La guerre des drones a recommencé. Avec un nouvel épisode de la saga au JO.
Alors voyons ensemble les épisodes de cette saga drolnatique.
Et, pour débrouiller cet écheveau la force soit avec nous tous.
1/ En mai 2020, la défaite de l’Etat, faute de loi
Il y a deux ans, le Conseil d’Etat faisait du ball-trap avec les drones de la Police (CE, ord., 18 mai 2020, n°440442, 440445 ; voir ici).
Précision pour répondre aux propos militants lus sur les réseaux sociaux : NON le Conseil d’Etat n’avait pas alors interdit l’usage des drones. Il en avait censuré l’usage sans adaptation législative dans son arrêt précité (puis plus récemment dans un avis non contentieux) – on peut être pour ou contre l’usage des drones… mais pas en se prévalant des décisions du Conseil d’Etat pour rejeter l’usage des drones d’une manière générale.
2/ L’image de la guerre, la guerre des images
En fait, ces questions ne portent pas que sur les drones, même si ceux-ci alimentent le plus, par leur nouveauté et leur commodité d’usage, les débats. Voir :
- La commune ne peut recourir aux drones pour lutter contre la fraude aux impôts locaux, selon l’Etat
- L’usage expérimental de produits phytopharmaceutiques agricoles par drones devra donner lieu à information du maire
- Où peut-on faire voler un drone ?
- Peut-on prouver l’existence d’une construction illégale avec les photographies d’un drone ?
En effet, les avions ou les hélicoptères peuvent aussi prendre des photos ou des films depuis les airs. Surtout, la question n’est pas uniquement celle du lieu depuis lequel films et photos sont pris (quoiqu’il y ait un lien fort entre netteté de l’image — et donc identification possible des individus — et hauteur de la prise de vue)… il y a aussi celle de la captation, avec ou sans conservation, avec ou sans identification possible des individus, comme l’a démontré l’arrêt précité du 18 mai 2020, ou plus récemment, dans un autre domaine proche, celui des caméras thermiques ou intelligentes. Voir celui de la reconnaissance faciale. Voir :
- Caméras thermiques : le juge souffle le chaud et le froid
- Reconnaissance faciale : le Conseil d’Etat, loin de grimacer, l’accepte sous des conditions qui ne sont pas que faciales
- La reconnaissance faciale dans les bâtiments d’enseignement : les leçons du TA de Marseille
- Le TAJ est-il MAL ?
- Caméras dites « intelligentes » et caméras thermiques : les points de vigilance de la CNIL et les règles à respecter
3/ Loi « sécurité globale »… L’Empire contre-attaque ? ou Défense de la République ?
Puis le sujet fut relancé par la proposition de loi « sécurité globale », fortement soutenue par le Ministère de l’Intérieur, et qui contenait quelques dispositions à ce sujet. Voir :
- « Sécurité globale » : demandez le programme !
- voir les critiques de la DDD à ce sujet : Après l’avis de la DDD… la « sécurité globale » en insécurité ?
- Voici le texte de la loi « Sécurité globale » tel qu’adopté par l’A.N. et transmis au Sénat
C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat avait rendu le 20 septembre 2020, un avis non contentieux (section de l’Intérieur) n° 401 214, « relatif à l’usage de dispositifs aéroportés de captation d’images par les autorités publiques ».
Le Gouvernement a décidé de rendre public cet avis. Le voici :
Avis_Dronesdesurveillance
Voici ce que nous en disions alors :
Il est aussi à souligner que le Livre blanc relatif à la sécurité intérieure est enfin sorti peu après, et clairement, à titre confortatif de la proposition de loi :
Voici ensuite une vidéo sur ce texte APRES passage au Parlement et AVANT passage au Conseil constitutionnel :
Et après adoption de la loi, voici une grande table ronde que nous avions organisée (1h32) :
https://youtu.be/AAQMbp1Z43s
Du point de vue des forces de l’Ordre, il s’agit de faire face à ce qui est perçu comme un dénigrement de principe d’outils indispensables et très contrôlables :
4/ Censure, déjà en mai 2021, par le Grand conseil Jediconstitutionnel (la menace fantôme du droit)
SAUF que les mesures insérées dans cette proposition de loi, relatives aux drones, ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021.
Voir notre analyse alors (lire les passages sur les articles 47 et 48 de la loi dans sa numération d’avant promulgation) :
Conduisant à une loi tronquée sur ce point, après matraquage rue Montpensier :
La Constitution, interprétée très strictement à notre sens, mais dans un domaine où il faut certes sauvegarder d’important verrous pour les libertés, avait parlé :
5/ La contre-attaque des drones (juillet 2021)
… d’où le besoin pour le Gouvernement de corriger sa copie, ce qu’il fit avec une nouvelle proposition de loi examinée en urgence :
6/ La revanche des associations (collection été-automne 2021)
Conduisant à une nouvelle contre-offensive des associations militantes en ce domaine. Voir par exemple, pour un point de vue particulièrement sans nuance (mais fort bien écrit) :
8/ Le texte du Parlement de la République
Le Parlement s’est mis d’accord avec ce texte, en CMP :
Avec quelques points forts :
- une sanction spécifique pour les drogues dites « du violeur » même si l’infraction est un peu plus large que cela (portant sur l’atteinte à l’intégrité de la personne résultant d’une intoxication volontaire)
- renforcement de la répression de certaines atteintes aux forces de l’ordre (GC, PM et sapeur-pompiers y inclus)
- régime propre aux drones et à quelques autres cas (pénitentiaire notamment) de captations d’images.
9/ La nouvelle nouvelle décision du Grand conseil Jedi de la rue Montpensier en janvier 2022
Le conseil constitutionnel a rendu une décision posant que le préfet devra au préalable s’assurer (sur le principe et le périmètre) que :
- les services n’ont pas d’autre moyen utilisable qui serait moins intrusif ;
- ce moyen doit même être le seul si on passe en phase de renouvellement d’autorisation ;
- nulle analyse des images au moyen d’autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés.
De plus, les sages Jedi de la rue Montpensier ont :
- censuré les recours particuliers dans des régimes d’urgence (dont un cas concernant les polices municipales).
- émis des réserves sur certains cas d’utilisation par des services de sécurité et de secours.
10/ Publication de la nouvelle nouvelle loi
Au JO du 25 janvier 2022, se trouvait la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (NOR : JUSX2116059L) :
11/ L’Intérieur contre-attaque (pour les sapeurs-pompiers)
Puis au JO virent :
- le Décret n° 2022-712 du 27 avril 2022 portant application des articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs des acteurs de la sécurité civile
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045683289
- Ce décret crée un chapitre II au titre IV du livre II de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure. Il autorise la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements et précise leurs finalités, les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d’accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées.
- l’arrêté du 7 avril 2022 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à l’identification des aéronefs circulant sans personne à bord dénommé « Infodrones »
11/ Le retour des traitements de données (sur la planète Scarif)
A été publié le décret n° 2022-1397 du 2 novembre 2022 portant application de l’article L. 6224-1 du code des transports relatif au régime encadrant la captation et le traitement des données recueillies depuis un aéronef dans certaines zones (NOR : PRMD2220538D) :
Ce décret, qui entre en vigueur le 1er janvier 2023, a été pris en application de l’article 18 de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, :
- détermine les autorités administratives délivrant les autorisations permettant la captation, l’enregistrement, la transmission, la conservation, l’utilisation ou la diffusion de données recueillies, depuis un aéronef, par un appareil photographique ou cinématographique ou par tout autre capteur de télédétection des zones interdites de captation aérienne de données.
- précise les conditions de délivrance de ces autorisations.
- modifie et abroge les dispositions réglementaires en vigueur afin de tirer les conséquences de la refonte du cadre légal de la captation aérienne des données dans les zones interdites à cet effet.
En espérant que cet ultime épisode de la saga apportera un peu de concorde dans la République :
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