attention mise à jour. Voir aussi, en complément de cet article, la brève suivante sur notre blog :
TASCOM : quand le juge fait un cadeau à l’Etat en forme de gros chèque !
MISE À JOUR AU 21 JUILLET 2017 : TASCOM : un triste épilogue pour les collectivités locales et les EPCI
Le 2 janvier dernier, nous communiquions un premier jugement sur la TASCOM, rendu par le TA de Grenoble confirmant que pour les communes et leurs groupements prélevant cet impôt, il y avait urgence à agir au contentieux (les sommes en jeu sont considérables !), non sans quelques limites toutefois.
Le TA de Pau vient de rendre une décision dans le même sens.
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Pour accéder à notre article du 2 janvier 2016 :
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Pour accéder à ce jugement du TA de Grenoble :
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Et voici en lien de téléchargement ce jugement du TA de Pau dans le même sens :
Rappel du cadre dans lequel ces jurisprudences sont rendues :
Depuis l’année 2011, les Etablissements de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité professionnelle unique perçoivent la taxe sur les surfaces commerciales – TASCOM (loi de finances 2010, n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 avec application du dispositif à compter de 2011).
Afin de permettre la neutralité financière du dispositif, la TASCOM est compensée pour l’Etat par une minoration « de la dotation de compensation » des EPCI concernées, minoration opérée à hauteur du montant de la TASCOM perçue par l’État en 2010 sur le territoire intercommunal considéré.
Le paragraphe 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi de finances pour 2010, n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 disposait ainsi dans sa version en vigueur de 2011 à 2014 que :
«Le montant de la compensation prévue au D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l’article L.5211-28-1 du code général des collectivités territoriales est diminué en 2011 d’un montant égal, pour chaque collectivité́ territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité́ propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l’Etat en 2010 sur le territoire de la collectivité́ territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale »
Sur le fondement du paragraphe b) du 2° du paragraphe 1.2.4.3 de l’article 77 de la loi sus-mentionnée, un nouvel alinéa a été ajouté à l’article L. 2334-7 du CGCT. Celui-ci dispose que :
«Pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque le montant de la compensation prévue au D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) ou de la dotation de compensation prévue à l’article L. 5211-28-1 du présent code est, en 2011, inferieur au montant de la diminution à opérer en application du 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le solde est prélevé au profit du budget général de l’Etat, prioritairement sur le montant correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du 2° bis du II de l’article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 et enfin sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation et de la contribution économique territoriale perçu au profit de ces communes et établissements » ;
Par deux circulaires successives, n° COT/B/12/05604/C du 28 mars 2012 et n° INTB1309068C du 5 avril 2013 du Ministre chargé des collectivités territoriales, furent étendues aux années ultérieures les dispositions des paragraphes 1.2.4.2 et 1.2.4.3 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
Le Ministre de l’intérieur a indiqué par ces deux circulaires aux préfets les modalités de répartition de la dotation de compensation des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) au titre des années 2012 et 2013.
Les circulaires prescrivent notamment que la dotation de compensation des EPCI au titre respectivement des années 2012 et 2013 doit être minorée du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) perçu par l’Etat sur le territoire de la collectivité en 2010 et que si le montant de la dotation de compensation est insuffisant pour assurer la minoration dans sa totalité, le solde est prélevé sur les recettes fiscales directes de la collectivité.
C’est ainsi qu’en contrepartie du transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales du budget de l’Etat aux budgets des communes ou des EPCI à fiscalité propre, un mécanisme de compensation des pertes de recettes fiscales de l’Etat est institué à compter de 2011.
En pratique, le montant de ces dotations est diminué d’un montant égal, pour chaque commune ou EPCI à fiscalité propre, au produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l’Etat en 2010 sur leur territoire.
L’éventuel solde au profit du budget général de l’Etat est prélevé sur d’autres ressources propres de ces collectivités, prioritairement, sur le montant correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du 2° bis du II de l’article 1648 B du CGI dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 et, ensuite, sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation et de la contribution économique territoriale perçu au profit de ces communes et établissements.
La dotation par laquelle les montants de TASCOM se sont retrouvées insuffisamment reversées aux EPCI est la « dotation de compensation » de l’article L. 5211-28-1 du CGCT (voir aussi l’article L. 2334-7 du CGCT dans sa version applicable avant la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014).
Cet article ne se comprend bien que s’il est lu en corrélation avec les dispositions du point 1.2.4.2. de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 (dans sa version applicable avant la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014).
Les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et sur les recettes fiscales perçues par les EPCI, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l’Etat à ces établissements publics, n’ont été, pour les exercices 2012, 2013 et 2014, applicables qu’au titre de la seule année 2011.
En effet, aucune autre disposition ni aucun texte ne prévoit que ces mécanismes s’appliquent aux EPCI aux titres des années 2012, 2013 et 2014, alors même que dans sa circulaire du 5 avril 2013, le Ministre a étendu le dispositif au-delà des exigences de la loi.
Or, par une décision du Conseil d’Etat, Communauté de Communes du Val de Sèvres, 16 juillet 2014, req. n° 369736, la Haute juridiction a ainsi annulé le paragraphe de la circulaire du 5 avril 2013 susvisé qui procédait à l’extension du mécanisme de compensation après 2011 :
« Il résulte des termes mêmes des dispositions citées au point 6 que les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations et sur les recettes fiscales perçues par les EPCI, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l’Etat à ces établissements publics, ne sont applicables qu’au titre de la seule année 2011 ; qu’aucune disposition du code général des collectivités territoriales applicable en 2013, ni aucun autre texte ne prévoit que ces mécanismes s’appliquent aux EPCI au titre de l’année 2013 ; que, par suite, le ministre de l’intérieur a ajouté aux dispositions législatives applicables en indiquant dans sa circulaire du 5 avril 2013 que : » Je vous rappelle en outre que la dotation de compensation des EPCI est minorée depuis 2011 du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) perçu par l’Etat sur le territoire de la collectivité en 2010. Si le montant de la dotation est insuffisant pour assurer la minoration dans sa totalité, le solde est prélevé sur les recettes fiscales directes de la collectivité » ; que la communauté de communes du Val de Sèvre est donc fondée à demander l’annulation des dispositions citées ci-dessus de la circulaire du 5 avril 2013 ; »
Le même raisonnement s’applique pour les exercices 2012 et 2014 naturellement, les textes législatifs et réglementaires n’ayant pas varié sur ce point.
C’est donc à tort que l’Etat a opéré une déduction de la dotation de compensation au titre des années 2012, 2013 et 2014, source d’un préjudice certain pour les EPCI concernés.
Dès lors nombre de communes ont engagé des recours (surtout pas des recours pour excès de pouvoir, qui seraient prescrits presque toujours, mais des recours contentieux indemnitaires, voir par analogie : CE, 16 juillet 2014, Commune de Cherbourg Octeville, n° 361570 ; CAA Douai, 27 juin 2012, n°11DA01783 ; CAA Paris, 23 janvier 2014, n°12PA00597).
Un jugement n° 1207725 a été rendu le 29 octobre 2015 par le Tribunal administratif de Grenoble dans une affaire au fond relative à ces questions de TASCOM. Puis le TA de Pau (voir ci-dessus) est allé dans le même sens.
Ces deux tribunaux ont estimé que les minorations réalisées en 2012, 2013 et 2014 de dotations de compensation du produit de la TASCOM perçu par l’Etat sur le territoire de cette collectivité en 2010 étaient illégales et devaient entraîner la réparation du préjudice subi par la collectivité. Citons le TA de Grenoble :
« 6. Considérant qu’il résulte des termes mêmes des dispositions du paragraphe 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 que les mécanismes de diminution et de prélèvement portant sur les dotations perçues par les EPCI, mis en place pour compenser le transfert du produit de la taxe sur les surfaces commerciales de l’Etat à ces établissements publics, ne sont applicables qu’au titre de la seule année 2011 ; qu’aucune disposition du code général des collectivités territoriales alors applicable, ni aucun autre texte ne prévoit que ce mécanisme s’applique aux EPCI au titre des années 2012 et 2013 et 2014 ; que, dès lors, minorant les dotations de compensation des années 2012, 2013 et 2014 du produit de la taxe sur les surfaces commerciales perçu par l’Etat sur le territoire de cette collectivité en 2010, le préfet de l’Isère a commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l’Etat ; que la communauté de communes du Pays roussillonnais est, par suite, en droit d’obtenir réparation du préjudice qui résulte de l’application de ces décisions illégales ; »
Surtout, le Tribunal administratif de Grenoble (suivi par celui de Pau) a estimé que le recours indemnitaire introduit par la communauté de communes était recevable car les décisions de notification de dotations de compensation pour les années 2012, 2013 et 2014 n’étaient pas devenues définitives :
« Considérant que la communauté de communes du Pays roussillonnais fait valoir que le préfet de l’Isère ne lui a pas notifié les montants de la dotation de compensation qui lui ont été accordés pour les années 2012 et 2013 ; que le préfet de l’Isère ne produit ni les décisions portant attribution de ces dotations au titre des années 2012 et 2013 ni aucune pièce de nature à établir qu’il a notifié ces décisions à la communauté de communes du Pays roussillonnais ; que, par ailleurs, la communauté de communes verse au débat les « fiches individuelles DGCL » datées des 4 juillet 2012 et 19 juillet 2013 qui indiquent le montant total de la dotation ainsi que ses modalités de calcul ; que la requérante précise également que ces fiches lui « sont transmises chaque année par l’Etat » ; que, toutefois, il résulte de l’instruction que ces fiches ne comportent pas la mention des voies et délais de recours ; que, dès lors, si la communauté requérante doit être réputée avoir eu connaissance des décisions d’attribution de dotations de compensation au titre des années 2012 et 2013, elle ne peut pas être regardée, en tout état de cause, comme ayant eu connaissance des voies et délais de recours courant contre ces décisions ; que, par suite, le préfet de l’Isère n’établit pas que ses décisions attributives de la dotation de compensation au titre des années 2012 et 2013 sont devenues définitives par expiration du délai de recours contentieux ;
Considérant que le préfet de l’Isère verse aux débats sa décision du 19 mai 2014 qui accorde à la communauté de communes du Pays roussillonnais une somme de 2 726 396 euros au titre de la dotation de compensation de l’année 2014 sans produire l’avis de réception de cette décision ni même préciser sa date de notification ; que la requérante ne conteste pas avoir reçu notification de cette décision ; que, dans ces conditions, si la communauté de communes du Pays roussillonnais doit être regardée avoir eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours, aucune pièce du dossier ne permet toutefois de déterminer la date à laquelle elle a eu nécessairement connaissance de cette décision et de ses voies et délais de recours et ainsi de vérifier qu’à la date du 26 décembre 2014, date d’enregistrement de sa requête, la décision du 19 mai 2014 était devenue définitive ».
Plus précisément, si l’on en croit ces TA (plus nettement celui de Grenoble), les décisions de notification ne sont pas définitives dans deux hypothèses :
- les fiches de notification individuelles de dotation, adressées par le préfet à la collectivité, ne contiennent pas la mention des voies et délais de recours : alors la collectivité ne peut pas être regardée comme ayant eu connaissance des voies et délais de recours courant contre ces décisions ;
- ces fiches contiennent la mention des délais et voies de recours, mais le préfet n’a ni produit l’avis de réception de ces décisions ni précisé leur date de notification : alors rien ne permet de déterminer la date à laquelle la collectivité a eu connaissance de ces décisions et de ses voies et délais de recours.
attention mise à jour. Voir aussi, en complément de cet article, la brève suivante sur notre blog :
TASCOM : quand le juge fait un cadeau à l’Etat en forme de gros chèque !