Attention il importe de prendre garde à quelques chausse-trappes quand un élu ou un cadre territorial et/ou une collectivité publique s’estime diffamée :
- I. si la personne diffamée ou injuriée est un cadre ou un élu dans le cadre de ses fonctions, cette personne pourra directement déposer plainte (avec constitution de partie civile pour que ce soit efficace, dans ce cas, qui diffère de nombre d’autres situations où il faut d’abord déposer une plainte simple).
En pareil cas, s’appliquent les articles 31 et, surtout, 48 (point 3° de l’énumération) de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse .
Simplement, il est à noter qu’alors :- I.A. il faudra penser à faire bénéficier cet élu ou ce cadre de la protection fonctionnelle, non sans quelques subtilités et prudences (ne pas participer au vote pour les élus ; se faire remplacer dans certains cas concernant les agents ; ne pas étendre cela à des cas où il s’agit aussi de traiter de questions de favoritisme ou de prise illégale d’intérêts ou autre infraction volontaire considérée par le juge comme étant par défaut — et avant même qu’un jugement soit rendu sur ce point — détachables des fonctions…) :
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- Un maire ne peut se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle d’un agent communal qui le met personnellement en cause.
- L’octroi de la protection fonctionnelle aux élus relève de la seule compétence de l’organe délibérant.
- Des propos tenus durant une campagne électorale ne font pas obstacle pour un fonctionnaire au droit à la protection fonctionnelle
- La protection fonctionnelle peut prendre la forme d’un droit de réponse.
- La prise illégale d’intérêts… étendue par un juge aux élus d’opposition, avec application en citation directe !
- etc.
- I.B. : Mais la plainte peut être déposée sans délibération préalable si elle émane bien de la personne physique et n’est pas faite au nom de la personne morale (pour un cas où cela est fait au titre d’un « citoyen chargé d’un mandat public », voir Source : Cass. Crim. 1er déc. 2015, F-P+B, n° 14-86.516)
- I.C.parfois, la personne morale pourra se constituer à l’appui d’un élu diffamé ou injurié :
- Si un élu est victime dans l’exercice de ses fonctions, il pourra souvent, désormais, voir son assemblée et son association d’élus se constituer partie civile à ses côtés
- Une circulaire détaille le contenu de la loi permettant aux assemblées et associations d’élus de se constituer partie civile aux côtés des élus agressés
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- etc.
- I.A. il faudra penser à faire bénéficier cet élu ou ce cadre de la protection fonctionnelle, non sans quelques subtilités et prudences (ne pas participer au vote pour les élus ; se faire remplacer dans certains cas concernant les agents ; ne pas étendre cela à des cas où il s’agit aussi de traiter de questions de favoritisme ou de prise illégale d’intérêts ou autre infraction volontaire considérée par le juge comme étant par défaut — et avant même qu’un jugement soit rendu sur ce point — détachables des fonctions…) :
- II. MAIS ET C’EST LÀ DEUX PIÈGES TRÈS MÉCONNUS ET QU’IL FAUT RAPPELER des règles différentes s’appliquent s’il s’agit de déposer plainte en diffamation ou injure « pour des corps constitués ».
En pareil cas :- II.A. ce n’est plus alors l’article 48, 3°, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui s’applique mais le point 1° de l’article 48 : «Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30, la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ; »
L’absence de délibération préalable doit être, le cas échéant, relevée d’office par le juge qui déclare alors la poursuite irrecevable… ce qui est grave car vu les délais de prescription en matière de délits de presse (3 mois en général), il est trop tard pour régulariser ensuite !
Sources : Cass. crim., 15 décembre 2020, pourvoi n° 19-87.710 ; voir aussi Cass. crim., 12 mars 2019, 18-82.865, ainsi que Cass. crim., 18 mai 1993, 91-85.129.
Source : Cass. crim., 15 décembre 2020, pourvoi n° 19-87.710 ; voir aussi Cass. crim., 12 mars 2019, 18-82.865, ainsi que Cass. crim., 18 mai 1993, 91-85.129. - II.B. rappelons aussi à cette occasion que ce n’est que dans des cas rares que la personne morale de droit public pourra déposer plainte à côté de ses agents (pour les élus, voir ci-avant « I.C. ») pour son propre préjudice si celui-ci n’est « que » moral. Si c’est l’agent ou l’élu qui a été injurié ou diffamé, par exemple, la personne publique pourra rarement estimer qu’elle l’a été aussi par ricochet, mais ceci est à voir au cas par cas avec prudence… et subtilité.
Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité propre à l’injure et/ou à la diffamation, mais l’application d’une règle usuelle selon laquelle le juge est rétif à accepter un préjudice moral de la collectivité quand les victimes sont ses habitants, ses agents et/ ou ses élus Voir, pour un cas choquant : Cass. Crim., 12 mars 2019, n° 18-80911 ; voir ici).
Notre cabinet a eu souvent, parfois dans des dossiers dramatiques, à traiter de pareils cas. Nous arrivons alors à une situation complexe. Pour être recevable, la constitution de partie civile de la collectivité doit être fondée sur un préjudice réel, direct, et surtout matériel. Distinct de celui de l’agent (ou de l’habitant) victime. On en trouve toujours un. Mais les collectivités ont peur à ce stade, et on peut les comprendre, de donner l’impression d’être médiocres (se plaindre d’une voiture de la PM abimée alors qu’un agent a été blessé, ou pire, semble mesquin… idem pour le préjudice financier à la suite d’un agent mis en arrêt maladie ou en ASA… mais c’est indispensable).
Tout l’art de l’avocat consiste donc alors à soulever un préjudice moral au principal (pour lequel on sait qu’on se fera débouter…) mais d’y ajouter un préjudice matériel précis, bien argumenté, qui médiatiquement passera inaperçu, mais qui interdira au juge (s’il est sérieux…) de rejeter notre CPC… et ce en se fondant sur l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (« loi Le Pors »).
- II.A. ce n’est plus alors l’article 48, 3°, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui s’applique mais le point 1° de l’article 48 : «Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30, la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ; »
Voici un petit tableau que j’utilise au sujet de ces deux infractions (non pas sur les questions de procédure que j’évoque ci-avant, mais sur le fond de ces contraventions et délits :
Voir aussi pour un survol général de ces deux infractions que sont l’injure et la diffamation :
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