Edifices cultuels : ne pas consulter le préfet pour un permis mineur (en termes d’évolution des surfaces affectées au culte) ne sera pas un péché majeur

L’avis préfectoral, en amont des permis de construire portant sur des édifices cultuels, prévu par la loi séparatisme (2021-1109 du 24 août 2021) ne s’impose qu’en cas de création ou d’extension significative, vient de poser le Conseil d’Etat, à rebours de la position (plus extensive) de la CAA de Versailles.

 


 

La loi 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (RPR ; ou « séparatisme »), très débattue, comportait de nombreuses mesures en matière de collectivités :

Voir aussi :

Une des nouveautés tient à ce qu’à l’article L. 422-5-1 du code de l’urbanisme, il est désormais prévu que « lorsque le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l’avis du représentant de l’Etat dans le département si le projet porte sur des constructions et installations destinées à l’exercice d’un culte ».

Il s’agit d’un avis simple.

Par une intéressante décision, la CAA de Versailles, en référé à hauteur d’appel, avait posé que ce régime :

  • s’applique aux permis de construire modificatifs (en l’espèce à un arrêté du 11 octobre 2021
  • ne soulève pas de difficulté justifiant la transmission d’une QPC
  • s’applique car il y a lieu de culte dès lors qu’il y a création ou modification de salles de prière.
  • entraîne une irrégularité de procédure non régularisable justifiant la suspension

Voir :

 

Or, voici que par une décision qui aura les honneurs des tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient de censurer cette décision de la CAA.. le Palais Royal décidant d’être plus souple que ce qui avait été décidé à Versailles. 

Le juge administratif confirme que, certes, l’article L. 422-5-1 du code de l’urbanisme a pour objet d’imposer au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation individuelle d’urbanisme relative à un projet portant sur une construction ou une installation destinée à l’exercice d’un culte, de recueillir l’avis du préfet.

Mais, bon prince, le Palais Royal pose qu’il résulte de cet article, éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (ah ? on n’a pas lu la même chose alors…) dont il est issu, que la consultation qu’il prévoit n’est requise que lorsque la demande dont le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est saisi porte sur un projet ayant pour effet de créer ou d’étendre significativement une construction ou une installation destinée à l’exercice d’un culte.

L’omission d’une saisine pour avis portant sur une vétille sera donc un péché véniel, voire pas un péché du tout.

Or, les faits de l’espèce témoignent de ce que cette souplesse du juge peut se mesurer tout de même en un nombre significatif de m2 :

« 14. Il ressort en l’espèce des pièces du dossier que le projet autorisé par le permis modificatif litigieux emporte la réduction des salles de prière pour les femmes et pour les hommes situées au rez-de-chaussée respectivement de 24 et 8 m², la création au rez-de-jardin d’une salle de prière de 134 m² pour les femmes et la réduction corrélative de 171 m² de la taille de la salle de prière réservée aux hommes et la création au rez-de-chaussée d’un espace commercial de 105 m². Ni la réorganisation des espaces de prière, se traduisant par la réduction globale des surfaces qui leur sont réservées, ni la création d’un espace commercial, non destiné à l’exercice du culte, ni les autres modifications résultant de ce permis modificatif ne peuvent être regardées comme créant des constructions ou installations destinés à l’exercice du culte ou comme étendant significativement celles dont la création a été autorisée par le permis de construire initial délivré le 3 août 2018. Dès lors, le projet n’entre pas dans le champ de la consultation obligatoire du préfet prévue à l’article L. 422-5-1 du code de l’urbanisme. Il suit de là que le préfet des Hauts-de-Seine n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a jugé que le moyen tiré de l’absence de consultation du préfet n’était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée et que son appel doit être rejeté. »

 

En l’espèce, avec une réduction des espaces purement religieux, le juge aurait pu poser que sont exclu de l’obligation de recueillir un tel avis les cas où il y a simple maintien ou diminution des m2 affectés au culte.

Mais le juge a adopté une formulation plus étendue, qui exclut aussi de cette obligation de consultation du préfet pour avis simple les permis donnant lieu à une extension « non significative » des espaces voués au culte… ce qui était un peu hardi tout de même au regard des formulations adoptées par le législateur.


Source : Conseil d’État, 25 juillet 2022, n° 463525, à mentionner aux tables du recueil Lebon