Inscription scolaire : que faire en cas d’instance de divorce entre les parents ?

Aux termes de l’article 372-2 du Code civil :

« A l’égard des tiers, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il est fait un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».

Mais le TA de Nice a décidé, non sans logique, de n’y voir qu’une sorte de présomption.

Le TA a estimé, surtout, que l’exercice conjoint de l’autorité parentale suppose que les parents prennent d’un commun accord les décisions importantes concernant la vie des enfants, notamment en matière de santé, de scolarité et d’orientation, ou d’organisation des congés des mineurs.

En l’espèce, M. B. avait informé la principale du collège B. qu’il était en instance de divorce et qu’il était en désaccord avec son épouse sur toutes les décisions ayant trait à la présence et à la scolarisation de sa fille au sein du collège et lui a demandé qu’aucune décision relative à son enfant ne soit prise sans son accord.

Or, il ressort de ces différentes correspondances que M. B. n’a pas été consulté s’agissant du transfert du dossier scolaire de sa fille, du collège B. au collège du P.

L’initiative du transfert du dossier scolaire présente le caractère d’une décision importante concernant la vie de l’enfant et sa scolarité, selon le TA de Nice que nul ne pensera à contester sur ce point précis.

En omettant de solliciter l’avis du père de l’enfant, l’administration scolaire a, dès lors, commis une faute de service. Par suite, la responsabilité de l’Etat, au nom duquel sont prises les décisions d’inscription ou de radiation dans les collèges, est engagée vis-à-vis de M. B.

 

Cette affaire s’avère naturellement transposable aux écoles élémentaires et pré-élémentaires nonobstant les différences de modalités d’inscription (en mairie).

 

Voir à ce sujet, aussi :

 

Et, surtout, voici ce jugement (source : la lettre de jurisprudence de ce TA) :

TA Nice, 5ème chambre, 20 décembre 2016, M. B., n° 1502131, M. Parisot, pdt, M. Pascal, rapp., M. Taormina, rapp. publ.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE

N° 1502131 __________

M. B. ________________

M. Pascal

Magistrat rapporteur ________________

M. Taormina Rapporteur public _______________

Audience du 22 novembre 2016 Lecture du 20 décembre 2016 _____________________

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Nice, (5ème Chambre)

30-01-04-01

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au greffe le 18 mai 2015 sous le n° 1502131 M. B., représenté par Me Leturcq, demande au tribunal :

– de condamner l’Etat à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral résultant d’un défaut d’information du collège Ludovic Béa sur la situation scolaire de sa fille, Hanna ;

– de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :
– la responsabilité de l’Etat pour faute est engagée : le collège Ludovic Brea de

Saint Martin du Var n’a, à aucun moment, pris en compte l’autorité parentale qu’il exerce sur sa fille, Hanna; il a clairement exprimé auprès de l’administration son souhait de faire tomber la présomption d’accord entre les parents prévue à l’article L. 372-2 du code civil ; le collège ne pouvait pas ignorer l’existence d’un litige entre lui et son épouse ; il n’a pas été consulté sur les actes importants pris par l’établissement, notamment sur le transfert du dossier de sa fille vers un autre établissement ; le refus de l’informer constitue un détournement de pouvoir alors que son ex-épouse était la principale- adjointe du collège du Parc Impérial à Nice ;

– le préjudice moral résulte de son impossibilité à exercer son autorité parentale et à mener une vie privée et familiale garantie par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; il établit que cette situation a entraîné des conséquences sur sa santé ;

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Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars 2016 et 14 novembre 2016, le recteur de l’académie de Nice conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

  • –  à titre principal, la requête est irrecevable à défaut pour le requérant d’avoirlié le contentieux en lui adressant une réclamation préalable ;
  • –  à titre subsidiaire, le requérant n’apporte pas la preuve de la notification auprès du collège Ludovic Bréa du courrier faisant part « de sa volonté derenverser la présomption d’accord entre les parents » ;
  • –  aucune faute ne peut être imputée à l’administration scolaire: le chefd’établissement du collège Ludovic Bréa n’a pas procédé d’office à la radiation de la jeune Hanna des effectifs de l’établissement ; il a transféré le dossier de l’élève au collège du Parc Impérial à Nice pour ne pas pénaliser le déroulement de la scolarité de l’enfant ;

    Par des mémoires, enregistrés au greffe les 31 mars 2016, 12 avril 2016 et 16 novembre 2016, M.B.conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses précédentes écritures ;

    Il fait, en outre, valoir, que :

  • –  il appartenait au chef d’établissement du collège Ludovic Bréa de transmettrela demande préalable à l’administration compétente en application des articles

    L. 114-2 et L. 114-4 du code des relations entre le public et l’administration ;

  • –  il a joint l’avis de réception de la lettre recommandée du 15 mai 2014 par laquelle il a informé l’administrationde sa volonté de renverser laprésomption d’accord entre les parents ;
  • –  la responsabilité de l’Etat est incontestablement engagée : le collège LudovicBréa a fait preuve à son endroit d’un défaut d’information global sur la situation de sa fille alors qu’il justifie avoir informé le collège, par courrier du 15 mai 2014, de sa volonté de mettre un terme à la présomption d’accord entre parents ; la faute reprochée au collège ne consiste pas seulement au prononcé de la radiation de sa fille ; la principale du collège ne pouvait pas ignorer que sa fille allait être scolarisée dans un autre établissement ;

    Vu :

  • –  les pièces constatant la notification aux parties des requête et mémoires ainsique des avis d’audience ;
  • –  les autres pièces du dossier ;Vu :
  • –  le code civil ;
  • –  le code de l’éducation ;
  • –  le code des relations entre l’administration et le public ;
  • –  la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leursrelations avec l’administration ;
  • –  le code de justice administrative ;Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
    Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 novembre 2016 :

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– – –

le rapport de M. Pascal, premier conseiller,
les conclusions de M. Taormina, rapporteur public, les observations de Me Michel pour M. B. ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mlle Hanna B., née le 26 décembre 2000, a été scolarisée au sein du collège Ludovic Bréa de Saint Martin du Var, en classe de quatrième, au cours de l’année scolaire 2013-2014. Son père, M. B. demande au tribunal de condamner l’Etat à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral résultant d’un défaut d’information du collège Ludovic Béa sur la situation scolaire de sa fille, Hanna, notamment lors du transfert du dossier de celle-ci vers un autre établissement, le collège du Parc Impérial à Nice, lors de la rentrée scolaire 2014-2015.

Sur la fin de non recevoir opposée par le recteur d’académie :

2. Aux termes de l’article 114-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé ». Aux termes de l’article L. 114-3 du même code : « Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’administration initialement saisie (…) ». Il résulte de ces dispositions combinées qu’une réclamation adressée à une autorité administrative incompétente est réputée, à l’issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par cette autorité, avoir été implicitement rejetée par l’autorité administrative compétente. Cette décision de rejet peut être contestée devant le juge administratif dans les conditions de droit commun. Il est constant que M. B. a présenté, le 9 février 2015, au chef d’établissement du collège Ludovic Bréa une demande indemnitaire tendant à la réparation de son préjudice moral, chiffré à 10 000 euros, pour avoir transféré, sans l’informer, le dossier scolaire de sa fille vers un autre établissement. Il est constant que le collège Ludovic Bréa n’a pas transmis au recteur de l’académie de Nice, en méconnaissance de l’article L. 114-2 précité du code des relations entre le public et l’administration, la réclamation préalable du 9 février 2015. Par suite, la fin de non recevoir du recteur de l’académie de Nice tirée de ce qu’il n’a pas été destinataire de la réclamation préalable ne peut qu’être rejetée.

Sur les conclusions à fin d’indemnisation :

Sur la responsabilité de l’Etat :

3. Aux termes de l’article 371-1 du code civil : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. / Elle appartient aux père et mère (…) pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. (…) ». Aux termes de l’article 371-2 du même code : « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. (…) ». Aux termes de l’article 372 : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. (…) ». Enfin, aux termes de l’article 372-2 de ce code : « A l’égard des tiers, chacun des

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parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il est fait un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ». L’exercice conjoint de l’autorité parentale suppose que les parents prennent d’un commun accord les décisions importantes concernant la vie des enfants, notamment en matière de santé, de scolarité et d’orientation, ou d’organisation des congés des mineurs.

4. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 15 mai 2014, dont M. B. produit l’accusé de réception, le requérant a informé la principale du collège Ludovic Bréa de son désaccord avec son épouse sur toutes les décisions ayant trait à la présence et à la scolarisation de sa fille au sein du collège et lui a demandé qu’aucune décision relative à son enfant ne soit prise sans son accord. Par un mel du 19 novembre 2013, il l’avait déjà informée que son épouse et lui-même étaient en instance de divorce et que son épouse ne lui donnait aucune information sur la scolarité de leur fille. Il ressort également des pièces du dossier que par une ordonnance de non-conciliation du 1er juin 2012, le juge des affaires matrimoniales du tribunal de grande instance de Marseille a confié l’exercice de l’autorité parentale sur les enfants Aida et Hanna aux deux parents, a fixé la résidence chez la mère et a suspendu le droit de visite et d’hébergement de M. B. sur les deux enfants en attendant le résultat de l’expertise psychologique et de l’enquête de police en cours.

5. Par un mel du 8 septembre 2014, la principale du collège Ludovic Bréa a informé le requérant que « l’élève B. Hanna n’a pas effectué la rentrée au collège Ludovic Bréa de Saint Martin du Var ». Par un courrier du 15 septembre 2014, la principale du collège a notamment indiqué au requérant que « les élèves du collège Ludovic Bréa ont commencé leurs cours le jeudi 4 septembre 2014. Il a été constaté que votre fille Hannah n’était pas présente, pour le début des cours. Même si le dossier d’inscription n’avait pas été rendu, nous avons attendu la rentrée de septembre afin de garantir à Hannah la possibilité de poursuivre sa scolarité au collège Bréa …Vous avez contacté mon secrétariat de direction le 08/09 et il vous a été répondu que nous nous renseignons sur le lieu de scolarisation d’Hannah … Je vous ai appris le mardi 9 septembre que votre fille était scolarisée sur le Parc Impérial … Si le dossier scolaire a été transmis au lycée du Parc à la demande de son secrétariat, il n’a pas été établi de certificat de radiation et le Parc a procédé à son inscription … Les fins d’année scolaire et les rentrées sont des moments forts de la vie de l’établissement où il peut arriver que des erreurs soient commises. Même si je n’ai pas ordonné le transfert du dossier de votre fille, j’en assume en tant que chef d’établissement, la responsabilité … ».

6. Il ressort de ces différentes correspondances que M. B., qui avait informé l’établissement scolaire où était scolarisée sa fille Hanna au cours de l’année 2013-2014 de l’absence d’accord entre les parents et qui exerce l’autorité parentale conjointe sur sa fille, n’a pas été consulté s’agissant du transfert du dossier de sa fille, du collège Ludovic Bréa à Saint Martin du Var au collège du Parc Impérial à Nice. Il est également constant que le collège Ludovic Bréa n’a pas informé le père de la jeune Hanna qu’un dossier d’inscription pour l’année scolaire 2014-2015 dans cet établissement n’avait pas été déposé et ne lui a indiqué que le 8 septembre 2014, quatre jours après la rentrée scolaire, que sa fille ne suivait pas les cours dans cet établissement. En se bornant à faire état de ce que le chef d’établissement n’a pas procédé d’office à la radiation de la jeune Hanna des effectifs du collège Ludovic Bréa et qu’il a informé spontanément le père de l’enfant de l’absence de sa fille au sein du collège, le recteur de l’académie de Nice ne conteste pas utilement que l’administration scolaire a manqué à son obligation de

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solliciter l’accord du père avant le transfert du dossier scolaire de sa fille au collège du Parc Impérial. Enfin, les circonstances que la principale du collège Ludovic Bréa n’ait pas autorisé elle-même le transfert du dossier scolaire de l’élève Hanna et que la période de rentrée scolaire peut expliquer des erreurs liées à la surcharge de travail sont sans incidence sur la responsabilité de l’administration scolaire qui a pris une décision importante sans en informer M. B. L’initiative du transfert du dossier scolaire présente, en effet, le caractère d’une décision importante concernant la vie de l’enfant et sa scolarité. En omettant de solliciter l’avis du père de l’enfant, l’administration scolaire a, dès lors, commis une faute de service. Par suite, la responsabilité de l’Etat, au nom duquel sont prises les décisions d’inscription ou de radiation dans les collèges, est engagée vis-à-vis de M. B.

Sur le préjudice :

7. Il y a lieu, au vu des éléments produits par le requérant à l’égard des perturbations qu’il a vécues et des difficultés de pouvoir suivre la scolarité de sa fille Hanna, de reconnaître l’existence d’un préjudice moral et de troubles dans les conditions d’existence. Il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. B. en lui allouant une somme de 1000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B. est fondé à demander la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité de 1000 euros.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes

les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des

mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la

somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. B.et non compris dans les

dépens.

DECIDE :
Article 1er : L’Etat (ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur

et de la recherche) est condamné à payer à M. B. la somme de 1000 (mille) euros.

Article 2 : L’Etat (ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche) versera à M. B. la somme de 1000 (mille) euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B. et au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Copie sera transmise au recteur de l’académie de Nice.
Délibéré à l’issue de l’audience publique du 22 novembre 2016 où siégeaient :

M. Parisot, président,
MM. Pascal et Silvestre-Toussaint, premiers conseillers, assistés de Mme Sinagoga, greffière.

Lu en audience publique le 20 décembre 2016. Le magistrat-rapporteur,

Le président,

B. Parisot

F. Pascal

La greffière,

J. Sinagoga