Future loi confortant le respect des principes de la République : de nouvelles obligations à la charge des titulaires des contrats de la commande publique

Article de Me Marie Gouchon, avocate pré-associée du cabinet, avec la participation de Clarence Bathia, stagiaire au sein de notre cabinet

 

La validation par le Conseil Constitutionnel de l’essentiel de la loi dite « séparatisme » (« Respect des principes de la République » (RPR ; séparatisme) ouvre la voie à sa promulgation prochaine par le Président de la République. Si de prime abord cette loi ne semble pas concerner la commande publique, les acheteurs, autorités concédantes et titulaires de tels contrats, seraient prudent d’y regarder à deux fois.

Voir :

 

En effet, la loi votée le 23 juillet dernier consacre au II de son article premier qu’ «  un contrat de la commande publique, au sens de l’article L. 2 du code de la commande publique, a pour objet, en tout ou partie, l’exécution d’un service public, son titulaire est tenu d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. (…) ».

Autrement posé, un titulaire d’un marché public ou d’une concession de services, qui a pour objet l’exécution d’un service public, se trouve soumis au respect des principes de neutralité et de laïcité.

Plus précisément, les obligations en la matière des titulaires de tels contrats publics s’appliquent à leurs salariés ou aux personnes sur lesquelles ils exercent une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, afin que dans l’exécution d’une mission de service public, ils « s’abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité ».

À ce stade, ce constat appelle deux observations.

En premier lieu, il faut préciser que ces dispositions concernent uniquement les contrats de la commande publique qui portent sur un service public. A contrario, de telles contraintes ne s’appliquent pas au titulaire, d’un marché public ou d’une concession, qui n’aurait pas pour objet un service public. Il s’agit donc d’une réelle dichotomie au regard de l’objet du contrat public en cause.

En second lieu, si ces dispositions vont intégrer le bloc législatif, la jurisprudence judiciaire (Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2013, CPAM de Seine-Saint-Denis, affaire n° 12-11.690, Publié au bulletin) avait déjà reconnu l’application des principes de neutralité et de laïcité aux salariés de personnes morales de droit privé ayant la gestion d’un service public. Ces nouvelles dispositions constituent donc plutôt une simple reconnaissance d’un état du droit, qu’un réel bouleversement de celui-ci.

Le législateur a toutefois souhaité aller plus loin, en imposant aux titulaires de contrats de la commande publique ayant pour objet un service public de s’assurer du respect, par toute personne à laquelle il confie pour partie l’exécution du service public, des prescriptions en matière de neutralité et de laïcité.

Pour ce faire, les titulaires de tels contrats doivent notamment transmettre à l’acheteur ou l’autorité concédante, tous les contrats de sous-traitance ou de sous-concession qui font participer un tiers à l’exécution d’une mission de service public. Par conséquent, le respect de ces obligations ne concerne pas uniquement les salariés de personnes publiques ou celles de personnes privées exerçant une mission de service public, mais également les salariés de sous-traitant ou sous-concessionnaire qui exercent de telles missions au nom et pour le compte des titulaires de contrats de la commande publique.

Ces dispositions législatives n’ont pas un effet purement platonique : elles impliquent des adaptations contractuelles.

D’une part, il est recommandé que les clauses du contrat doivent rappeler ces nouvelles obligations législatives. Ainsi, la neutralité et la laïcité deviennent des obligations contractuelles à la charge des titulaires des contrats de la commande publique ayant pour objet une mission de service public. Les personnes publiques doivent donc prévoir un contrôle du respect de ces obligations et des sanctions en cas de manquements à ces impératifs.

D’autre part, si ces clauses contractuelles s’appliquent « aux contrats de la commande publique pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de publicité est envoyé à la publication à compter de la publication de la présente loi » ; les contrats en cours d’exécution (à l’exception de ceux dont le terme arrive dans les 18 prochains mois) et ceux « pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est en cours à la date de publication de la présente loi » doivent être modifiés dans un délai d’un an.

En somme, si sur le fond cette loi est davantage une simple évolution qu’une réelle révolution, en ce qui concerne certaines particularités liées à sa mise en œuvre,  des doutes et inquiétudes persistent. L’introduction des nouvelles clauses « neutralité » et « laïcité » dans les contrats de la commande publique en cause interpellent quant à leurs conséquences concrètes. Quelles seront les modalités de contrôles opérées par la personne publique contractante ? Quelle sera la portée des sanctions qui seront prononcées ?

La publication des futurs décrets d’application ou actes règlementaires, et à moyen terme, la jurisprudence des tribunaux et cours de la juridiction administrative sur ces questions, seront particulièrement intéressantes à analyser.