La lutte contre l’artificialisation des sols (et son corollaire, l’imperméabilisation et la perte de biodiversité de ceux-ci) n’est évidemment pas un thème nouveau. Mais il s’est accéléré depuis 2016 :
- « L’Atlas régional de l’occupation des sols en France », une publication intéressante avec un constat : l’artificialisation des sols progresse moins vite… mais tout dépend des territoires dont on parle
- avec un engagement ab initio du Président actuel : E. Macron détaille, devant les Préfets, son programme pour les territoires
- quelques hésitations sur les moyens à adopter : Nicolas Hulot envisage un financement visant à lutter contre l’artificialisation des sols et à préserver la biodiversité
- quelques annonces encore floues :
- Voici le plan biodiversité du Gouvernement, ambitieux, fruit d’arbitrages délicats… mais attaqué à droite comme à gauche
- voir aussi nos nombreux articles sur la seconde période des assises de l’eau
NB : pour une comparaison internationale à ce sujet, voir les parties correspondantes dans les 5 études que nous avons récemment comparées :
Mais le mouvement s’accélère vivement. Par exemple :
- depuis quelques mois, et surtout semaines, il est devenu très difficile d’obtenir des extensions d’urbanisation, même minimes, lors des révisions de PLU. A l’évidence, l’Etat a changé de braquet dans sa lutte contre l’imperméabilisation des sols tant du point de vue de l’urbanisme, que de l’aménagement urbain, que de l’agriculture.
- France Stratégie, organisme d’études et de prospective, d’évaluation des politiques publiques et de propositions, placé auprès du Premier ministre, vient de remettre un rapport de 54 pages intitulé : OBJECTIF « ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE » : QUELS LEVIERS POUR PROTÉGER LES SOLS ? Voir ce document et notre recension à ce sujet :
… et voici qu’au coeur de l’été sort une instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’État en faveur d’une gestion économe de l’espace (NOR : LOGL1918090J) qui n’attaque pas le sujet de main morte :
- en gros on serre les boulons sur les extensions d’urbanisation des documents d’urbanisme
- réhabilitation du bâti existant (ORT et autres)
- lutte ferme contre les logements vacants.
- priorité à la densification à proximité des secteurs desservis par les transports ou équipements collectifs
- il est demandé aux Préfets de région de définir une stratégie régionale, articulée avec le SRADDET, fournissant un cadre commun aux actions départementales permettant de garantir une égalité de traitement des porteurs de projet à l’échelle régionale
Voici ce texte en pdf :
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Et voici ce texte en plein texte adressé aux préfets et à l’essentiel de leurs directions concernées :
Le Président de la République a annoncé la mise en place du principe de zéro artificialisation nette du territoire à court terme, faisant le constat des conséquences pour les populations et pour notre environnement. En effet, l’étalement de l’urbanisation, lié au développement de zones pavillonnaires et à l’implantation de zones d’activités et de surfaces commerciales à la périphérie des métropoles et des agglomérations, emporte des contraintes économiques, sociales et environnementales pour les collectivités et l’ensemble de la population.
Si la consommation d’espace varie selon les territoires, elle reste très élevée, avec une
moyenne de 27 000 ha/an1 entre 2006 et 2016, soit l’équivalent de 4 à 5 terrains de football par heure. Surtout, elle engendre partout une perte de biodiversité, de productivité agricole, de capacité de résilience face au risque d’inondation, au changement climatique et à la précarité énergétique, une banalisation des paysages et en conséquence une perte d’attractivité, y compris économique, des territoires. Ce phénomène s’accompagne
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1 source : données CEREMA à partir des fichiers fonciers
également d’une augmentation des besoins en services de transports et de réseaux coûteux en investissement comme en exploitation. L’éloignement des centres-villes renchérit le coût de la mobilité pour les ménages et réduit l’accessibilité aux services publics. En parallèle, l’étalement urbain peut s’accompagner d’une paupérisation des centres-villes, de davantage de logements vacants, voire d’une dégradation du patrimoine bâti, et, en conséquence, de l’attractivité des territoires. Ces sujets sont au cœur des préoccupations gouvernementales et au cœur de l’actualité que traverse notre pays depuis quelques mois.
Vous devez agir au nom de l’Etat pour faciliter aujourd’hui et pour demain des projets de développement des territoires équilibrés, sobres en consommation d’espace, qui veillent à un meilleur usage des terres et préviennent la crise sociale. La gestion économe de l’espace doit s’envisager comme un objectif de convergence et de cohérence de nos politiques publiques en matière d’énergie, de climat, d’écologie, d’urbanisme, de cohésion et d’agriculture, et non comme une politique sectorielle supplémentaire. Il est essentiel de promouvoir des projets urbains qui délaissent une logique d’offre foncière au profit d’une vision politique et d’un projet de territoire raisonné.
D’un point de vue général, votre action intervient dans la trajectoire qui consistera à rendre applicable l’objectif zéro artificialisation nette du territoire, dans les délais qui seront confirmés par le président de la République. Ceci suppose dans un premier temps d’infléchir la consommation, puis de la stopper par un usage sobre de l’espace et par des actions de type compensatoire.
Cette ambition, particulièrement présente dans le projet de loi Elan, doit être portée par l’ensemble des échelons de l’État, en premier lieu par les préfets de département, principaux interlocuteurs des collectivités territoriales et des porteurs de projet.
Nous vous demandons d’abord un accompagnement de proximité des collectivités territoriales pour que les projets de développement des territoires intègrent le principe de lutte contre la consommation d’espaces.
Vous veillerez ainsi à ce que la lutte contre l’artificialisation soit bien prise en compte dans les stratégies d’aménagement, lors de la définition des projets et lors de leur mise en œuvre.
Votre intervention doit conduire à faire émerger les projets et les opérations sobres et vertueuses en matière de consommation d’espace qui s’inspire de la démarche « éviter, réduire, compenser » du code de l’environnement. Par ailleurs, vous encouragerez les projets ou les démarches visant la réhabilitation, la renaturation ou la désartificialisation de zones anthropisées. Votre analyse des projets devra intégrer l’approche « éviter, réduire, compenser ».
A cette fin, vous mobiliserez l’ensemble des outils fonciers, réglementaires ou financiers à votre disposition, y compris ceux des opérateurs concernés. Il pourra s’agir notamment des nouveaux outils créés par la loi ELAN – qui replacent le projet au centre des interventions de l’Etat – les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou les opérations revitalisation de territoires (ORT) – et permettent la réalisation d’opérations d’ensemble de renouvellement urbain.
Au cas particulier, nous vous demandons :
- – De participer activement à la réhabilitation du bâti existant en favorisant la mise en place d’ORT qui permet de rendre éligible le territoire au nouveau dispositif fiscal « Denormandie dans l’ancien » conçu pour faciliter l’équilibre économique de ces opérations. Vous en assurerez la promotion auprès des partenaires compétents
- – De lutter fermement contre les logements vacants. A ce titre, vous vous assurerez de la bonne circulation de l’information entre les services fiscaux et l’ANAH pour :o identifier les biens concernés
o faciliter la prise de contact avec les propriétaires par les opérateurs de l’ANAH ou des collectivités pour proposer des aides à la rénovation ou le dispositif « louer abordable ».
- – Vous porterez une attention particulière à l’ambition des PLU en matière de densification des zones urbaines existantes et inviterez les maires à utiliser les dispositifs de la loi ELAN permettant d’accorder des bonus de constructibilité, notamment pour transformer des bureaux en logement.
Vous nous présenterez vos orientations sur ces 3 points sous 3 mois.
De même, en matière de planification, nous vous demandons de dialoguer le plus en amont possible avec les collectivités pour les sensibiliser aux enjeux de sobriété foncière et discuter avec elles leurs hypothèses de développement. L’Etat doit être très présent dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme, qui sont par excellence des documents «ensembliers » vers lesquels la plupart des composantes d’un projet de territoire convergent. A cet égard, la note d’enjeu doit être l’occasion pour l’Etat de partager et argumenter sa vision sur l’avenir du territoire, qui doit permettre de concilier le développement humain avec des objectifs de protection : protection de l’activité agricole, de la biodiversité, de l’eau, etc…
Si, en dépit de votre accompagnement et du dialogue en amont et tout au long de la procédure, le document approuvé (SCOT ou PLU, PLUi) devait aller à l’encontre d’une gestion économe de l’espace ou prévoir une densification insuffisante à proximité des secteurs desservis par les transports ou équipements collectifs, vous mobiliserez tout l’éventail de leviers réglementaires à votre disposition (de l’avis défavorable jusqu’à la suspension du caractère exécutoire du document) pour demander à la collectivité d’apporter les modifications jugées nécessaires.
Veiller à la qualité des documents et de leur procédure d’élaboration sur ces enjeux est également essentiel à la bonne conduite des projets. Cela assure la sécurité juridique et prévient les potentiels conflits. L’évolution de la jurisprudence nous montre l’importance qu’accorde le juge au rapport de présentation des documents d’urbanisme. Vous veillerez en particulier à ce que ce document justifie réellement les développements programmés au regard des besoins comme de l’analyse de l’offre existante. Vous pourrez le cas échéant vous appuyer sur les avis des CDPENAF comme de l’autorité environnementale
En appui méthodologique aux Préfets de département, il est demandé aux Préfets de région de définir une stratégie régionale, articulée avec le SRADDET, fournissant un cadre commun aux actions départementales permettant de garantir une égalité de traitement des porteurs de projet à l’échelle régionale.
Vos travaux pourront alimenter les différentes actions ministérielles du plan biodiversité et nous vous invitons à nous faire part des propositions innovantes que vous pourrez identifier dans votre région. En tout état de cause, il vous sera demandé d’ici 18 mois de faire un bilan des actions mises en œuvre par l’État autour de cet enjeu pour conjuguer les efforts de l’ensemble des acteurs, les réussites et les difficultés rencontrées sur la base d’un questionnaire qui vous sera transmis.
Nous savons pouvoir compter sur votre action pour provoquer une prise de conscience et une modification des comportements nécessaires afin de faire un meilleur usage de l’espace en accompagnant et facilitant la recherche de solutions favorisant la sobriété foncière, la nature en ville et la renaturation. La baisse du rythme de consommation d’espace est un préalable impératif avant la mise en œuvre de l’objectif présidentiel de zéro artificialisation nette. Tous les moyens à votre disposition devront être mobilisés pour y parvenir.
La présente instruction du Gouvernement sera publiée sur le site
http://circulaire.legifrance.gouv.fr/ .
Fait, le 29 juillet 2019
Le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement
La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales,
Jacqueline GOURAULT
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation,
Didier GUILLAUME
Julien DENORMANDIE
La ministre de la transition écologique et solidaire,
Elisabeth BORNE
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