés ».

La procédure de consultation a été ainsi organisée en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence et le Tribunal l’a très logiquement annulée…

Il est donc particulièrement important pour les acheteurs publics de faire attention à la rédaction de leurs pièces et au respect de cette rédaction lors de la mise en oeuvre de la procédure de passation de leurs contrats !

 

Article rédigé avec le concours de  Laetitia Vittet