Terrible duel à trois entre logements sociaux à construire, difficulté à trouver des terrains et espèces dont l’habitat doit lui aussi être protégé… Qui gagne ?

Source : duel final du film « Et pour quelques dollars de plus » de S. Leone, 1965.

Nos blogs ont souvent eu l’occasion de traiter des dérogations permettant de porter atteinte à des espèces protégées. Voir notamment  :

 

… Avec un nouveau paramètre qui est l’extension récente des espèces à protéger et du niveau de protection à accorder depuis l’arrêt CJUE 4 mars 2021 C-743-19 et C-474-19. Voir :

 

Au total, en matière d’espèces protégées, le principe est celui de l’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leur habitat (art. L.411-1 du code de l’environnement), sous réserve des dérogations à ce principe (art. L. 411-2 de ce même code), le tout assurant la transposition de la directive Habitats 92/43/CEE du 21 mai 1992.

Schématiquement, une telle dérogation suppose que soient réunies trois conditions (cumulatives, donc) :

  1. il n’y a pas de solution alternative satisfaisante
  2. il n’en résulte pas une nuisance « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »
  3. le projet conduisant à cette destruction sert lui-même un des motifs limitativement énumérés par la loi, à savoir (conditions alternatives, cette fois) :
    • protéger la faune et de la flore sauvages et la conservation des habitats naturels ;
    • prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;
    • s’inscrire dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;
    • agir à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;
    • permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens.

Ces conditions sont cumulatives et, souvent, c’est sur la notion d’intérêt public majeur que sont fondés les dérogations et, donc, c’est en général sur les questions du le régime particulier du c) du 4° de cet article que ce crispent les débats :

« 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

« […]

« c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; »

Il en résulte des duels cornéliens entre intérêts majeurs :

 

Un autre match existe parfois entre … logement social et espèces animales protégées.

Autrefois, on aurait dit que de toute manière on peut construire des logements sociaux où l’on veut… mais depuis le développement du 0 artificialisation nette, c’est devenu beaucoup moins vrai. Voir :

… Avec des résultats contrastés d’ailleurs :

 

De tels débats à trois paramètres (façon duel final du bon, de la brute et du truand ou duel final de « et pour quelques dollars de plus ») entre logements sociaux à construire, difficulté à trouver des terrains et espèces dont l’habitat doit lui aussi être protégé… auront donc vocation à se multiplier. 

Source : duel final du film « Et pour quelques dollars de plus » de S. Leone, 1965.

Avec comme toujours en termes de destructions d’espèces protégées une appréciation au cas par cas qui ne permet pas de tirer un enseignement définitif et transposable depuis telle ou telle décision de justice. 

Mais chaque décision donne une indication sur le mode de raisonnement du juge, sur les paramètres qui ont semblé, ou non, déterminants, ce qui permet in fine de transposer. 

D’où l’importante d’une affaire retracée au sein de l’intéressante dernière 19e édition de la lettre de la CAA de Nancy et des TA de son ressort :

 

Or, l’intérêt de la décision rendue, en l’espèce par le TA de Nancy réside dans une formulation stricte (qui sera peut être adoucie à hauteur d’appel ?) selon laquelle « la création de logement sociaux destinés aux populations les plus fragiles ne constitue pas une raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger à la législation assurant l’objectif de conservation de la faune sauvage. »

Une formulation assez radicale donc.

TA Nancy, 30 octobre 2020, Association la salamandre de l’Asnée, n° 1901302, 1901303.

A lire en cliquant depuis le lien ci-avant de la 19e lettre de cette CAA.

NB : Facebook du requérant pour ceux que cela intéresserait (les contentieux de ce dossier étant protéiformes) : https://fr-fr.facebook.com/groups/154882561833260/

 

 

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NB iconographie : comment ça vous n’avez pas reconnu la magnifique scène finale du film Le bon,  la brute et le truand ?