Le Harcèlement scolaire : un point juridique (à jour de la loi du 2 mars 2022)

Le harcèlement scolaire est un fléau à détecter avec sagacité et à combattre avec tact et pugnacité. C’est aussi un ensemble de règles de droit : en voici un aperçu mis à jour au 3 mars 2022… puisqu’au JO de ce matin se trouve LOI n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire (NOR : MENX2133450L) :

 

NB précision importante : notre cabinet assiste les personnes publiques dans leurs démarches préventives ou répressives en ces domaines. Mais nous ne pouvons plus continuer d’assister les parents d’élèves en ces domaines par crainte de conflits d’intérêts avec nos clients publics. 

 

Pour notre vidéo ce sujet (de 15 mn ; en date de décembre 2018 – certains points ne sont donc plus à jour en droit), voir :

 

Voir aussi les développements qui suivent :

 

Une infraction pénale spécifique

 

Il y a harcèlement scolaire si au moins un élève fait subir à un autre, de manière répétée, des propos ou des comportements agressifs. C’est en soi une infraction réprimée par l’article 222-33-2-2 du Code pénal (étendu en août 2018).

Les cas où le harcèlement est fait en présence de mineurs, ainsi que les cas où celui-ci est filmé, donnent lieu à des sanctions aggravées.

La victime mineure ou ses parents peuvent déposer plainte (le plus souvent dans un délai de 6 ans).

Le volet pénal a été renforcé par la loi publiée au JO de ce matin, pour renforcer la répression, pour la définir et surtout pour mieux accompagner.

Le code pénal est complété par un article qui définit mieux les harcèlements en cause et qui en renforce les sanctions :

  • « Art. 222-33-2-3. – Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-2 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement.
    « Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail.
    « Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.
    « Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
    « Le présent article est également applicable lorsque la commission des faits mentionnés au premier alinéa du présent article se poursuit alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement. »

     

Sur la peine accessoire de confiscation :

  • I. – L’article 131-21 du code pénal est ainsi modifié :
    1° Au début des deuxième, troisième, sixième et huitième alinéas, sont ajoutés les mots : « Sous réserve du dernier alinéa, » ;
    2° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’une infraction pour laquelle la peine de confiscation est encourue a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne, l’instrument utilisé pour avoir accès à ce service est considéré comme un bien meuble ayant servi à commettre l’infraction et peut être confisqué. Au cours de l’enquête ou de l’instruction, il peut être saisi dans les conditions prévues au code de procédure pénale. » ;
    3° Au début de la première phrase du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La confiscation » ;
    4° A la fin de la même première phrase, les mots : « , et sous réserve du dernier alinéa » sont supprimés ;
    5° Au début des quatrième, cinquième et neuvième alinéas, sont ajoutés les mots : « Sous les mêmes réserves, » ;
    6° A la deuxième phrase du neuvième alinéa, les mots : « et du même dernier alinéa » sont supprimés ;
    7° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
    a) Au début, sont ajoutés les mots : « Hors le cas mentionné au septième alinéa, » ;
    b) Les mots : « un tiers » sont remplacés par les mots : « toute personne » ;
    c) Les mots : « ce tiers » sont remplacés par les mots : « cette personne » ;
    d) Le mot : « mis » est remplacé par le mot : « mise » ;
    e) Les mots : « qu’il » sont remplacés par les mots : « qu’elle ».
    II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
    1° A la première phrase du premier alinéa des articles 60-1, 77-1-1 et 99-3, après le mot : « compris », sont insérés les mots : « , sous réserve de l’article 60-1-2, » ;
    2° Au début de l’article 60-1-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de l’article 60-1-2, » ;
    3° Après le même article 60-1-1, il est inséré un article 60-1-2 ainsi rédigé :

     

 

Sur le harcèlement en ligne en termes de procédure :

  • « Art. 60-1-2. – A peine de nullité, les réquisitions portant sur les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ou sur les données de trafic et de localisation mentionnées au III du même article L. 34-1 ne sont possibles, si les nécessités de la procédure l’exigent, que dans les cas suivants :
    « 1° La procédure porte sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;
    « 2° La procédure porte sur un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement commis par l’utilisation d’un réseau de communications électroniques et ces réquisitions ont pour seul objet d’identifier l’auteur de l’infraction ;
    « 3° Ces réquisitions concernent les équipements terminaux de la victime et interviennent à la demande de celle-ci en cas de délit puni d’une peine d’emprisonnement ;
    « 4° Ces réquisitions tendent à retrouver une personne disparue dans le cadre des procédures prévues aux articles 74-1 ou 80-4 du présent code ou sont effectuées dans le cadre de la procédure prévue à l’article 706-106-4. » ;

     

Dans le régime antérieur, sont particulièrement protégés les mineurs de 15 ans et les victimes d’une particulière vulnérabilité. Le texte, sur ce point, évolue :

Au 2° de l’article 222-33-2-2 du code pénal, les mots : « de quinze ans » sont supprimés.

Le régime d’audition des mineurs au fil de l’instruction pénale est aménagé (réforme de l’article 706-52 du code de procédure pénale).

Sur les peines susceptibles d’être infligées aux mineurs, à noter un effort pour les stages de citoyenneté et de sensibilisation :

Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Le 9° de l’article L. 112-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce stage peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, le stage de citoyenneté prévu au 1° de l’article 131-5-1 du code pénal peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
3° Après le premier alinéa de l’article L. 422-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, le stage de formation civique peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire. » ;
4° Le 1° de l’article L. 422-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il est prononcé pour une infraction commise dans le cadre de la scolarité, ce stage peut comporter un volet spécifique de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire ; ».

 

Des sanctions graduées, devenues très fortes

 

Le coupable de moins de 10 ans ne risque que peu au pénal (remise aux parents ; remise aux services d’assistance à l’enfance ; placement dans un établissement d’éducation ou dans un établissement médical ; admonestation ; mesure de liberté surveillée ; mesure d’activité de jour).

De 10 à 12ans, peuvent s’y ajouter d’autres sanctions pénales (avertissement solennel par le tribunal ; interdictions de fréquenter des lieux ou des personnes ; confiscation d’objets ; travaux scolaires ; mesures de réparation ; stage de formation civique…).

A compter de 13 ans (et plus encore à 16 ans), de vraies responsabilités pénales classiques (prison ; amende) sont possibles.

Au maximum le délit en cause pourra culminer à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque les faits auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.

 

Des infractions connexes

 

D’autres infractions peuvent être commises : harcèlement de rue ou numérique, voyeurisme… Surtout, s’y ajoutent parfois d’autres infractions : violences (physiques ou psychologiques) volontaires (racket ; brimades ; humiliations…) ; menaces de mort ; provocation au suicide…

 

Ce que change la nouvelle loi hormis son volet répression : développement du préventif et de l’accompagnement

Le code de l’éducation dispose désormais que :

« Art. L. 111-6. – Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs du délit de harcèlement scolaire prévu à l’article 222-33-2-3 du code pénal.
« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés ainsi que le réseau des œuvres universitaires prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire. Ces mesures visent notamment à prévenir l’apparition de situations de harcèlement, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée et à orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés et les associations susceptibles de leur proposer un accompagnement.
« Une information sur les risques liés au harcèlement scolaire, notamment au cyberharcèlement, est délivrée chaque année aux élèves et parents d’élèves. » ;

Divers textes sont en conséquence réformés ou abrogés dans le code de l’éducation (articles L. 511-3-1, L. 421-8, 442-2, L. 442-20, L. 452-3-1…) pour que cette préoccupation se retrouve centrale. 

 

Frais de consultation

 

Le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi publiée ce jour au JO, un rapport relatif à la couverture des frais de consultation et de soins engagés par les victimes et par les auteurs de faits de harcèlement mentionnés à l’article 222-33-2-3 du code pénal auprès de psychologues et de psychiatres. Le rapport devra évaluer les conditions d’une amélioration des remboursements assurés par les régimes d’assurance maladie au titre de ces prestations.

 

Enseignement moral et civique (information obligatoire sur les liens qui peuvent être créés avec les associations en ces domaines)

 

L’enseignement moral et civique donne lieu à l’article L. 312-15 du Code de l’éducation .

Le 6e alinéa de cet article était ainsi rédigé :

« Une information destinée à la communauté éducative, pour se familiariser avec le milieu associatif local et national et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires, est éditée par le ministère chargé de l’éducation nationale. »

 

Ce sixième alinéa est désormais complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle indique notamment les liens qui peuvent être créés avec les associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes. »

 

Formation et attitude des agents

 

Les agents ont bien sûr l’obligation de consacrer une vigilance particulière à identifier et traiter de tels cas.

Ils ont aussi l’obligation professionnelle de dénoncer les infractions dont ils ont connaissance, tout en prenant soin à ne pas constituer de dénonciation calomnieuse… et en ayant à l’esprit que sur des enfants jeunes, la pénalisation peut ne pas être la première attitude (avant tout faire cesser le trouble, aider la victime et responsabiliser/sensibiliser les agresseurs).

Dans de rares cas, l’agent pourra avoir participé au harcèlement : en ce cas, l’action disciplinaire pourra (et devra) s’ajouter aux poursuites pénales.

 

En sus, désormais, s’y ajoute un (indispensable) renforcement du volet formation. A noter en ce sens le I de l’article 5 de cette nouvelle loi :

« I. – L’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels de l’éducation nationale, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, ainsi que les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale reçoivent, dans le cadre de leur formation initiale, une formation à la prévention des faits de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal ainsi qu’à l’identification et à la prise en charge des victimes, des témoins et des auteurs de ces faits. Une formation continue relative à la prévention, à la détection et à la prise en charge du harcèlement scolaire et universitaire est proposée à l’ensemble de ces personnes ainsi qu’à toutes celles intervenant à titre professionnel dans les établissements d’enseignement.»

N.B. : un décret définira les conditions dans lesquelles l’Etat peut conclure un contrat à durée indéterminée avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d’assistant d’éducation, en vue de poursuivre ses missions. 

 

Une mission des conseils d’école

 

Déjà avant la nouvelle loi, il était précisé que :

« La lutte contre toutes les formes de harcèlement sera une priorité pour chaque établissement d’enseignement scolaire. Elle fera l’objet d’un programme d’actions élaboré avec l’ensemble de la communauté éducative, adopté par le conseil d’école pour le premier degré et par le conseil d’administration dans les établissements publics locaux d’enseignement. Ce programme d’actions sera régulièrement évalué, pour être amendé si nécessaire ».
Annexe à loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 ; voir aussi art. D. 411-2 du code de l’éducation

 

La nouvelle loi (II de l’article 5) prévoit désormais cette formation dans le code de l’éducation :

« Art. L. 543-1. – Le projet d’école ou d’établissement mentionné à l’article L. 401-1 fixe les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement au sens de l’article 222-33-2-3 du code pénal.
« Pour l’élaboration des lignes directrices et des procédures mentionnées au premier alinéa du présent article, les représentants de la communauté éducative associent les personnels médicaux, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues de l’éducation nationale intervenant au sein de l’école ou de l’établissement. »

 

 

La responsabilité des parents

 

Les parents des auteurs mineurs sont responsables civilement des actes de leur enfant (seuls si l’auteur a moins de 13 ans ; de manière partagée au delà de cet âge, pour schématiser). Le Tribunal des enfants de Rouen a ainsi, le 12 février 2009, condamné des parents en responsabilité civile in solidum(enfant décédé ; 7 mineurs impliqués…).

 

Naturellement, les parents pourront, dans de rares cas, avoir eux aussi commis un tel harcèlement et, à ce titre, être poursuivis au pénal comme au civil.

 

L’indemnisation de la victime et l’administration

 

Il faut distinguer :

  • qui « indemnise » une victime (responsabilité dite « civile » ou administrative) : la commune doit réparer ce dommage (sauf cas très exceptionnels) en périscolaire, et l’Etat pendant le temps scolaire (pour schématiser). Il peut y avoir des cas où soit l’administration sera condamnée pour tout le préjudice mais qu’elle pourra se retourner contre son agent (action dite récursoire)… voire même que l’agent pourra être poursuivi en indemnisation de la victime directement (en sus de l’administration pour défaut de surveillance ; ce cas correspond à des hypothèses où l’agent a participé au harcèlement, schématiquement). Ainsi, par exemple, le Tribunal administratif de Rouen a-t-il pu poser que « l’absence de procédure de concertation pour prendre en considération la souffrance d’un élève» (décédé) « révèle une défaillance dans l’organisation du service ; qu’une telle carence dans l’appréhension du harcèlement moral au sein d’un établissement, et en particulier dont a été victime S., est de nature à engager la responsabilité de l’État » (12 mai 2011, n°0901466, AJDA 2011 p. 2431).
  • qui « paie sa dette envers la société » pour avoir commis une infraction : il y a alors mise en œuvre de la responsabilité pénale qui a pour objet premier de sanctionner la personne mise en cause et non pas de réparer. La responsabilité de la personne physique (agent…) soupçonnée d’avoir été négligente pourra alors être recherchée, si elle a violé une règle de sécurité identifiée ou si elle a commis une « faute caractérisée ».

 

De nombreuses sources

 

Quasiment chaque année, des circulaires « Non au harcèlement » et des kits d’information, ainsi que des protocoles de traitement de ces situations, sont diffusés après mise à jour sur les sites du Ministère, à commencer par Eduscol.

 

Voir aussi :