Principe de non-régression et pouvoir réglementaire

Aux termes du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les autorités s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du :

« principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

Le juge fait prévaloir une interprétation raisonnée, non absolue voire parcimonieuse, de ce principe :

… Avec quelques sursauts parfois de la part du juge (voir par exemple )Annulation d’une partie de la (relative) dérégulation des ICPE au nom du principe de non-régression en matière environnementale ).Pour un exemple, en transport aérien, où il a été dit le principe de non-régression avait fait une envolée alors que cela se discute, voir CE, 9 juillet 2021, n° 439195, arrêt que j’avais commenté ici).

Donc c’est sans surprise que le Conseil d’Etat vient de poser que :

En l’espèce, le litige portait sur le régime de l’article L. 1333-4 du code de la santé publique (CSP) disposant que :

  • certaines des activités nucléaires ainsi que certains procédés, dispositifs ou substances exposant des personnes à des rayonnements ionisants peuvent être, en raison du peu d’avantages qu’ils procurent ou de l’importance de leur effet nocif, réglementés ou interdits par voie réglementaire
  • les interdictions ou réglementations prises sur ce fondement peuvent être révisées compte tenu d’éléments nouveaux et significatifs permettant de réévaluer la justification des activités, procédés, dispositifs ou substances concernés.

Les requérantes demandaient l’annulation, pour méconnaissance du principe de non-régression, des décrets d’application n° 2022-174 du 14 février 2022 et n° 2022-175 du 14 février 2022.

Le Conseil d’Etat estime que, par l’article L. 1333-4 du CSP, le législateur n’a pas entendu écarter l’application du principe de non-régression ou confier au pouvoir réglementaire compétence pour déterminer les conditions de mise en oeuvre de dérogations à un régime protecteur de l’environnement. Il en résulte que le principe de non-régression peut être utilement invoqué à l’encontre des dispositions des décrets attaqués.

Toutefois, le dispositif permettant la réutilisation de matériaux, institué par les dispositions réglementaires attaquées, comporte des garanties destinées à prévenir les risques pour la santé et l’environnement.

Par suite, eu égard à la très faible radioactivité des substances dont la valorisation est susceptible d’être autorisée sur le fondement des décrets attaqués et aux garanties qu’ils prévoient, ces décrets ne conduisent pas, selon le Conseil d’Etat, à une régression de la protection de l’environnement, en méconnaissance des dispositions du 9° de du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

 

Source :

Conseil d’État, 27 mars 2023, n° 463186, aux tables du recueil Lebon