Le délai raisonnable de recours issu de la jurisprudence Czabaj ne s’applique pas à la contestation par un contribuable du rejet implicite de sa réclamation d’assiette.
La jurisprudence Czabaj, c’est le régime selon lequel un acte administratif individuel (ou une décision d’espèce) qui n’a pas donné lieu à une notification des voies et délais de recours dans les formes, pourra être attaqué dans un délai indicatif d’un an (délai « modulable » par le juge).
Source : voir l’arrêt M. Czabaj du Conseil d’Etat (13 juillet 2016, n°387763. L’empire de cette jurisprudence s’est depuis lors étendu à de très nombreux domaines. Nous avons retracé cette extension dans un billet récent sur le présent blog : Extension de la jurisprudence Czabaj… au rejet implicite d’un recours gracieux cette fois (mais avec une application souple de la date où il y a eu connaissance de la décision)
Oui mais comment concilier cela avec la jurisprudence fiscale qui a ses propres règles (règles que peuvent devoir connaître les personnes publiques, elles-mêmes souvent contribuables et, plus souvent encore, en tant qu’elles lèvent l’impôt mais si souvent elles ne sont ensuite pas toujours partie au procès fiscal) ?
Réponse avec un arrêt important, rendu hier, par le Conseil d’Etat et qui sera publié en intégral au recueil Lebon.
Voici le point à retenir :
« 2. Il résulte des dispositions de l’article R. 199-1 du livre des procédures fiscales que seule la notification au contribuable d’une décision expresse de rejet de sa réclamation assortie de la mention des voies et délais de recours a pour effet de faire courir le délai de deux mois qui lui est imparti pour saisir le tribunal administratif du litige qui l’oppose à l’administration fiscale, l’absence d’une telle mention lui permettant de saisir le tribunal dans un délai ne pouvant, sauf circonstance exceptionnelle, excéder un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision. En revanche si, en cas de silence gardé par l’administration sur la réclamation, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif à l’issue d’un délai de six mois, aucun délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre, tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée.»
Donc :
- par défaut, pour le contribuable, délai usuel de recours contentieux de deux mois à compter de la notification de la décision expresse de rejet de sa réclamation s’il y a bien eu notification des voies et délais de recours (rien ne change ce qui est loque bien sûr)
- application de la jurisprudence Czabaj (délai d’un an « à compter de la date à laquelle [le requérant] a eu connaissance de la décision ») faute de notification des voies et délais de recours dans la notification de la décision expresse de rejet de sa réclamation
- si en revanche, en cas de silence gardé par l’administration sur la réclamation, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif à l’issue d’un délai de six mois, aucun délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre, tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée.
Source : CE, 21 octobre 2020, n° 443327